Iran-Israël
Ahmadinejad dans la surenchère négationniste
(Photo : AFP)
Au lendemain des déclarations du président iranien, qualifiant l'Etat hébreu de «tumeur», des solgans anti-américains et anti-juifs sont scandés par les fidèles lors de la prière du 9 décembre. (Photo : AFP) |
A Zahedan, le très conservateur président iranien a donc non seulement réitéré sa thèse négationniste, mais il a surtout adapté son discours à la compréhension d’une foule visiblement fanatisée. «Les Occidentaux ont inventé le mythe du massacre des juifs et le placent au-dessus de Dieu, des religions et des prophètes. Et si quelqu’un dans leur pays met en cause Dieu, on ne lui dit rien ; mais si quelqu’un nie le mythe du massacre des juifs, les haut-parleurs sionistes et les gouvernements à la solde du sionisme commencent à vociférer», a-t-il lancé à des milliers de personnes qui buvaient littéralement ses paroles. Surfant sur le thème très porteur du dossier palestinien, il a une nouvelle fois remis en cause l’existence même de l’Etat d’Israël. «Si vous dites que vous avez massacré et brûlé six millions de juifs durant la Seconde Guerre mondiale, si vous avez vraiment commis ce massacre, pourquoi ce-sont les Palestiniens qui doivent en payer le prix ?Pourquoi avoir créé un régime sioniste factice», a-t-il ajouté avant de ni plus ni moins redessiner la carte du monde. «Notre proposition est celle-là : donnez un morceau de votre terre en Europe, aux Etats-Unis, au Canada ou en Alaska pour que les juifs créent leur Etat. Et soyez certain que si vous faites cela, le peuple iranien ne protestera plus contre vous et soutiendra votre décision», a-t-il suggéré sous les acclamations de la foule.
Une logique de confrontation
Cette nouvelle surenchère négationniste du président iranien intervient à une semaine de la reprise des négociations avec la Troïka européenne –Allemagne, France, Royaume-Uni– portant sur le programme nucléaire que le régime de Téhéran cherche à développer. Mahmoud Ahmadinejad a d’ailleurs saisi l’occasion de son discours de Zahedan pour donner le ton. Son pays, a-t-il lancé, ne cédera jamais sur le nucléaire. «Nous avons fait l’expérience de votre attitude passée et nous n’allons plus être dupes de vos propagandes mensongères», a-t-il déclaré en faisant référence à la proposition des trois Européens de fournir du combustible nucléaire à l’Iran s’il renonce à son programme d’enrichissement d’uranium.
Les propos du chef de l’Etat iranien ont une nouvelle fois provoqué l’indignation générale. Les condamnations se sont multipliées tout au long de la journée : «scandaleux», «inacceptable», «honteux», «qui ne contribue en rien à la paix». Autant de mots qui semblent laisser totalement indifférent le régime de Téhéran. Car en réitérant ses appels en faveur de la destruction d'Israël et en niant, à deux reprises et en moins d’une semaine, l'Holocauste, le président Ahmadinejad semble être entré dans une nouvelle logique, celle d’orienter son pays vers une confrontation avec l'Etat hébreu et l'Occident. Car le doute n’est désormais guère plus permis. Par leur récurrence et leur virulence, les propos antisémites et négationnistes du chef de l’Etat iranien démentent ce que l’on a dans un premier temps considéré comme des erreurs de débutant, Ahmadinejad n'ayant remporté à la surprise générale l’élection présidentielle iranienne qu'en juin dernier. «Ces déclarations vont au-delà de ce qui est politiquement admis, a ainsi déclaré à l'AFP un diplomate européen en poste à Téhéran. Au début, nous pensions qu’elles étaient dues à son manque d'expérience, qu'elles constituaient des gaffes ou visaient l'opinion publique intérieure. Mais il apparaît désormais qu'il a une attitude de confrontation et une rhétorique extrémiste qui visent clairement à provoquer la communauté internationale. Et il a réussi».
Cette analyse est largement partagée par de nombreux observateurs de la scène politique iranienne. «Le chef de l’Etat cherche la confrontation avec l'Occident et ce d'autant plus qu'il sait que ses déclarations sont très bien accueillies dans les couches les plus défavorisées aussi bien en Iran que dans le monde arabo-musulman», a ainsi expliqué l’analyste Saïd Leylaz. Et d’ajouter relativement confiant : «Mahmoud Ahmadinejad a le sentiment que de telles déclarations renforcent son pouvoir. Mais ce sera de courte durée. Le populisme n'a jamais eu une longue vie. Il arrive avec force, mais ne dure pas».
par Mounia Daoudi
Article publié le 14/12/2005 Dernière mise à jour le 14/12/2005 à 18:56 TU