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Elections irakiennes

Victoire sans surprise des chiites

La liste chiite religieuse soutenue par Ali Sistani est arrivée en tête des élections législatives.(Photo: AFP)
La liste chiite religieuse soutenue par Ali Sistani est arrivée en tête des élections législatives.
(Photo: AFP)
Après deux semaines d’attente, la commission électorale irakienne a publié les résultats officiels du scrutin organisé le 30 janvier. La liste chiite religieuse soutenue par le grand ayatollah Ali Sistani arrive comme prévu en tête des élections législatives et remporte 132 des 275 sièges de la nouvelle assemblée. Elle devance l’alliance des partis kurdes et la liste chiite laïque de l’actuel Premier ministre Iyad Allaoui. Les nouveaux élus doivent maintenant désigner les hommes chargés de prendre le relais du gouvernement transitoire et de mener à bien le processus politique qui doit aboutir à la rédaction d’une Constitution et à l’organisation de nouvelles élections générales avant la fin de l’année.

L’Alliance unifiée irakienne (AUI) a remporté comme prévu les élections législatives. Mais elle n’a pas obtenu la majorité absolue. Avec 48,1 % des voix, la coalition chiite soutenue par le grand ayatollah Ali Sistani devance tout de même largement l’Alliance kurde (25,7 % et 71 sièges), la liste chiite laïque du Premier ministre Iyad Allaoui (13,8 % et 38 sièges) et celle président en exercice Ghazi al-Yaouar (1,7 % et 5 sièges). Le taux de participation a été estimé à 59 % des inscrits. Mais il est très inégal suivant les régions. Dans les provinces sunnites, il se situe largement au-dessous de la moyenne nationale. C’est dans la province d’al-Anbar, à l’ouest du pays où se situe la ville de Fallouja, qu’il a été le plus faible (2%). Dans la province de Ninive autour de Mossoul, ce taux a atteint 17 % et 25 % dans celle de Salaheddine où se trouve Tikrit, le fief de Saddam Hussein. L’appel au boycott lancé par les responsables religieux et politiques sunnites, ajoutés à la terreur entretenue par les rebelles, expliquent cette faible participation dans certaines zones du pays.

Au-delà des élections législatives, les Irakiens ont aussi voté le 30 janvier pour élire les 18 conseils de provinces et le Parlement du Kurdistan. La commission a donc rendu publics les résultats dans les six provinces pour lesquelles le décompte n’avait pas encore été fait. Elle a aussi annoncé que la coalition des deux partis kurdes, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union démocratique du Kurdistan (UPK), avaient remporté 89,5 % des voix dans le scrutin destiné à élire les membres du Parlement de la région autonome kurde.

Il aura fallu deux semaines pour que ces résultats officiels soient finalement publiés par la commission électorale irakienne. Annoncés pour le 10 février, ils ont même été reportés de deux jours pour permettre de vérifier le dépouillement de 300 urnes litigieuses. Pour le moment cependant, peu de contestations ont été enregistrées. Des Turcomans ont tout de même manifesté à Bagdad pour protester contre des fraudes à Kirkouk où ils affirment que des urnes ont été volées. Dans tous les cas, les Irakiens disposent de trois jours pour dénoncer des irrégularités. Passé ce délai, les résultats seront définitivement validés.

Nommer le nouvel exécutif

En annonçant les résultats, Farid Ayar, un membre de la commission électorale a déclaré : «Aujourd’hui marque la naissance d’un Irak nouveau et démocratique». Ces élections, dont l’organisation a fait jusqu’au dernier moment l’objet de doutes en raison des violences qui entretiennent une insécurité chronique dans le pays, marquent en tout cas une étape dans un processus politique qui doit aboutir à l’élaboration d’une nouvelle Constitution et à la mise en place d’institutions démocratiques dans le pays. Dans un premier temps, les membres de la nouvelle assemblée devront élire leur président et deux vice-présidents. Ils auront ensuite à désigner par un vote à la majorité des deux tiers le Conseil présidentiel. Cette instance est composée du chef de l’Etat et de deux vice-présidents. C’est le Conseil présidentiel qui devra choisir un Premier ministre et un gouvernement. Cette équipe devra alors obtenir la confiance de l’Assemblée nationale transitoire qui vient d’être élue pour pouvoir entrer en fonction.

Plusieurs noms circulent d’ores et déjà sur les candidats susceptibles d’occuper les principaux postes dans le nouvel exécutif irakien. Trois membres de l’Alliance unifiée irakienne en font notamment partie : Adel Abdel Mahdi, qui appartient au Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), Ibrahim al-Jaafari, issu du parti Dawa, et Hussein al-Chahrastani, ancien chercheur nucléaire, laïc mais proche de l’ayatollah Sistani. Ce dernier n’a, par contre, aucune intention de solliciter des responsabilités gouvernementales. Côté kurde aussi, les ambitions ne sont pas dissimulées. Jalal Talabani, le chef de l’UPK, est sur les rangs. La communauté sunnite, qui est la grande perdante de ce scrutin, ne devrait néanmoins pas être exclue pour autant. Il serait éventuellement envisagé de confier à un responsable issu de ses rangs le poste clef de président de la nouvelle assemblée.

Ne pas exclure les sunnites

Après l’annonce des résultats des élections, les membres du gouvernement de transition de Iyad Allaoui ont fait part de leur satisfaction et de leur fierté d’avoir participé à l’équipe qui «a conduit le pays à travers une phase historique et difficile». Ils ont d’autre part décidé que désormais le 30 janvier, date des élections, serait un jour férié en Irak. Même si la liste menée par le Premier ministre est largement distancée par l’Alliance unifiée irakienne et la coalition kurde, Allaoui ne renonce pas à l’espoir de conserver des responsabilités, selon son porte-parole Imad Chebib qui a déclaré : «Nous devons toutefois négocier et nous coordonner avec les autres partis car aucun n’a la majorité absolue». Les chances de Iyad Allaoui, dont la réputation d’homme des Américains l’a desservi, sont malgré tout minimes.

Reste cependant que les vainqueurs de l’Alliance chiite ont, dès l’annonce des résultats, fait part de leurs bonnes intentions. L’un de ses principaux représentants, Ibrahim al-Jaafari, a par exemple déclaré : «Le prochain gouvernement aura la légitimité des urnes» mais a ajouté : «Nous n’exclurons personne». Des mots qui sonnent comme une main tendue à la communauté sunnite. Il est vrai que dans un processus qui doit aboutir à l’élaboration d’une nouvelle Constitution, dont l’adoption sera soumise à un référendum, il semble impensable de tenir les sunnites, qui représentent tout de même 20 % de la population, totalement à l’écart.

par Valérie  Gas

Article publié le 13/02/2005 Dernière mise à jour le 14/02/2005 à 15:40 TU