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France – Côte d’Ivoire

Firmin Mahé tué par erreur ?

Firmin Mahé, le jeune Ivoirien tué en mai par des soldats français.(Photo : AFP)
Firmin Mahé, le jeune Ivoirien tué en mai par des soldats français.
(Photo : AFP)
L’enquête sur le meurtre commis par des soldats français en Côte d’Ivoire en mai 2005 vient de connaître un nouveau rebondissement. D’après un rapport de la gendarmerie, révélé par la presse française, l’homme assassiné, Firmin Mahé, pourrait avoir été confondu avec Nestor Mahé, présumé «coupeur de route», actuellement emprisonné. S’agit-il d’une méprise ? Une enquête est en cours.

«Il y a énormément de gens qui s’appellent Mahé» en Côte d’Ivoire. Les propos de la ministre française de la Défense peinent à esquiver la polémique autour de l’assassinat commis par les soldats français en mai 2005.

Nous sommes le 13 mai. Firmin Mahé marche avec sa compagne sur la route entre Duékoué et Man. Deux véhicules de l’armée française les dépassent, puis font demi-tour. L’homme s’enfuit. Les soldats de l’opération Licorne tirent et le blessent à la jambe. L’homme attrapé est embarqué dans un des véhicules, pour être transporté dans la ville de Man. Il n’y arrivera pas vivant, puisqu’en chemin, Firmin Mahé est assassiné, étouffé dans un sac en plastique. Les militaires pensent avoir réglé son compte à un bandit de grand chemin, un «coupeur de route», accusé de semer la terreur dans la région. La première polémique apparaît en octobre dernier, quand les circonstances de l’assassinat sont révélées. Quatre militaires sont poursuivis dans cette affaire, dont le général de corps d’armée, Henri Poncet.

Nous sommes le 19 mai, soit six jours après le meurtre de Firmin Mahé. Trois hommes armés sont arrêtés par des militaires français, dans la zone de confiance. Suspectés d’être des bandits de grand chemin, ils sont placés sous les verrous, à Man. Un des trois hommes s’appelle Nestor Koho Mahé… Y aurait-il eu alors confusion sur l’identité du «coupeur de route» tant recherché ?

«Bavure dans la bavure»

Le 10 novembre dernier, la gendarmerie rédige un rapport à l’intention du Tribunal aux armées de Paris. Dans ce rapport, il est fait état de l’arrestation, et de fait, de l’existence de Nestor Mahé, «coupeur de route». «Il n’est pas possible d’exclure l’hypothèse selon laquelle il pourrait exister un lien entre l’interpellation du nommé Mahé et les raisons pour lesquelles les autres Mahé ont été incarcérés» peut-on lire. Plusieurs titres de la presse française obtiennent une copie de ce rapport et publient l’information. Le Canard Enchaîné évoque ainsi une «bavure dans la bavure». De son côté, Jeune Afrique-l’Intelligent suggère une possible «tragique méprise». «Firmin Mahé a-t-il été tué par erreur ?», s’interroge pour sa part Le Parisien. En tout cas, l’existence d’un deuxième Mahé sème le trouble dans ce dossier.

Interrogée ce mercredi, Michèle Alliot-Marie, ministre française de la Défense, a affirmé n’avoir aucune information sur cette possible confusion liée à l’homonymie. En plus de dire que Mahé est un nom très répandu dans la région, elle a simplement indiqué qu’«il y a une enquête, qui dira ce qu'il en est».

Pour sa part, maître Jean Balan, avocat d’un des soldats français, donne sa version de l’histoire. Interrogé par RFI, il affirme que «sans justifier le meurtre de quelqu’un, il s’agissait – entre guillemets – “de la bonne personne”». Pour lui, cette confusion liée à l’identité de Mahé est «une manœuvre pour discréditer un peu plus l’armée française».

En revanche, maître Fabien Ndoumou, avocat de la famille Mahé, dénonce «une erreur monumentale». Il voit dans ces révélations, la preuve de l’innocence de Firmin. Interrogé par RFI, il affirme que l’homme assassiné par les soldats français le 13 mai 2005 était «un bricoleur, un électricien», mais «ni un coupeur de route, ni un assassin». Il n’avait «rien à voir avec tout ce qu’on lui reproche». Et l’avocat de demander la «transparence dans cette affaire». Sera-t-il pour autant entendu ? Il faut dire que le dossier, en plus d’être complexe, est sensible, compte-tenu des implications en jeu, notamment celle d’un général de corps d’armée, en l’occurrence Henri Poncet mis en examen pour «complicité d’homicide volontaire».


par Olivier  Péguy

Article publié le 21/12/2005 Dernière mise à jour le 21/12/2005 à 18:32 TU

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Maître Jean Balan

Avocat de l'un des soldats français inculpés

«Sans justifier en aucun cas la mort de quelqu’un, il s’agissait entre guillemets de la bonne personne.»

Maître Fabien Ndoumou

Partie civile au nom de la famille Firmin Mahé

«[Firmin Mahé] était un électricien, un plombier, un bricoleur,… Je dis que Mahé était innocent.»

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