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Nigeria

Pétrole en feu

Les installations de Shell dans le sud-est du pays: les équipements de la compagnie pétrolière ont été endommagées par un vaste incendie provoqué par l’explosion d’un pipe-line.(Photo: AFP)
Les installations de Shell dans le sud-est du pays: les équipements de la compagnie pétrolière ont été endommagées par un vaste incendie provoqué par l’explosion d’un pipe-line.
(Photo: AFP)
Des installations pétrolières appartenant à la Shell ont été ravagées par un incendie, aujourd’hui maîtrisé. Après trois jours de désorganisation, la compagnie anglo-néerlandaise indique qu’elle ne pourra pas honorer toutes ses livraisons. Le sud du Nigeria est instable. Les compagnies occidentales qui exploitent les champs pétroliers sont souvent la cible d’attentats, même si celui-ci n’est pas confirmé.

Huit personnes au moins ont trouvé la mort dans l’explosion qui a provoqué mardi un incendie dans un oléoduc de la compagnie Shell. Comme toutes les installations pétrolières au Nigeria, le pipeline est installé dans le delta du Niger, au sud du pays. Ce pipeline aboutit dans le détroit Opobo, à cinquante kilomètres au sud-ouest de Port-Harcourt, capitale pétrolière du Nigeria. Toutes les grandes compagnies étrangères exploitant les ressources pétrolières nigérianes sont basées dans cette ville.

Les responsables sur place de la Royal Dutch Shell ont fait savoir vendredi que l’incendie de l’oléoduc est terminé. «Le feu est maîtrisé, il n’y a plus d’incendie, juste quelques restes de pétrole qui brûlent encore ça et là», a déclaré un porte-parole du groupe. Des réparations vont être effectuées pour remettre en état les tuyaux détériorés. La compagnie pétrolière espère reprendre rapidement ses livraisons de brut qui partent du terminal de Bonny, le plus important de la région.

Tout arrêt de production, n’importe où dans le monde, provoque une tension sur le marché mondial. Au cours d’une conférence de presse, le vice-ministre nigérian du Pétrole a cependant indiqué que le quota de production, fixé par l’Opep, serait malgré tout rempli. Le Nigeria possède d’autres installations qui prendront le relais.

Une production en baisse de 7%

Au Nigeria, Shell est le premier producteur et exportateur de pétrole du pays. Lorsque tout fonctionne normalement, la production du groupe est d’environ 900 000 barils par jour. La réduction des opérations de pompage et d’exportation après l’incendie de l’oléoduc correspond à une baisse de 7% de la production quotidienne du pays. Ce pays est le premier producteur de brut d’Afrique et le sixième exportateur mondial, avec 2,5 millions de barils par jour.

Jeudi, le gouvernement nigérian a décidé de mettre en état d’alerte maximum les forces de sécurité présentes dans le delta du Niger. Cette mesure conforte la thèse de l’attentat. Dès mardi, jour de l’explosion, Shell avait parlé d’un sabotage «à la dynamite» de son pipeline. Edmund Daukoru, le vice-ministre du Pétrole, avait évoqué l’intervention «d’une tierce partie», précisant que les enquêteurs n’écartaient aucune piste.

Un groupe inconnu, Alhadji Mujahid Dokubo Asari, a d’ailleurs revendiqué cette action contre la Shell en envoyant des courriels à la presse nigériane parlant d’attentat. Se présentant comme «la brigade des martyrs», ce groupe affirme relancer «la lutte armée à sa plus grande échelle» dans le delta du Niger. « Si le pétrole produit ne fournit aucun bénéfice économique ou social pour notre peuple, il doit être sauvegardé pour les générations futures. Il y aura de nombreux autres sabotages», menace encore ce communiqué qui n’a pas été authentifié. Pour le vice-ministre nigérian du Pétrole, «il est bien trop tôt pour que nous puissions vérifier des revendications telles que celle-ci. Certains groupes peuvent vouloir se faire de la publicité».

Dokubo Asari, dont le groupe clandestin porte le nom, a été arrêté le 20 septembre dernier et jugé pour trahison. Il y a un peu plus d’un an, il avait lancé une «guerre totale» contre le gouvernement et menacé de lancer des opérations commandos contre les compagnies pétrolières. L’état d’alerte avait été instauré dans cette région du Delta.

Des incidents fréquents

La zone de production de pétrole du sud du Nigeria est souvent secouée par des incidents liés à l’exploitation de l’or noir. Et il n’est pas rare que des bandits, ou des habitants de la région, détournent du pétrole en le prélevant directement sur les pipelines qui parcourent une partie du pays. Même si les revenus du pétrole sont partagés avec l’Etat, les compagnies occidentales gardent la mainmise sur les hydrocarbures. Qu’il s’agisse de milices armées ou de groupes plus pacifiques, les habitants du Delta cherchent à obtenir un retour plus équitable des bénéfices procurés par la ressource.

Il y a quelques mois, la population a manifesté à Lagos, pour protester contre la montée du prix du carburant. Malgré sa richesse en pétrole, le Nigeria ne parvient pas à améliorer le niveau de vie de sa population et à lui offrir une énergie à un prix acceptable.

L’incendie sur les installations de Shell dans le delta du Niger contribuera peut-être à une montée des cours mondiaux. Pour le moment, à Singapour comme aux Etats-Unis, le prix du baril dépasse à peine les 58 dollars. Les conditions climatiques sont douces actuellement sur l’Amérique du Nord, ce qui a plutôt tendance à tirer les cours à la baisse, malgré la désorganisation provisoire de la production au Nigeria.

2005 restera cependant l’année où le pétrole a atteint le prix record de 70,85 dollars le baril. C’était à la fin du mois d’août, après le passage du cyclone Katrina, et au moment où l’hémisphère nord fait son approvisionnement pour l’hiver. Pendant toute l’année, les cours sont restés à plus de 56 dollars le baril. Ce prix élevé a permis à toutes les compagnies pétrolières de faire des profits inhabituels et de voir le prix des actions s’envoler.


par Colette  Thomas

Article publié le 23/12/2005 Dernière mise à jour le 23/12/2005 à 18:47 TU

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Jean-François Giannesini

Expert pétrolier et ancien ingénieur en chef à l'Institut français du pétrole

«La perte de production est de l’ordre de 200 000 barils jours ce qui représente environ 7% de la production journalière du Nigeria.»

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