Iran
Ahmadinejad attaque de nouveau Israël
(Photo : AFP)
Deux fois en deux mois, Mahmoud Ahmadinejad a franchi la ligne jaune dans ses attaques contre Israël. Cette récidive rapprochée rend la thèse de la boulette diplomatique à répétition difficilement envisageable. D’autant que le président iranien a tenu, cette fois-ci, des propos hostiles à l’Etat hébreu alors qu’il se trouvait hors de son pays. Il a profité de l’audience internationale de la réunion de l’Organisation de la conférence islamique à La Mecque, en Arabie saoudite, pour mettre une nouvelle fois en doute la réalité de la Shoah, en déclarant à la télévision satellitaire iranienne Al-Alam : «Certains pays européens insistent pour dire qu’Hitler a tué des millions de juifs dans des fours et vont jusqu’à dire que quiconque affirme le contraire doit être condamné et jeté en prison. Bien que nous n’acceptions pas cette affirmation, si elle était vraie, nous poserions la question suivante aux Européens : le meurtre de juifs innocents constitue-t-il la raison de leur soutien aux occupants de Qods [Jerusalem] ?».
Et d’enchaîner sur une interpellation des nations européennes : «Maintenant que vous croyez que les juifs ont été opprimés, pourquoi les musulmans palestiniens doivent-ils en payer le prix ?». A en croire le président iranien, la responsabilité des Etats d’Europe devrait les amener à prendre une décision salutaire pour le Proche-Orient : «Que l’Allemagne et l’Autriche donnent deux ou trois de leurs provinces au régime sioniste et le problème sera réglé à la racine». Une manière de mettre un terme au conflit engendré par la création de l’Etat d’Israël, que Mahmoud Ahmadinejad qualifie de «tumeur».
Une offensive délibérée
Ces propos n’ont rien à voir avec un petit dérapage au détour d’une phrase. Ils ressemblent plutôt à une offensive totalement délibérée. D’autant qu’ils viennent s’ajouter à ceux que le président iranien a tenu, au mois d’octobre, lors d’une conférence devant des étudiants sur «le monde sans le sionisme» organisée à Téhéran. Il avait alors déclaré qu’Israël devait être «rayé de la carte». Reste à savoir quel objectif poursuit Mahmoud Ahmadinejad lorsqu’il fait de telles déclarations. Il paraît clair qu’il s’adresse d’abord à sa population en réitérant une position traditionnelle de la République islamique d’Iran qui remet en cause l’existence d’Israël. Le président iranien essaie vraisemblablement de souder le peuple de son pays en radicalisant ses positions vis-à-vis de l’extérieur.
Mais en attaquant Israël dans des termes à ce point provocants, Mahmoud Ahmadinejad s’adresse aussi incontestablement à la communauté internationale avec laquelle ses relations se sont peu à peu détériorées depuis son arrivée au pouvoir il y a six mois. Notamment à cause des négociations sur le nucléaire menées avec les Européens, qui ont été rompues en août dernier. Téhéran a, en effet, refusé d’accepter de renoncer à enrichir l’uranium, comme le désirent les Etats d’Europe et les Etats-Unis. De son point de vue, il s’agit d’assurer son approvisionnement en combustible nucléaire sans dépendre de l’extérieur. Mais les Occidentaux craignent qu’en fait l’Iran n’ambitionne de mettre au point l’arme atomique et non pas de se limiter à un programme énergétique civil.
La communauté internationale condamne
Les déclarations de La Mecque interviennent aussi alors que plusieurs responsables politiques israéliens ont récemment mis en garde Téhéran à propos de la question du nucléaire. Le leader du Likoud (le parti conservateur), Benjamin Netanyahu, a estimé que si l’Iran devait avoir l’arme nucléaire, Israël devrait réagir en s’inspirant de Menahem Begin qui avait ordonné, en 1981, la frappe contre la centrale nucléaire irakienne Osirak. Le Premier ministre israélien Ariel Sharon a lui-même affirmé que son pays «ne saurait accepter une situation dans laquelle l’Iran deviendrait une puissance nucléaire». Des menaces auxquelles le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, Ali Larijani, a répondu en affirmant que «la République islamique d’Iran est une cible difficile» et qu’une frappe aurait «de lourdes conséquences».
Une chose est sûre, Mahmoud Ahmadinejad a réussi à faire l’unanimité contre lui dans les pays occidentaux. De Washington à Moscou en passant par Londres, Paris, Berlin ou Vienne, les propos du président iranien ont été dénoncés. Le ministre des Affaires étrangères britannique Jack Straw, la nouvelle chancelière allemande, Angela Merkel, comme le ministère des Affaires étrangères russe, ont estimé qu’il s’agissait de paroles «inacceptables». Le président français Jacques Chirac a fait part de son «indignation». Le chancelier autrichien Wolfgang Schuessel a parlé de «gaffe scandaleuse». Le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan, a déclaré que les propos de Mahmoud Ahmadinejad confirment «les inquiétudes [de Washington] sur le régime iranien… Ils montrent à quel point il est important que ce régime ne puisse pas avoir la capacité de développer une arme nucléaire». En Israël, les réactions ont bien évidemment été immédiates. Le porte-parole d’Ariel Sharon a riposté fermement en déclarant : «Je tiens à lui [Ahmadinejad] rappeler que nous étions ici bien avant ses ancêtres. De ce fait, nous disposons du droit d’être ici, sur la terre de nos aïeux, et d’y vivre. Grâce à Dieu, nous avons la capacité de nous défendre et d’empêcher que de semblables propos deviennent réalité». Les Etats arabes n’ont, quant à eux, pas réagi pour le moment.
par Valérie Gas
Article publié le 09/12/2005 Dernière mise à jour le 09/12/2005 à 17:57 TU