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Irak

Un gouvernement incomplet prête serment

Le Premier ministre chiite Ibrahim al-Jaafari prête serment avec les autres membres de son cabinet.(Photo: AFP)
Le Premier ministre chiite Ibrahim al-Jaafari prête serment avec les autres membres de son cabinet.
(Photo: AFP)
Plus de trois mois après les élections du 30 janvier, les Irakiens ont enfin un gouvernement. Et même si des postes clés, comme celui de la Défense ou du Pétrole, n’ont toujours pas été attribués, le Premier ministre chiite Ibrahim al-Jaafari a prêté mardi serment avec les autres membres de son cabinet devant une partie des 275 membres du Parlement. Après des semaines de difficiles tractations, le nouvel homme fort de l’Irak a sans doute voulu mettre un terme aux tergiversations des sunnites qui ne parviennent pas à se mettre d’accord sur leurs représentants au gouvernement en leur signifiant que les affaires du pays ne pouvaient attendre. Un nouvel attentat sanglant a encore fait mercredi matin une soixantaine de morts à Erbil, dans le Kurdistan irakien.

L’investiture mardi du premier gouvernement élu de l’après-Saddam a été gâchée par le bras de fer engagé depuis des semaines par la communauté sunnite, qui avait largement boycotté le scrutin du 30 janvier, et le Premier ministre chiite chargé de former un cabinet d’union nationale. Mais Ibrahim al-Jaafari refuse de porter la responsabilité de l’échec des négociations qui l’ont conduit à présenter une équipe incomplète où pas moins de cinq portefeuilles clés, ceux de la Défense, du Pétrole, de l’Industrie, de l’Electricité et des Droits de l’Homme, n’ont toujours pas été attribués. Le chef du gouvernement a en effet renvoyé les sunnites, qui ne sont représentés que par 17 députés sur un Parlement qui en compte 275, à leurs responsabilités tout en prenant garde de ne pas blesser les susceptibilités. «Il y a des différends entre les frères arabes sunnites et nous avons préféré ne pas aller trop vite afin que le choix soit satisfaisant et respecté par les Irakiens et  plus particulièrement par les sunnites», a-t-il justifié devant la presse.

Concernant le choix du ministre de la Défense –un poste censé revenir à la minorité sunnite–, le Premier ministre a expliqué avoir examiné plusieurs propositions et que des discussions étaient en cours et devraient aboutir «dans deux à trois jours». Se voulant rassurant, Ibrahim al-Jaafari a estimé qu’il était «normal en démocratie d’avoir des naissances difficiles» de formations gouvernementales. Il a également assuré que d’autres ministères comme celui du Pétrole –garanti à un chiite– ou de l’Electricité seraient pourvus «demain ou après-demain au plus tard». 

Recrudescence des violences

Mais le chef du gouvernement a beau tenté de dédramatiser la situation, ses propos cachent mal la crise politique qui s’est installée et qui pourrait conduire ni plus ni moins à un départ des sunnites du gouvernement. Ces derniers, qui paient aujourd’hui leur refus de participer aux élections du 30 janvier, font de la nomination d’un ministre de la Défense de leur choix un point d’honneur. Ils ont déjà proposé plusieurs noms d’anciens généraux plus ou moins dissidents de l’ancien régime baasistes mais qui ont tous été récusés par le Premier ministre, obligé de céder aux pressions de certains de ses alliés chiites partisans d’une débaassification en profondeur des institutions politiques, militaires et administratives du pays. «Le problème de Jaafari, explique un observateur de la scène politique irakienne, c’est que toutes les personnes qui ont assez d’expérience pour devenir ministre de la Défense ont un jour ou l’autre été loyales au Baas et à Saddam».

Faute de parvenir à un accord avec les sunnites, Ibrahim al-Jaafari continuera donc d’assumer la fonction de ministre de la Défense. Une situation qui est loin d’être satisfaisante dans un contexte de recrudescence des violences. Depuis qu’il a annoncé la formation de son gouvernement la semaine dernière, deux cents personnes sont en effet mortes dans différentes attaques menées par la guérilla. Et le Kurdistan irakien, qui avait jusque-là été relativement épargné par les violences, a été mercredi le théâtre d’un attentat particulièrement meurtrier. Un kamikaze a fait sauter sa charge devant les locaux de l’un des principaux partis kurdes tuant une soixantaine de personnes, ravivant du même coup le spectre d’une guerre civile.

Attendu sur la question de la sécurité et conscient qu’elle ne pourra pas être résolue sans l’aide des sunnites, le Premier ministre irakien avait lancé un appel à la réconciliation lors de sa prestation de serment. «Je dis à l’intention de ceux qui s’étaient aligné sur le régime révolu que le cœur de notre peuple est grand à condition qu’ils n’aient pas de sang sur les mains», avait déclaré Ibrahim al-Jaafari. «Le dialogue est la voie qu’il faut emprunter, pas celle de la perfidie et des balles», avait-il ajouté. Le lendemain les insurgés répondaient en lançant plusieurs attaques à travers le pays


par Mounia  Daoudi

Article publié le 04/05/2005 Dernière mise à jour le 04/05/2005 à 17:15 TU