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Irak

Législatives : la domination chiite contestée

Les représentants des partis sunnites et chiites laïcs ont formé, mercredi 21 décembre, un front uni pour exiger l'annulation des élections législatives de la semaine dernière.(Photo : AFP)
Les représentants des partis sunnites et chiites laïcs ont formé, mercredi 21 décembre, un front uni pour exiger l'annulation des élections législatives de la semaine dernière.
(Photo : AFP)
Avant même leur proclamation officielle, les résultats des législatives du 15 décembre, qui ont connu un taux de participation record avec le vote de près de 70% des électeurs inscrits, sont sous le feu des critiques de la part de partis et de coalitions politiques qui s’estiment d’ores et déjà lésés. Les résultats définitifs de ce scrutin ne devraient en effet pas être connus avant la fin du mois mais les premières estimations donne la liste chiite conservatrice de l’Alliance irakienne unifiée (AIU) largement en tête au niveau national. Ce que contestent non seulement les sunnites mais aussi les partisans de l’ancien Premier ministre Iyad Allaoui, un chiite laïc.

Les tentatives du président Jalal Talabani de minimiser les accusations de fraudes émises par plusieurs formations politiques, en majorité sunnites, sont restées vaines. Dans une allocution télévisée, le chef de l’Etat avait tenté mardi de rassurer ses concitoyens. «Certaines objections sont logiques, d’autres pas et il revient à la Commission électorale de trancher», avait-il fait valoir avant d’ajouter : «je ne peux pas me poser en arbitre et je ne peux pas mettre en doute le travail de la Commission électorale indépendante». Jalal Talabani a surtout estimé que, de façon générale, les élections du 15 décembre s’étaient déroulées correctement. «Elles ont renforcé la place de l'Irak dans le monde et donné la preuve que les Irakiens étaient capables de pratiquer la démocratie», a-t-il insisté. Sur ce point là, les faits lui donnent largement raison. Le taux de participation à ce scrutin a en effet dépassé toutes les espérances. Quelque 10 893 413 Irakiens se sont en effet rendus aux urnes le jour du vote, soit près de 70% des électeurs inscrits sur les listes. Et ils ont, toutes communautés confondues, bravé les menaces des groupes armés pour aller choisir leurs représentants au Parlement pour les quatre années à venir.

Mais cette union sacrée dans l’exercice de la démocratie a volé en éclat dès que les premiers résultats du scrutin ont commencé à tomber. Premiers à contester la domination chiite, les sunnites –pourtant en tête dans quatre provinces– ont dénoncé le déroulement des élections dans la capitale Bagdad –qui à elle seule désigne plus d’un quart des 230 députés– et réclamé que le vote y soit de nouveau organisé. «Nous contestons ces résultats et nous les considérons frauduleux. La Commission électorale indépendante doit immédiatement revoir ses chiffres», a ainsi martelé Tarek al-Hachimi, le chef du puissant Parti islamique irakien, la plus importante formation sunnite. Adnane Doulaïmi, qui préside le Front de la concorde, l’une des principales listes sunnites, a plaidé dans le même sens. «Nous exigeons que l’on organise une nouvelle élection à Bagdad», a-t-il insisté. Ces protestations de la communauté sunnite ont été renforcées lorsque la liste laïque du chiite Iyad Allaoui a à son tour contesté les résultats partiels des législatives. «Nous émettons des réserves sur les résultats annoncés et nous demandons une enquête sur les raisons qui ont poussé la Commission électorale à publier de tels résultats incomplets et non précis», a notamment fait valoir Hamid Majid Moussa, chef du Parti communiste. Cet allié de l’ancien Premier ministre Iyad Allaoui, qui a accusé la Commission électorale d’avoir marqué sa préférence pour la liste chiite, a appelé «les partis politiques et le peuple irakien à condamner cette instance pour sa violation de la loi».

Les contestataires s’unissent

L’union faisant la force, les mouvements politiques qui contestent les résultats communiqués par la Commission électorale ont décidé mercredi de faire front commun. Près de 80 responsables politiques, représentant notamment les coalitions sunnites, ont participé à une rencontre initiée par Iyad Allaoui, qui dirige une liste laïque qui a voulu transcender les clivages ethniques et politiques mais qui n’est créditée que de 14% des suffrages à Bagdad. Il a été décidé à l’issue de cette rencontre la création de trois comités de suivi. Le premier aura en charge de comptabiliser les différentes plaintes déposées pour contester le scrutin. Le deuxième devra informer la Ligue arabe et les Nations unies tandis que le troisième aura pour mission d’enquêter afin d'établir les bases juridiques des plaintes recueillies. «Nous avons décidé de former ces comités pour faire entendre notre voix», a notamment déclaré un des intervenants affirmant que chaque participant était en possession de «documents attestant de fraudes et de violations».

Visiblement décidés à faire entendre leur voix, les contestataires ont durci leurs positions réclamant notamment que les élections soient de nouveau organisées sur tout le territoire. «Les législatives ont été manipulées et on ne peut pas accepter les résultats», a ainsi dénoncé Salah al-Motlak qui dirige l’une des listes sunnites, le Front irakien pour le dialogue. «Nous voulons que la Commission électorale soit dissoute et que les élections soient de nouveau organisées dans tout le pays», a renchéri pour sa part Saer al-Nakib, un proche d’Iyad Allaoui qui n’a pas hésité à brandir la menace d'un boycottage du Parlement.

Les revendications de ce nouveau front, certes irréalistes, pourraient néanmoins avoir pour conséquence un plus grand partage du pouvoir. Isolée, la liste chiite conservatrice de l’Alliance irakienne unifiée serait en effet soumise à de fortes pressions qui pourraient la contraindre d’accepter une représentativité plus large de la société irakienne au Parlement, une option que privilégient les Etats-Unis, soucieux de contrer les dérives du communautarisme en Irak.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 21/12/2005 Dernière mise à jour le 21/12/2005 à 18:40 TU