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Irak

La Constitution, nouvelle cible des insurgés

Mejbel Cheikh Issa, Dhamen Hassan et Aziz Ibrahim ont été assassinés par quatre hommes armés de mitraillettes alors qu'ils circulaient à bord d'une voiture. (photo : AFP)
Mejbel Cheikh Issa, Dhamen Hassan et Aziz Ibrahim ont été assassinés par quatre hommes armés de mitraillettes alors qu'ils circulaient à bord d'une voiture.
(photo : AFP)
Alors que le président irakien, le Kurde Jalal Talabani, se félicitait encore des progrès enregistrés dans la rédaction de la nouvelle Constitution –qui doit théoriquement être soumise à référendum en octobre prochain–, trois membres sunnites du comité en charge de la préparation de cette loi fondamentale ont été assassinés.

Mejbel Cheikh Issa, Dhamen Hassan et Aziz Ibrahim venaient de quitter la «zone verte», ce secteur ultra-protégé de Bagdad où les soixante et onze membres du comité de rédaction de la Constitution avaient pris l’habitude de se réunir. Sunnites, violemment hostiles à la présence américaine en Irak, les trois hommes se croyaient protégés. Mais les insurgés sont aujourd’hui visiblement prêts à tout pour saborder le processus politique en cours, même à éliminer ceux qui tentent de défendre les intérêts de leur propre communauté. Les trois rédacteurs circulaient à bord d’une voiture quand le véhicule qui les précédait a réduit son allure, les forçant à ralentir. Une autre voiture, dans laquelle se trouvaient quatre hommes armés d’une mitraillette, s’est alors mise à leur niveau. «Ils ont tiré près de 200 balles. Ca a duré peut-être cinq minutes», a raconté un témoin de la scène. Deux des membres du comité de rédaction sont morts sur le coup, le troisième à son arrivée à l’hôpital.

L’assassinat des trois hommes a été unanimement condamné. La Maison Blanche y a vu une nouvelle tentative de faire «dérailler la transition vers un Irak démocratique et libre», le président du parlement irakien une volonté de «répandre les divisions religieuses». Les insurgés ont, dans tous les cas, marqué un point. Plusieurs délégués sunnites, membres du comité de rédaction de la Constitution, ont en effet décidé après ces assassinats de suspendre leur participation à cette instance, portant un coup dur aux progrès réalisés ces dernières semaines sur le plan politique. Les sunnites, qui avaient boycotté en masse les élections de janvier, avaient en effet accepté le mois dernier de participer à la rédaction de la loi fondamentale. Quinze de leurs représentants avaient ainsi rejoint le comité chargé de mettre en place cette Constitution, faisant de cette instance le premier organisme politique de dimension nationale à englober une représentation sunnite depuis l'entrée en fonction, en avril, du nouveau gouvernement à dominante chiite et kurde. Et récemment plusieurs centaines de personnalités sunnites de premier rang, parmi lesquels des salafistes, avaient appelé leur communauté à participer massivement aux élections générales prévues en décembre prochain.

La femme irakienne lésée dans ses droits ?

Mais refusant de céder aux pressions des insurgés, le président du comité chargé de la rédaction de la Constitution a annoncé mercredi qu’une première version de la loi fondamentale serait prête dans les tous prochains jours. Il confirme ainsi les propos du chef de l’Etat, le Kurde Jalal Talabani, qui avait déclaré quelques heures avant l’assassinant des trois délégués sunnites, que le texte pourrait être «présenté d’ici la fin du mois de juillet». Signe de la confiance affichée jusque-là par les autorités irakiennes, les préparatifs pour l’organisation en octobre du référendum sur cette nouvelle Constitution ont même été engagés et un budget de 110 millions de dollars dégagé alors que la rédaction de cette dernière n’est pas encore achevée.

Une première version de cette loi fondamentale circule depuis plusieurs jours déjà dans la capitale irakienne. Selon le quotidien américain New York Times, ce texte restreindrait largement les droits de la femme irakienne qui ne seraient garantis qu’à la seule condition qu’ils «ne violent pas la charia», la loi coranique. Si tel était le cas, cette nouvelle Constitution représenterait une victoire majeure pour le clergé chiite qui serait ainsi parvenu à imposer l’islam comme référence principale dans la loi fondamentale. Cela marquerait également un recul indéniable par rapport au texte actuellement en vigueur, rédigé l’année dernière en collaboration avec les Américains qui avaient réussi à imposer que l’islam ne soit considéré par la Constitution que comme une source du droit irakien et non pas «la source principale» comme le souhaitaient les religieux. A en croire le New York Times, le projet en circulation abandonnerait également une disposition de la Constitution intérimaire qui impose qu’au moins 25% des parlementaires soient des femmes. 

Considérant que leurs droits sont menacés, quelque 200 femmes ont manifesté mardi dans les rues de Bagdad réclamant des garanties au comité de rédaction de la Constitution. «Nous voulons une loi qui puisse être appliquée à tous. Nous voulons la justice pour les femmes», ont-elle scandé. Des responsables irakiens mais aussi américains ont aussitôt indiqué que la version actuelle de la loi fondamentale pouvait encore changer d’ici au 15 août, date limite pour que soit achevée sa rédaction.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 20/07/2005 Dernière mise à jour le 20/07/2005 à 17:31 TU