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Côte d’Ivoire

Le difficile accouchement du nouveau gouvernement

Charles Konan Banny et Laurent Gbagbo, le 5 décembre 2005, à Abidjan.(Photo: AFP)
Charles Konan Banny et Laurent Gbagbo, le 5 décembre 2005, à Abidjan.
(Photo: AFP)
La population ivoirienne attend avec impatience la nomination d’un gouvernement de transition. Le Premier ministre Charles Konan Banny a été nommé le 4 décembre dernier. Et depuis, il consulte toutes les composantes ivoiriennes, en vue de constituer son équipe. Cela semble particulièrement délicat, compte-tenu des revendications des différentes formations politiques, au pouvoir ou dans l’opposition. Parmi les points de blocage, l’attribution de ministères-clés tels l’Economie et la Défense.

La presse ivoirienne est prête à annoncer la naissance, la formation du nouveau gouvernement. A en croire certains titres, l’événement pourrait se produire dans les prochains jours, peut être même dans les prochaines heures. Mais visiblement, la naissance annoncée se passe non sans mal. D’ailleurs, le précédent accouchement politique avait déjà donné lieu à une longue attente. Il avait fallu patienter 34 jours, pour que le nom d’un Premier ministre soit annoncé, à savoir celui de Charles Konan Banny. Et depuis son entrée en fonction le 6 décembre dernier, le chef du gouvernement peine visiblement à constituer son équipe.

Aux termes de la résolution 1633, votée par les Nations unies et acceptée par les différentes parties en présence, «le Premier ministre doit disposer de tous les pouvoirs nécessaires, ainsi que de toutes les ressources financières, matérielles et humaines voulues, en particulier dans les domaines de la sécurité, de la défense et des affaires électorales, en vue d’assurer le bon fonctionnement du gouvernement, de garantir la sécurité et le redéploiement de l’administration et des services publics sur l’ensemble du territoire ivoirien, de conduire le programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration et les opérations de désarmement et de démantèlement des milices, et d’assurer l’équité de l’opération d’identification et d’inscription des électeurs, ce qui permettrait d’organiser des élections libres, ouvertes, régulières et transparentes, avec l’appui de l’Organisation des Nations unies». Mais de l’interprétation de ce texte émerge une première controverse : y a-t-il des domaines de compétence directement placés entre les mains du Premier ministre ? Autrement dit, Charles Konan Banny peut-il, doit-il prendre en main directement les ministères «sensibles» de la Défense, de l’Intérieur, de l’Economie et des Finances ? Et si cette question suscite tant de controverses, c’est qu’elle pose la question plus large du partage du pouvoir.

Un casse-tête politique

Le précédent gouvernement était le résultat d’un difficile compromis, créant un partage minutieux des portefeuilles ministériels entre personnalités issues du parti au pouvoir (Front populaire ivoirien, FPI), de l’opposition (Rassemblement des Républicains, RDR, Parti démocratique de Côte d’Ivoire, PDCI,…) et des partisans de la rébellion des Forces nouvelles (FN). Pour autant, ce précédent gouvernement a eu toutes les difficultés possibles pour travailler, du fait de dissensions entre les tendances représentées. Le chef du gouvernement de l’époque, Seydou Diarra, en a fait l’amère expérience. Avec Charles Konan Banny, se repose la question de l’attribution des portefeuilles ministériels. Depuis sa nomination, le locataire de la Primature a effectué de nombreuses consultations, avec la volonté de satisfaire le plus grand nombre, avec un nombre de places limitées, et des postes particulièrement convoités. Ainsi, le FPI considère impensable que le puissant ministère de l’Economie et des Finances soit attribué à une personnalité non-issue de ses rangs. Les Forces nouvelles, par la voix de leur porte-parole Sidiki Konaté, menacent de ne pas siéger au gouvernement si le FPI obtient les ministère de la Défense, de la Sécurité et des Finances. Et finalement, chacun accuse l’autre d’être responsable de la situation de blocage institutionnel dans laquelle le pays se trouve.

A l’heure des grandes tractations, Charles Konan Banny doit faire face à un véritable «casse-tête chinois», pour reprendre l’expression du Courrier d’Abidjan. Pour sa part, Soir Info dans son édition de ce mercredi, croit savoir que face à ce «dialogue de sourds (…), Charles Konan Banny a menacé de démissionner lors d’un récent tête-à-tête avec le président Laurent Gbagbo, au cas où il ne lui revenait pas, en tant que Premier ministre aux “pouvoirs élargis”, de désigner tout seul les détenteurs de la Défense, de la Sécurité et de l’Economie et des Finances».

Quels critères pour les ministrables ?

Dans un récent éditorial, le quotidien Nord-Sud invite Charles Konan Banny à s’affranchir des «calculs politiciens». Et de dresser le portrait de ceux qui méritent de figurer dans le futur gouvernement : «Les critères de choix des futurs ministrables doivent être simples et compris de tous : la compétence, la rigueur, l’ouverture et la fraîcheur d’esprit, l’esprit de sacrifice, une culture démocratique assise et le sens du service public et de l’Etat. Qu’ils soient proches du Premier ministre ou issus des partis, les Ivoiriens se reconnaîtront dans une équipe qui partagera ces critères».

«Les problèmes que rencontre déjà le Premier ministre, dénotent un mauvais départ pour la gestion de la transition en Côte d’Ivoire», analysait lundi dernier le quotidien L’Inter. «Ce qu’il faut craindre à l’horizon, c’est un enlisement des débats et une incapacité également du Premier ministre à surpasser les tendances pour conduire sa mission en toute responsabilité. Au vu de ce qui se donne déjà à voir, l’on peut redouter de voir le nouveau chef de gouvernement connaître le même sort que son prédécesseur».

Pour autant, certains veulent rester optimistes. Ainsi, le président de la Commission de l’Union africaine, lors de son récent passage à Abidjan, a estimé qu’«il n’y a aucune raison d’être pessimiste». Après avoir rencontré Laurent Gbagbo puis Charles Konan Banny, Alpha Omar Konaré a livré son sentiment : «je pense que c’est aux Ivoiriens eux-mêmes de régler cette question (…) et c’est ce qu’ils sont en train de faire». Sans avancer la moindre date pour l’annonce du futur gouvernement de transition.


par Olivier  Péguy

Article publié le 28/12/2005 Dernière mise à jour le 28/12/2005 à 17:12 TU

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Sidi Konaté

Porte-parole des Forces nouvelles

«Nous sommes dans une impasse totale...»

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