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Iran

Ahmadinejad : «Israël doit être rayé de la carte»

Le discours du président Ahmadinejad marque une véritable rupture avec ceux du président réformateur Mohammad Khatami.(Photo : AFP)
Le discours du président Ahmadinejad marque une véritable rupture avec ceux du président réformateur Mohammad Khatami.
(Photo : AFP)
En appelant ouvertement à la disparition de l’Etat d’Israël, le président ultraconservateur iranien, Mahmoud Ahmadinejad, ne pensait sans doute pas à une telle réaction de condamnation dans le monde.

De notre correspondant à Téhéran

«Comme l'a dit l'imam (Khomeiny), Israël doit être rayé de la carte», a déclaré M. Ahmadinejad dans un discours prononcé à l'occasion d'une conférence intitulée «Le monde sans le sionisme». «Bientôt, nous connaîtrons un monde sans Israël et sans les Etats-Unis (…). La nation musulmane ne permettra pas à son ennemi historique de vivre en son coeur même», a promis le président iranien devant plusieurs milliers d’écoliers qui criaient «mort à Israël !». Il a également mis en garde les dirigeants des pays musulmans contre la reconnaissance de l’Etat hébreu. «Les dirigeants de la nation musulmane qui reconnaîtront Israël brûleront dans les flammes de la colère de leur propre peuple», a-t-il affirmé en ajoutant que tout accord de paix avec Israël serait synonyme de «reddition du monde musulman».

Le discours du président iranien n’est pas une «gaffe politique», loin de là. Il a parlé pendant près d’une heure. Surtout, il a insisté sur le fait que le monde islamique était en conflit avec l’oppression mondiale, terme utilisé pour désigner l’Occident et en particulier les Etats-Unis. «Les combats livrés sur la terre occupée (palestinienne) font partie d'une guerre pour sa destinée. L'issue de centaines d'années de guerre (entre le monde islamique et les Occidentaux) se joue sur la terre palestinienne», a-t-il dit. Le président Ahmadinejad a ajouté qu’il y avait «guerre historique de plusieurs siècles entre l'oppresseur et le monde islamique». «Le dernier bastion de l'islam est tombé il y a un siècle quand les oppresseurs ont engagé la création du régime sioniste (…). Ils se servent de lui (Israël) comme d'un poste avancé pour répandre leurs idées au coeur même du monde islamique», a-t-il ajouté.

Discours de rupture

C’est la première fois depuis des années qu’un haut responsable de la République islamique va aussi loin dans une déclaration contre Israël. La négation de l'Etat d'Israël fait partie des dogmes du régime islamique. Tous les ans, lors du défilé militaire des forces armées, on voit défiler des missiles à longue portée Chahab-3, capables d’atteindre le territoire de l’Etat hébreu, sur lesquels il est inscrit : «Israël doit disparaître».

En tout cas, le discours du président Ahmadinejad marque une véritable rupture avec les années du président réformateur Mohammad Khatami, qui n’a cessé de mener une politique de rapprochement avec l’Occident. C’est lui qui avait notamment lancé l’idée du «dialogue entre les civilisations». Depuis son élection, le président Ahmadinejad a décidé de changer de cap dans la politique étrangère de l’Iran, en privilégiant les relations avec la Russie, la Chine et les pays non-alignés comme l’Inde ou encore l’Afrique du Sud. «L'indépendance, la puissance et la grandeur de la République islamique sont garantis en insistant sur les principes islamiques ; toute inclination vers l'Occident et l'hérésie fait dévier le pays du chemin de l'indépendance et de la grandeur et aboutit à la destruction du peuple iranien», déclarait-il mardi dernier.

Expulser l’Iran de l’Onu

La réaction très violente des capitales occidentales montre, en tout cas, le fossé grandissant entre les Occidentaux et la République islamique. Le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a condamné «avec la plus grande fermeté» les déclarations «inacceptables» de M. Ahmadinejad, et a demandé la convocation au Quai d'Orsay de l'ambassadeur d'Iran à Paris. «Inacceptables», c'est aussi le qualificatif employé par Berlin. Après la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Espagne ont convoqué les chargés d'affaires ou ambassadeurs de la République islamiste pour protester contre les propos tenus par Mahmoud Ahmadinejad. Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a également condamné les déclarations du chef de l'Etat iranien, en les qualifiant d’«inacceptables».

«Les commentaires (du président) Ahmadinejad sont profondément inquiétants et écoeurants», a déclaré pour sa part un porte-parole du ministère britannique des Affaires étrangères. La réaction la plus violente est venue d’Israël. Le vice-Premier ministre israélien Shimon Peres a appelé à l'expulsion de l'Iran de l'ONU. «Il faut présenter une demande claire et nette au secrétaire général de l'ONU (Kofi Annan) et au Conseil de sécurité pour obtenir l'expulsion de l'Iran de l'Onu», a affirmé le dirigeant israélien dans une lettre au Premier ministre, Ariel Sharon.

Quoi qu'il en soit, les propos du président Ahmadinejad ne vont guère arranger la position de l’Iran dans le dossier nucléaire. Les Occidentaux, qui soupçonnent l’Iran de chercher à fabriquer l’arme atomique, exigent que ce pays renonce à une partie de son programme nucléaire. Pour les Américains et les Israéliens, ces déclarations sont une confirmation que l’Iran cherche à se doter de l'arme atomique. Les Israéliens affirment que l’Iran menace l'existence de leur Etat. Indéniablement, les adversaires de l’Iran vont utiliser les déclarations du président Ahmadinejad pour accentuer la pression contre Téhéran lors de la prochaine réunion de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), prévue le 24 novembre prochain, pour obtenir que le dossier nucléaire iranien soit envoyé au Conseil de sécurité des Nations unies.


par Siavosh  Ghazi

Article publié le 27/10/2005 Dernière mise à jour le 27/10/2005 à 14:55 TU