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Irak

Des législatives historiques sur fond de violences

Après avoir accompli son devoir électoral, ce soldat irakien trempe son doigt dans une bouteille d'encre, la marque faisant office de preuve de vote.(Photo: AFP)
Après avoir accompli son devoir électoral, ce soldat irakien trempe son doigt dans une bouteille d'encre, la marque faisant office de preuve de vote.
(Photo: AFP)
Dernière étape d’un processus politique censé rendre aux Irakiens la pleine souveraineté sur leur pays, les législatives du 15 décembre se déroulent dans un climat de recrudescence des violences. Cinq groupes radicaux ont d’ailleurs déclaré ce scrutin «illicite» et menacent de poursuivre le jihad pour établir en Irak un Etat islamique. Les opérations de vote, qui ont débuté lundi avec les malades dans les hôpitaux, les détenus dans les prisons, les forces de l’ordre et les Irakiens vivant à l’étranger, devraient se poursuivre jusqu’à jeudi, date officielle du scrutin.

Depuis la chute, en mars 2003, du régime de Saddam Hussein, l’Irak vit incontestablement dans la plus grande insécurité. Mais en dépit des violences continues, de l’occupation étrangère, des menaces de partition, le pays a aussi incontestablement connu des avancées sur le plan politique. Du régime dictatorial du parti Baas, qui a dirigé durant plus de trois décennies l’Irak, il ne reste en effet plus rien. Et le pays s’apprête jeudi à se doter d’un Parlement qui aura en charge de désigner non seulement le chef de l’Etat et ses deux vice-présidents mais aussi un Premier ministre qui devra former un gouvernement représentatif. Les législatives du 15 décembre sont, à ce titre, considérées comme le couronnement d’un processus politique engagé depuis l’occupation de l’Irak en mars 2003 pour doter le pays d’institutions permanentes devant lui permettre de diriger son propre destin.

Ce processus avait débuté par la mise en place, le 13 juillet 2003, par les puissances occupantes d’un Conseil de gouvernement irakien qui a eu pour principale mission d’élaborer une Constitution provisoire, appelée loi fondamentale, qui a permis la formation d’un gouvernement provisoire. Ce gouvernement, dirigé par le chiite Iyad Allaoui, s’est vu remettre les clés de la souveraineté irakienne le 28 mai 2004, date officielle de la fin de l’occupation américaine en Irak. Un premier scrutin législatif, largement boycotté par la communauté sunnite, a ensuite été organisé en janvier 2005. Il a permis aux Irakiens, qui se rendaient pour la première fois librement aux urnes depuis près de trois décennies, d’élire une assemblée constituante qui a désigné un gouvernement transitoire aux commandes du pays ces huit derniers mois. Cette assemblée s’est ensuite, avec certes beaucoup de difficultés, attelée à rédiger une Constitution qui a finalement été adoptée par référendum en octobre dernier. Les législatives du 15 décembre sont donc la dernière étape de ce processus politique dans la mesure où elles vont permettre aux Irakiens, toutes communautés confondues puisque les sunnites acceptent de participer à ce scrutin, de désigner leurs représentants pour les quatre années à venir dans un Parlement permanent.

Des mesures de sécurité draconiennes

Mais la tâche est loin d’être aisée pour les quelque quinze millions et demi d’électeurs irakiens inscrits pour participer au vote de jeudi. Pour désigner leurs 275 députés, ils auront en effet à choisir parmi pas moins de 231 listes constituées par des partis politiques ayant pignon sur rue, par des coalitions de circonstance ou par de simples regroupements de candidats qui se présentent comme indépendants. Ils auront également, et surtout, à prendre en compte les menaces de violences qui pèsent lourdement sur le scrutin du 15 décembre. Déjà grande, l’insécurité s’est considérablement renforcée ces dernières semaines avec une multiplication des attentats et des enlèvements d’Occidentaux. Et démarche inédite, cinq groupes jihadistes dont celui du Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui ont, dans un communiqué commun, déclaré «illicites» les élections de jeudi. «Participer à ce soi-disant processus politique, ce projet satanique, est illicite et s’oppose à la charia», ont expliqué ces activistes qui ont réaffirmé leur détermination à «poursuivre le jihad pour établir un Etat islamique en Irak».

Les autorités irakiennes se veulent, de leur côté, rassurantes. Elles ont annoncé des mesures exceptionnelles pour le bon déroulement des élections. Comme ce fut le cas pour le référendum du mois d’octobre, l’Irak va ainsi fermer ses frontières trois jours durant à partir du 14 décembre. Le pays sera en outre «à l’arrêt» avec cinq jours chômés, administrations et écoles ayant fermé leurs portes dès ce mardi. Un couvre-feu nocturne sera également en vigueur durant toute la période électorale et tout véhicule ne disposant pas d’une autorisation spéciale sera interdit de circulation. Enfin le port d’armes, même pour les personnes munies d’un permis, sera strictement prohibé. Des mesures similaires avaient été prises lors du référendum sur la Constitution du 15 octobre dernier et avaient permis de considérablement limiter les attaques de la rébellion irakienne. Mais rien ne garantit que la violence ne sera pas au rendez-vous des élections de jeudi.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 13/12/2005 Dernière mise à jour le 13/12/2005 à 19:21 TU