Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Irak

Constitution : un référendum sous tension

Les Irakiens sont appelés à se prononcer ce samedi sur la Constitution.(Photo : AFP)
Les Irakiens sont appelés à se prononcer ce samedi sur la Constitution.
(Photo : AFP)
Plus de 15,5 millions d’Irakiens sont invités à se prononcer samedi sur la nouvelle Constitution lors d’un référendum placé sous très haute surveillance. Les autorités, qui redoutent un déchaînement de violences le jour du scrutin –comme ce fut le cas lors des législatives de janvier dernier–, ont mis en place un important dispositif de sécurité. L’adoption de cette Constitution a été présentée comme un nouveau pas important vers un retour à la normalisation dans un pays qui, deux ans et demi après la chute du régime de Saddam Hussein, est toujours incapable de garantir la sécurité de ses citoyens.

Ni la recrudescence des violences, ni les marchandages politiciens de dernière minute ne seront parvenus à mettre en péril le processus politique en cours depuis des mois en Irak. Le défi était, il est vrai, de taille et le gouvernement du chiite Ibrahim al-Jaafari a réussi, non sans mal, à le relever. Les Irakiens se rendront ainsi aux urnes, le jour prévu par le calendrier électoral, pour se prononcer sur un projet de Constitution qui jusqu’au dernier moment aura été l’objet d’intenses tractations entre les principales communautés du pays. Quarante-huit heures avant le vote, de nouveaux amendements ont en effet été introduits dans le texte sur lequel doivent se prononcer samedi les électeurs et cela dans le seul but de convaincre les sunnites –qui menaçaient de faire échouer le processus en rejetant la Constitution– de participer au référendum. Ces modifications, arrachées à la dernière minute aux Kurdes et aux chiites par les Américains, devraient garantir un vote en faveur du «oui».

Les représentants de la minorité sunnite sont en effet parvenus à obtenir la satisfaction de leurs principales revendications. Ainsi leur crainte de voir le fédéralisme –instauré par la nouvelle Constitution– compromettre l’intégrité territoriale du pays a été balayée par la révision de l’article 1 de la Loi fondamentale qui précise désormais que «l’Irak est un Etat unitaire» et que la loi «garantira» cette unité. L’autre grande inquiétude des sunnites –qui sous le régime de Saddam Hussein formaient le gros des effectifs du parti Baas au pouvoir– portait sur les activités du comité de débaassification, créé en 2003 par les Américains pour éradiquer le mouvement qui durant des décennies a été le fondement de l’ancien régime. Désormais, les activités de cette instance seront placées «sous la supervision» de l’Assemblée nationale qui sera élue le 15 décembre prochain et veillera à «assurer leur objectivité et leur transparence». Et le projet de Constitution précise en outre que «la simple appartenance au parti Baas dissous n’est pas suffisante pour entraîner des poursuites judiciaires», comme cela a souvent été le cas ces derniers mois. De nombreux fonctionnaires, professeurs, instituteurs et militaires ont en effet, ces deux dernières années, été expulsés de leur corps professionnel pour avoir été membre du parti au pouvoir. Enfin, le texte qui doit être soumis samedi à référendum pourra encore être modifié puisqu’une commission créée au lendemain des législatives de décembre prochain aura quatre mois pour présenter de nouveaux amendements.

Dispositif de sécurité draconien

Toutes ces garanties ont, à n’en pas douter, ouvert la voie à une participation des sunnites au référendum de samedi. Mais cette communauté, qui représente entre 20 et 25% de la population, n’en demeure pas moins très divisée. Ainsi, si le Parti islamique irakien, principale formation politique sunnite, a invité ses partisans à voter «oui», le très influent Conseil des oulémas a, de son côté, appelé au boycott d’une élection qui se déroule «sous occupation». Les tensions au sein cette minorité se sont d’ailleurs considérablement accrues ces derniers jours et plusieurs bureaux du Parti islamique irakien ont notamment été attaqués et incendiés en vingt-quatre heures par des opposants à une participation au référendum. Ses divisions au sein de la communauté sunnite, incapable de mobiliser les deux tiers de «non» dans au moins trois provinces nécessaires au rejet de la Constitution, sont cependant une chance pour l’adoption samedi de cette dernière.

Mais si la ratification de la Loi fondamentale semble désormais n’être qu’une formalité, du moins dans les urnes, les autorités irakiennes redoutent en revanche une dégradation de la situation sécuritaire samedi. Le Premier ministre, le chiite Ibrahim al-Jaafari, s’est engagé à «protéger chaque électeur» et son ministre de l’Intérieur, le sunnite Bayane Baqer Soulagh, a mis en place des mesures draconiennes pour tenter de prévenir les attaques de la guérilla qui a promis de transformer le scrutin en bain de sang. C’est ainsi que depuis jeudi minuit, les frontières terrestres sont fermées et le pays ne les rouvrira que dimanche à 18 heures. Seuls les véhicules transportant des produits alimentaires, de l'eau et de l'essence seront autorisés à circuler. Tout trafic routier sera en outre interdit entre les provinces du pays pendant quatre jours, excepté en ce qui concerne les convois gouvernementaux et militaires.

Un couvre-feu nocturne strict est par ailleurs entré en vigueur dès jeudi soir et les véhicules privés sont totalement interdits de circulation de vendredi soir à dimanche matin, dans le but de prévenir les attentats suicide. Les autorités ont décrété quatre jours fériés, les écoles et administrations seront fermées jusqu’à lundi. Enfin  samedi, jour du scrutin, des barricades seront érigées autour des centres de vote dans la capitale et les grandes villes du pays et l’armée et la police irakiennes patrouilleront toute la journée.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 14/10/2005 Dernière mise à jour le 14/10/2005 à 18:20 TU