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Irak

La Constitution toujours en panne

Manifestation en Irak contre la nouvelle Constitution.(Photo: AFP)
Manifestation en Irak contre la nouvelle Constitution.
(Photo: AFP)
Les responsables irakiens ont beau minimisé leurs désaccords sur la Constitution, qui ont conduit à un report sine die de la réunion du Parlement chargé d’entériner ce texte, la crise politique couve. Les divergences sont en effet profondes entre chiites et kurdes, d’une part, et sunnites, de l’autre, sur ce que doit être l’Irak de l’après-Saddam. Et c’est dans ce contexte d’incertitudes que des violences inter-chiites ont éclaté dans plusieurs villes du pays, mettant en lumière des divisions politiques dans une communauté que l’on disait unie.

Le Premier ministre, le chiite Ibrahim al-Jaafari, s’est employé à minimiser les divergences entre les différents acteurs politiques irakiens. «Aucune Constitution n’a été élaborée, tout au long de l’histoire, dans un temps aussi court et dans des conditions aussi difficiles», a-t-il notamment défendu. «Et même si l’on a pris du retard, c’était nécessaire, car il fallait convaincre nos frères sunnites» d’adhérer à cette loi fondamentale, a-t-il également insisté. Et de fait, chiites et kurdes ayant largement soutenu ce texte, rien n’aurait pu empêcher son adoption par le Parlement où ils sont largement majoritaires. Mais voilà, les responsables irakiens, sous la pression des Américains qui tiennent à ce que les sunnites participent au processus politique dans l’espoir d’affaiblir la rébellion, sont à la recherche d’un consensus. Or les positions des différentes communautés sont toujours aussi tranchées et les négociations de ces derniers jours sont restées vaines.

Trois points posent en effet toujours problème et malgré l’intervention personnelle du président américain George Bush auprès du chiite Abdel Aziz Hakim, qui dirige le puissant Conseil suprême de la révolution islamique en Irak, les points de vue sont restés inconciliables. Les chiites, qui ont rejoint les Kurdes sur la question du fédéralisme, refusent en effet de céder sur cette question. Alors que les sunnites étaient visiblement prêts à un compromis et à accepter que soit «confiée à la prochaine Assemblée nationale –qui doit être élue le 15 décembre– l’application de l’autonomie pour les régions irakiennes autre que le Kurdistan –qui bénéficie de ce statut depuis 1992–», ils ont opposé une fin de non recevoir à cette idée. Dans leurs dernières propositions, révélées vendredi matin, les chiites insistent en effet pour que figure clairement dans la Constitution la mention au fédéralisme. Ils réclament également que ce texte fasse obstacle à toute renaissance du parti Baas, qui a dominé l’Irak sous le régime de Saddam Hussein. «Les Arabes sunnites veulent un retour du parti Baas et la fin de la débaasification –initiée contre l’avis de nombreux responsables irakiens par l’ancien administrateur américain Paul Bremer– et ceci est totalement inacceptable pour nous», a fait valoir un des négociateur chiite, Jaouad al-Maliki, également numéro deux du parti Daoua du Premier ministre Ibrahim al-Jaafari.

Nouvelle réunion du Parlement dimanche

Quant au dernier point litigieux, à savoir celui des prérogatives du chef de l’Etat, un Kurde, ceux du Premier ministre, un chiite, et ceux du président de l’Assemblée nationale, un sunnite, rien ne semble avoir encore été décidé. Cette question est en effet des plus épineuses dans la mesure où elle revient à essayer d’organiser le partage du pouvoir en évitant de léser les différentes communautés. Quoi qu’il en soit, une nouvelle réunion du Parlement irakien devrait se tenir dimanche. Elle se tiendra «avec ou sans l’accord des sunnites», a déclaré le négociateur Jaouad al-Maliki, estimant que les chiites ne pouvaient aller plus loin dans leurs propositions. «Nous avons soumis une version finale et c'est tout ce qu'on peut faire», a-t-il insisté. La réponse des sunnites ne s’est pas fait attendre. L’un de leurs représentants, Saleh Motlak, a en effet exclu toute concession qui ouvrirait la voie à «une division de l'Irak», condamnant ouvertement toute idée de fédéralisme. «Aucune région d'Irak ne doit avoir la possibilité de faire sécession», a-t-il ainsi souligné. Selon lui, les sunnites étaient prêts à un compromis sur cette question à la seule condition que la Constitution souligne avec force «l’unité du pays et interdit toute possibilité de le diviser».

C’est dans ce contexte de crise politique que des violences ont endeuillé la communauté chiite. L’imam radical Moqtada al-Sadr, très discret depuis un an, a en effet fait un retour en force ces derniers jours sur la scène irakienne. Des affrontements entre ses partisans de «l’armée de Mehdi» et les miliciens de la Brigade Badr, le bras armé du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), ont éclaté dans plusieurs villes du pays faisant au moins huit morts. Ces violences ont mis en lumière les divisions qui secouent cette communauté chiite. Car contrairement aux chiites du parti Daoua ou du CSRII, le mouvement de Moqtada al-Sadr est violemment opposé au projet de Constitution. Comme les sunnites, il dénonce son système fédéral qui risque, selon lui, de faire «éclater l’Irak».

Adoptée ou non par le Parlement, la nouvelle Constitution doit être soumise à référendum le 15 octobre prochain pour être ratifiée. Si le non l’emporte à une majorité des deux tiers dans au moins trois des dix-huit provinces, elle sera rejetée et de nouvelles législatives seront alors convoquées. C’est l’objectif affiché aujourd’hui par les sunnites qui appellent leur communauté à aller s’inscrire sur les listes électorales et voter en masse au référendum. Ils savent désormais qu’ils peuvent compter sur le soutien des chiites de Moqtada al-Sadr. 


par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/08/2005 Dernière mise à jour le 26/08/2005 à 18:13 TU