Irak
Un équilibre parlementaire incertain
(photo : AFP)
C'est une chambre introuvable que viennent d'élire les Irakiens. Avec leurs 140 sièges, les vainqueurs de l'Alliance Irakienne unifiée –la liste chiite parrainée par le grand ayatollah Ali Sistani– ont certes la majorité absolue. Mais ils sont loin de la majorité des deux tiers nécessaire à l'élection du président et des deux vice-présidents ou encore à celle du Premier ministre. Cette majorité est également requise pour l'approbation du gouvernement qui devra être constitué une fois le chef de l’exécutif désigné.
A supposer que l’Alliance chiite maintienne sa cohésion, il lui faudra de toutes les façons composer avec d'autres groupes parlementaires pour faire passer les grandes décisions qui engageront l'avenir de l'Irak. Il lui faudra notamment prendre en considération le point de vue des Kurdes qui, en tant que deuxième force politique du pays, se retrouvent dans cette assemblée transitoire en position d'arbitre. Un rôle certes démesuré par rapport à leur importance numérique mais qui s’explique par le peu de représentativité des sunnites, dont les représentants avaient appelé au boycott des élections du 30 janvier.
Cette chambre introuvable est donc également bancale à cause de la représentation réduite à quasiment zéro de cette communauté. Les ténors sunnites de la vie politique, comme Adnane Pachachi ou Nasser Charderchi, sont en effet absents dans la nouvelle assemblée transitoire et le président Ghazi al-Yaouar n'a réussi à enlever que cinq malheureux sièges.
Les Kurdes, arbitres à l’assemblée nationale transitoireDans ce contexte, les Kurdes apparaissent plus que jamais comme incontournables pour les décisions qui devront être prises sur le plan national. Les résultats à peine proclamés, Jalal Talabani, le leader de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), s'est d’ailleurs repositionné pour le poste de président de la république. Un accord entre lui et son rival, Massoud Barzani, consacre en effet un partage du pouvoir entre les deux grands partis kurdes. Au PDK, le Parti démocratique du Kurdistan, la conduite des affaires du Kurdistan autonome, à l'UPK, les affaires nationales. Avec leurs 75 sièges, les Kurdes se posent désormais en arbitre et déclarent vouloir travailler à la réconciliation avec les sunnites, les grands perdants de ce scrutin.
Avec cette communauté, ils ont en effet une égalité de croyance en l'islam sunnite et des liens qui remontent à la période antérieure à Saddam Hussein. Des liens qui remontent même, à la période ottomane de l'Irak, lorsque les Ottomans puis les Britanniques ont légué le pouvoir aux sunnites qui ont largement associé les Kurdes aux affaires du pays. En tant que deuxième force politique, ces derniers pourront faire barrage à un Etat où la loi islamique serait la seule source d'inspiration du droit et oeuvrer à la mise en place d'un Etat fédéral qui consacrerait leur autonomie chèrement gagnée au début des années 90.
par Farida Ayari
Article publié le 14/02/2005 Dernière mise à jour le 14/02/2005 à 18:22 TU