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Irak

Un gouvernement incomplet mais issu des urnes

Le Premier ministre Ibrahim al-Jaafari a obtenu la confiance du parlement pour le gouvernement qu'il a mis 20 jours à former.(Photo : AFP)
Le Premier ministre Ibrahim al-Jaafari a obtenu la confiance du parlement pour le gouvernement qu'il a mis 20 jours à former.
(Photo : AFP)
Près de trois mois après les élections du 30 janvier pour lesquelles la population avait bravé les violences et les menaces de la guérilla, l’Irak possède enfin un gouvernement représentatif. Le nouvel exécutif de trente-six membres, âprement négocié par le Premier ministre désigné, le chiite Ibrahim al-Jaafari, a en effet reçu jeudi la confiance d’une majorité des députés de l’Assemblée nationale transitoire même si cinq portefeuilles sensibles, comme le Pétrole ou la Défense, n’ont été attribués qu’à titre provisoire à des ministres par intérim.

Vingt jours d’intenses tractations et d’interminables marchandages auront été nécessaires à la gestation du premier gouvernement démocratiquement élu de l’après-Saddam. Sans compter les pressions de plus en plus fortes de l’administration Bush qui, après s’être donnée pour règle de ne pas intervenir dans la composition de ce cabinet, a multiplié ces derniers jours les interventions en faveur de sa désignation rapide. «Tout le monde estime que le peuple irakien mérite un gouvernement, d’autant que les Irakiens ont pris des risques en allant voter», avait en effet insisté mardi la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, tandis que le patron du Pentagone, Donald Rumsfeld, faisait valoir que les insurgés ne seront pas battus uniquement par des moyens militaires mais par «des progrès sur le plan politique». Ces pressions américaines, combinées à la lassitude de la population confrontée à une nouvelle recrudescence des violences, ne sont sans doute pas étrangères à la présentation du gouvernement même si les postes clés, objets de litiges, ont pour le moment été attribués provisoirement. Un provisoire qui ne devraient toutefois pas durer à en croire le président de l’Assemblée nationale transitoire, le sunnite Hajem al-Hassani, qui a assuré que la désignation définitive des ministres de la Défense, du Pétrole, des Droits de l’Homme, de l’Industrie et de l’Electricité «se fera dans les tous prochains jours».

«Un gouvernement reflétant la diversité ethnique et religieuse»

Même si des problèmes subsistent, la majorité des députés présents jeudi lors de la présentation du gouvernement –180 sur 185 alors que le parlement compte 275 élus– a donc voté sa confiance au nouvel exécutif irakien. Le vote a même été salué par une salve d’applaudissements, signe s’il en était besoin d’un soulagement bien compréhensible après les trois mois d’atermoiements politiques qui ont suivi les élections du 30 janvier. Prenant la parole après le vote, le Premier ministre Ibrahim al-Jaafari, a rappelé les difficultés qui avaient été les siennes pour former un cabinet, indiquant notamment que «certains groupes n’étaient pas d’accord entre eux et que certains avaient présenté des candidats avant de les changer». Déjà la veille, juste après avoir communiqué la liste de ses ministres au président Jalal Talabani, il avait insisté sur les obstacles qu’il avait dû affronter. «J’ai travaillé nuit et jour à former un gouvernement qui sera un cabinet d’action, reflétant la diversité ethnique et religieuse de la société irakienne», avait-il défendu.  

Sept femmes au gouvernement

Devant les députés, Ibrahim al-Jaafari a insisté sur le fait que le premier critère pour le choix des membres de son équipe avait été «la compétence, la probité et l’histoire personnelle des candidats». Son gouvernement compte pour le moment trente-six ministres, parmi lesquels sept femmes. Deux des quatre vice-Premiers ministres n’ont pas encore été désignés et le poste clé de la Défense, qui devait revenir à un sunnite, est pour le moment rattaché à son ministère tandis que le portefeuille du Pétrole a provisoirement été attribué au très controversé Ahmed Chalabi, chef du Congrès national irakien, une formation née en exil et dont le fondateur est rentré en Irak dans les bagages de l’armée américaine.

Les sunnites bien représentés malgré leur défaite électorale

Grands perdants des élections du 30 janvier qu’ils ont largement boycottées, les sunnites, qui sont pourtant bien représentés dans le cabinet Jaafari, ont mis en garde jeudi contre tout retard dans la désignation des ministères clés. L’ancien chef de l’Etat Ghazi al-Yaouar –aujourd’hui vice-président– a en effet demandé que soit complétée «dans les deux jours» la liste du gouvernement. Il a particulièrement insisté pour qu'on laisse aux sunnites la possibilité de choisir leurs candidats aux postes de ministres de la Défense et des Droits de l'Homme. «Au cas où les sunnites seraient forcés d'accepter d'autres noms, ils pourraient se retirer du cabinet, qui ne pourrait pas alors prétendre être un gouvernement d'union nationale, ce qui serait un revers de taille», a-t-il averti. Au pouvoir sous le régime de Saddam Hussein, les sunnites redoutent en effet que la nomination d'un chiite à la tête de ces ministères ne s'accompagne de purges contre leur communauté qui pendant des décennies a tenu les services de sécurité et l’armée. En visite en Irak au début du mois, le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld avait d’ailleurs officiellement mis en garde les responsables politiques contre de telles mesures répressives.

Une priorité: la sécurité

Rejetant ces querelles dans l’espoir sans doute de reconquérir la confiance des Irakiens, très échaudés par toutes ces tergiversations politiciennes, le Premier ministre s’est montré volontairement offensif en évoquant le programme de son gouvernement. Ibrahim al-Jaafari s’est ainsi engagé à placer la sécurité en tête des priorités de son gouvernement. Le pays a en effet connu ces dernières semaines un regain d’attaques de la part des insurgés dont les principales victimes ont été des chiites. L’une de leurs dernières actions a été dirigée contre la député Lamia Abed Khaddouri, abattue par des hommes armés sur le pas de sa porte. Le Premier ministre a également mis le bon fonctionnement des services publics, la reconstruction économique et la lutte contre le chômage au centre de l’action de son équipe. Aujourd’hui 30 à 40% de la population active irakienne est sans emploi et de nombreux jeunes désœuvrés viennent grossir les rangs de la guérilla.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/04/2005 Dernière mise à jour le 28/04/2005 à 17:10 TU