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Union européenne

Pas de budget avant le sommet

L'hémicycle du Parlement européen à Bruxelles.(Photo: Parlement européen)
L'hémicycle du Parlement européen à Bruxelles.
(Photo: Parlement européen)
Les dernières propositions britanniques concernant le budget de l’Union européenne pour la période 2007-2013 n’ont pas permis une véritable avancée avant l’ouverture du Sommet de Bruxelles, jeudi 15 décembre. La Grande-Bretagne, qui assure la présidence tournante de l’Union jusqu’à la fin de l’année 2005, refuse toujours de consentir à une diminution conséquente du rabais dont elle bénéficie depuis 1984, comme le lui demande pourtant l’ensemble de ses partenaires européens. Si les choses restent en l’état, l’Europe se dirige vers une impasse.

Londres persiste et signe. Il n’est pas question d’amputer sa ristourne au-delà des 8 milliards d’euros, mis sur la table des négociations par la Grande-Bretagne le 5 décembre. La dernière proposition budgétaire britannique, qui a été rendue publique mercredi 14 décembre, n’a marqué de ce point de vue aucun changement. Il s’agit pourtant de la principale pierre d’achoppement de la négociation engagée par les 25 Etats européens concernant le budget 2007-2013. Du point de vue de Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères, «il n’y aura pas de réforme fondamentale du rabais sans réforme fondamentale de la Politique agricole commune (PAC)».

Et c’est bien au niveau de l’exigence britannique de lier ces deux sujets que les positions semblent irréconciliables. La France estime que le financement de la PAC, qui a fait l’objet d’un accord à l’unanimité en 2003, ne peut être remis en cause avant la fin de la période concernée, c’est-à-dire avant 2013. Elle affirme que le rabais britannique constitue «une anomalie historique» et qu’il ne peut être maintenu alors que l’Union s’est élargie et que la Grande-Bretagne s’est enrichie. Le chèque britannique était, en effet, au départ destiné à compenser le fait que ce pays percevait un faible pourcentage des aides à l’agriculture alors qu’il était l’un des Etats les moins riches de l’Union.

Un budget insuffisant

Paris a d’ailleurs réussi à rallier à son point de vue une majorité d’Etats membres qui trouvent que la résistance des Britanniques sur la question du rabais n’est plus tenable et que leurs propositions budgétaires ne correspondent globalement pas aux besoins d’une Europe à 25. Là où le Luxembourg, qui a précédé la Grande-Bretagne à la présidence de l’Union européenne, avait avancé le chiffre de 871 milliards d’euros, la Grande-Bretagne ne propose finalement, après un effort, que 849,3 milliards d’euros. Une enveloppe globale jugée notoirement insuffisante. D’autant que le montant des fonds structurels destinés à aider les nouveaux Etats membres est lui aussi inférieur aux attentes (150 milliards d’euros contre 164 proposés par le Luxembourg) et n’a pas été augmenté dans la dernière proposition britannique.

La Grande-Bretagne fait donc sur le dossier du budget européen l’unanimité contre elle. Même José Manuel Durão Barroso, le président de la Commission de Bruxelles, dont les relations avec la France avaient été marquées par des tensions au moment de la campagne pour le référendum sur la Constitution européenne, a fait part de ses critiques contre la position britannique et de son soutien à la France. Il a ainsi déclaré : «Il n’est pas réaliste d’avoir pendant ce Conseil européen, une négociation sur le lien explicite entre le rabais et la politique agricole. Ce qui est juste et raisonnable, c’est d’adapter le rabais britannique à l’élargissement». Il a d’autre part mis en garde contre un nouvel échec de la négociation budgétaire lors du Sommet de Bruxelles après celui de juin dernier, en déclarant qu’il représenterait «un signe d’impuissance». Le président de la Commission a même précisé : «Un échec, c’est malheureux, deux échecs ce serait irresponsable».

Intérêt commun contre intérêts particuliers

José Manuel Durão Barroso n’est, en revanche, pas hostile à la proposition de la Grande-Bretagne de mettre en place une «clause de révision», c’est-à-dire un engagement à réexaminer le budget avant son terme, de manière à pouvoir ajuster les dispositions. Du point de vue britannique, il s’agit notamment d’un moyen de pouvoir remettre en cause la PAC sans attendre 2013. C’est pourquoi la France, qui n’est pas opposée sur le principe à une telle démarche, exige néanmoins que les discussions qui pourraient être engagées dans ce cadre ne prennent, de toute manière, pas effet avant 2014. Jacques Chirac a d’ailleurs, lors de sa rencontre avec la nouvelle chancelière allemande Angela Merkel, abordé cette question de manière à présenter une position commune lors du Sommet de Bruxelles.

Dans un tel contexte, la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement des 15 et 16 décembre ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Les enjeux budgétaires et politiques s’entrechoquent dans une Europe fragilisée par le rendez-vous manqué des institutions avec les populations à propos de la Constitution. Quel que soit le résultat du sommet, les difficultés rencontrées avant son ouverture montrent à quel point les antagonismes sont difficiles à surmonter au sein de l’Union. L’intérêt commun a bien du mal à supplanter les intérêts particuliers. José Manuel Durão Barroso a beau en appeler au «sens des responsabilités» des uns et des autres, le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas toujours entendu.


par Valérie  Gas

Article publié le 14/12/2005 Dernière mise à jour le 14/12/2005 à 18:43 TU