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Irak

Une Constitution aux dépens des sunnites ?

Le Parlement irakien qui doit voter le projet de la Constitution.(Photo: AFP)
Le Parlement irakien qui doit voter le projet de la Constitution.
(Photo: AFP)
La présentation lundi soir d’un projet de Constitution aux parlementaires irakiens a certes sauvé in extremis le processus politique en cours. Mais les divergences autour de ce texte inachevé, et pour lequel les rédacteurs se sont donné jusqu’à jeudi pour trouver un compromis, sont telles que rien n’indique que cette loi fondamentale sera au final adoptée. Les sunnites qui s’estiment lésés semblent en effet déterminés à faire barrage à cette Constitution qui doit être soumise à référendum le 15 octobre prochain.

Certes les responsables irakiens ont respecté le calendrier qui leur était imposé. Ils ont présenté lundi soir, dix minutes seulement avant l’expiration du délai pour la remise de leur copie, la nouvelle Constitution. Un texte inachevé qu’ils se sont engagés à compléter dans les soixante-douze heures avant qu’il ne soit soumis au vote des parlementaires. Or les divergences sont telles et les positions des différentes communautés si tranchées qu’il semble peu probable que cette loi fondamentale puisse faire l’objet d’un consensus. Trois points essentiels posent en effet problème. Le plus épineux est sans conteste celui du fédéralisme ardemment défendu par les Kurdes qui jouissent déjà d’une large autonomie qu’ils entendent bien conserver. Et si les chiites se sont ralliés à cette idée, les sunnites, qui défendent de leur côté l’idée d’un Etat central fort, refusent ce qu’ils estiment être une division programmée de l’Irak.

Autre point de divergence, celui de la définition des prérogatives du chef de l’Etat, du Premier ministre et du président de l’Assemblée nationale qui représente un enjeu primordial dans la mesure où ces différentes fonctions recoupent la composition communautaire du pays. Le président est en effet kurde, le chef du gouvernement chiite et le président du Parlement sunnite. Et dans ce contexte, fixer l’étendue des pouvoirs revient fatalement à octroyer plus d’autorité à telle ou telle communauté. Enfin, les responsables irakiens ne sont pas non plus parvenus à se mettre d’accord sur le sort du Baas, le parti du président déchu, Saddam Hussein, dont l’ancien administrateur américain Paul Bremer avait entrepris de démanteler les structures contre l’avis de certains dignitaires irakiens dont l’ancien Premier ministre Iyad Allaoui. De la référence qui en sera faite dans la Constitution dépendra le sort de ce mouvement que les sunnites souhaitent voir renaître de ses cendres et que kurdes et chiites souhaitent au contraire éradiquer.

Vu l’étendue de ces divergences, il semble donc bien peu probable que d’ici jeudi minuit les responsables irakiens soient parvenus à obtenir un consensus autour de cette nouvelle Constitution que la majorité des sunnites rejettent en bloc. Majoritaires à l’Assemblée nationale, les chiites et les kurdes n’auront certes aucun mal à obtenir le vote des élus. La communauté sunnite, qui avait boycotté les législatives de janvier dernier, est en effet sous-représentée avec seulement 17 sièges sur les 275 que compte le Parlement. Mais le plus dur reste sans doute à venir.

L’appel des sunnites à voter non au référendum

Pour être en effet ratifié, le projet de Constitution doit être approuvé par référendum le 15 octobre prochain. Or la loi fondamentale, qui régit aujourd’hui l’Irak, prévoit que le rejet de ce texte par les deux tiers des électeurs dans trois provinces du pays suffit à le rendre caduc. Cette disposition, supposée avantager les kurdes et qui avait soulevé les protestations des chiites majoritaires en Irak, est en train de tourner à l’avantage des sunnites. Ces derniers sont en effet majoritaires dans au moins trois provinces, al-Anbar, Ninive et Salaheddine, et menacent de voter contre le projet de Constitution lors du référendum du mois d’octobre. «Si la Constitution n’est pas reformulée pour servir les intérêts supérieurs de la nation, garantir l’unité des Irakiens et réaliser la justice pour tous, elle sera rejetée en bloc», a prévenu le Parti islamique irakien, principale formation sunnite. Et si les sunnites ont boycotté les législatives de janvier, ils n’ont visiblement pas l’intention de réitérer la même erreur en étant absents lors de la prochaine consultation. Plusieurs responsables de cette communauté ont d’ores et déjà appelé à voter non au référendum.

Cette intransigeance affichée par les sunnites irrite visiblement la Maison Blanche qui a porté, ces dernières semaines, à bout de bras le processus politique en cours. Le président Bush a exhorté encore une fois mardi les responsables de cette communauté à prendre leur responsabilité en adoptant le projet de Constitution. «Les sunnites sont face à un choix. Veulent-ils vivre dans une société libre ou veulent-ils vivre dans la violence ?», a-t-il déclaré tout en reconnaissant que «parvenir à un accord sur un projet de Constitution après des années de dictature n’est pas une chose aisée». L’administration Bush en tout cas reste déterminée à aller de l’avant et se prépare d’ores et déjà au référendum du 15 octobre. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a en effet annoncé «une augmentation temporaire» des troupes américaines en Irak dans la perspective de cette consultation. Entre 1 000 et 2 000 hommes devraient ainsi être dépêchés en renfort.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 24/08/2005 Dernière mise à jour le 24/08/2005 à 18:22 TU