Immigration
L’OFPRA se délocalise en Guadeloupe
(Carte : SB / RFI)
Situés juste en face de la gare routière de Basse-Terre, les locaux flambants neufs sont équipés de boxes insonorisés, exactement comme au siège de l’OFPRA à Fontenay-Sous-Bois, en Ile de France. L’an passé, les fonctionnaires de métropole ont effectué six missions foraines sur place. Après avoir entendu les demandeurs d’asile, ils reprenaient l’avion pour étudier leur rapport en région Parisienne. Trop long ! Selon le directeur de l’Office, Jean-Loup Kuhn-Delforge : « Il s’agit à la fois d’être au plus près des demandeurs d’asile et d’accélérer l’examen des dossiers. » Une réponse aux vœux du gouvernement. Annoncée par le Premier ministre Dominique de Villepin à l’occasion du Conseil interministériel contre l’immigration, le 19 novembre dernier, cette antenne décentralisée devrait en effet permettre de réduire les délais de moitié et de passer ainsi à 60 jours en moyenne pour chaque demande, contre 120 aujourd’hui.
Les officiers dépêchés sur place ne devraient pas chômer. Calibrée pour traiter 5 000 demandes par an, l’antenne dispose d’interprètes en créole et en espagnol afin de répondre également aux demandeurs Colombiens et Cubains. Mais la demande en provenance d’Haïti reste de très loin majoritaire. Avec 4 718 demandes pour les 11 premiers mois de 2005, les Haïtiens représentent désormais le « premier flux de demandeurs d’asile en France. » 12 % des demandes d’asile sur la France sont haïtiennes précise encore l’OFPRA et 73 % concerne la Guadeloupe. Les DOM-TOM (départements et territoires d’Outre-mer) termine ainsi l’année en 3ème position derrière l’Ile-de-France et la Région Rhône Alpes.
2,3 % des demandeurs ont obtenu le droit d’asile
Cette explosion est évidemment liée à la proximité géographique entre Haïti et les Antilles françaises. La plupart des Haïtiens arrivent par bateau. Ils passent par l’île de la Dominique, située à 80 kilomètres au sud des côtes guadeloupéennes. « Il n’y a pas d’accord de réadmission entre la Dominique et la Guadeloupe, explique Victorin Lurel, le président du Conseil régional. La frontière est extrêmement poreuse. Nous ne disposons que de deux vedettes pour surveiller l’ensemble des eaux territoriales et il manque 20 officiers de police judiciaire. »
Constituée de militants associatifs et politiques, de commerçants victimes de racket et plus généralement d’une population qui fuit une situation sociale et sécuritaire très dégradée, le profil de la demande haïtienne est « davantage économique que politique », affirme le directeur de l’OFPRA. D’où le très petit nombre d’admissions. Seuls 2,3 % des demandeurs haïtiens ont obtenu le droit d’asile dans les DOM l’an passé, contre 12,4% en métropole. Il s’agit dans ce dernier cas de personnes souvent haut placées dans l’appareil politique, ou qui bénéficient d’un soutien des associations et de leur famille et qui ont donc les moyens de prendre l’avion.
L’antenne de Basse-Terre sera compétente également pour les demandes déposées en Guyane et en Martinique. Reste que la Guadeloupe ne dispose encore d’aucun Centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA), et que les recours continueront d’être étudiés à la Commission de recours des réfugiés, basée à Montreuil en banlieue parisienne. La CRR devra donc à son tour envoyer des agents sur place pour des missions temporaires.
par Stéphane Lagarde
Article publié le 09/01/2006 Dernière mise à jour le 09/01/2006 à 17:22 TU