Iran
Nucléaire: l’Europe s’en remet à l’AIEA
(Photo: AFP)
«Le temps est venu pour que le Conseil de sécurité soit impliqué afin de renforcer l'autorité des résolutions de l'AIEA» concernant l’Iran, indique le communiqué final de la troïka européenne qui va «demander une réunion extraordinaire du Conseil des gouverneurs de l'AIEA, avec pour objectif qu'il prenne toutes les mesures nécessaires à cette fin». Mais à l’heure où les cours du pétrole flambe et où l’idée de sanctions internationales contre l’Iran n’est pas complètement garantie au Conseil de sécurité de l’ONU, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, souligne que l’Europe reste disposée à régler le différend avec l’Iran «par des moyens diplomatiques dans un cadre international et pacifique», son homologue français, Philippe Douste-Blazy, ajoutant: «Nous allons consulter étroitement nos partenaires internationaux dans les prochains jours et semaines à venir». Pour leur part, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne se sont déjà déclarés convaincus de la nécessité de saisir le Conseil de sécurité, tandis que la Russie se montrait «déçue et alarmée» et la Chine «inquiète» de l’obstination iranienne.
«La décision de l'Iran de maîtriser la technologie nucléaire est irréversible», récidive le chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki, après le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, qui réaffirmait mercredi urbi et orbi qu’une quelconque «agitation internationale» ne suffira pas à empêcher Téhéran de poursuivre sa quête d’une «maîtrise de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques». Jeudi matin, l’ancien président Akbar Hachemi Rafsandjani, aujourd’hui responsable du «Conseil de discernement» fustigeait lui-aussi l’Occident, accusé de vouloir «priver les nations islamiques de la connaissance de l'énergie nucléaire et de les maintenir dans l'arriération». L’Iran «a décidé de briser les tabous coloniaux en reprenant son programme d'énergie nucléaire pacifique», concluait-il au moment où Téhéran achevait de retirer les scellés apposés par l’AIEA dans trois de ses centres de recherche nucléaire.
Moscou a des soupçons sur le programme nucléaire iranien
Les Iraniens ont brisé les scellés devant des inspecteurs de l’AIEA, en se prévalant du droit à l’enrichissement de l’uranium à des fins civiles inscrit dans le traité de non-prolifération. Et en deux jours, les inquiétudes internationales se sont répandues et avivées, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, pointant comme suspect le refus de Téhéran à délocaliser sa production d'uranium enrichi en Russie, comme Moscou le lui avait offert. «Nous ne pouvons pas négliger le manque de logique économique ou l'absence d'une véritable nécessité pratique et ces questions font encore subsister le soupçon que ce programme pourrait avoir un aspect militaire caché», a conclu Sergueï Lavrov, tout en reconnaissant «le droit de l'Iran de créer son propre cycle nucléaire sous le contrôle de l'AIEA». C’est la première fois que Moscou fait état de soupçons sur la volonté de son allié iranien de se doter de la bombe atomique, rejoignant sur ce terrain l’opinion solidement ancrée du vice-président américain, Dick Cheney, qui «pense qu'il est très clair que tel est leur objectif».
«Notre priorité ne réside pas dans nos relations bilatérales, notre investissement en Iran ou nos bénéfices tirés du commerce avec l'Iran», assure Lavrov qui a même ajouté que les propos belliqueux du président Ahmadinejad à l'encontre d'Israël ajoutent «aux arguments de ceux qui croient que le cas de l'Iran ne peut être traité que par le Conseil de sécurité des Nations unies». De quoi satisfaire Dick Cheney qui avant la réunion européenne de Berlin voyait la saisine du Conseil de sécurité comme «la prochaine étape, une fois que le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) se sera réunie et aura conclu que la voie diplomatique qu'ils ont empruntée n'aboutira pas».
Pékin s'inquiète et demande le retour au dialogue
En la matière, la position de la Russie est décisive. Celle de la Chine aussi, qui dispose du droit de veto. Pour le moment, Pékin refuse de se prononcer officiellement sur ses dispositions vis-à-vis d’éventuelles sanctions internationales contre l’Iran. Compte tenu de l’affolement du secteur pétrolier, Pékin a choisi de laisser les hypothèses contradictoires planer sur la destination finale de son atout onusien. Mais la Chine s’est jointe dès jeudi au concert des inquiétudes internationales «au sujet du nouveau développement récent dans le dossier nucléaire iranien». Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Kong Quan appelait alors Téhéran à reprendre langue avec la troïka européenne. «Nous espérons que les Iraniens peuvent faire plus pour aider à construire une confiance mutuelle et promouvoir la reprise des discussions entre l'Iran et les pays de l'Union européenne», indiquait Kong Quan, en invitant toutefois «toutes les parties concernées» à «faire preuve de modération et à chercher une solution à travers le dialogue».
De son côté, le directeur général de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, se préparait à faire un rapport très négatif sur le manque de coopération de Téhéran. Lundi, il se disait «à bout de patience», non seulement à cause de la reprise des activités d’enrichissement d’uranium de l’Iran, mais aussi à cause des obstacles posés par Téhéran en matière d'inspections. Le prochain Conseil ordinaire de l’AIEA était prévu en mars. Mais, après deux ans et demi d’efforts diplomatiques pour convaincre Téhéran, la troïka jette l’éponge et demande à l’AIEA de trancher.
par Monique Mas
Article publié le 12/01/2006 Dernière mise à jour le 12/01/2006 à 18:42 TU