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Grippe aviaire

Quelques clefs pour comprendre le virus

Virus H5N1
Virus H5N1
H5N1 : le nom de code du virus de la grippe aviaire est dans tous les esprits depuis 2003, date à laquelle il a resurgi en Corée du Sud et s’est propagé dans la région asiatique. Malgré les efforts pour limiter son expansion, la maladie a continué à se développer chez les volatiles. Et après l’Asie, elle touche maintenant l’Europe. Mais si le H5N1 fait aussi peur actuellement, c’est n’est pas tellement parce qu’il est à l’origine de la mort de millions de volailles, mais plutôt parce qu’il a aussi réussi à contaminer l’homme. Pour le moment, il s’agit d’un phénomène exceptionnel : seules 147 personnes ont été infectées et 78 sont décédées. Mais de l’avis de tous les experts internationaux, le H5N1 fait partie de ces virus animaux qui ont le potentiel pour s’adapter à l’homme. S’il y parvenait et devenait transmissible entre êtres humains, toutes les conditions seraient réunies pour le déclenchement d’une épidémie mondiale de grippe, susceptible de faire des millions de morts.

Quelles sont les caractéristiques du H5N1 ?

Il s’agit de l’un des quelque 140 types de virus aviaires qui circulent dans le monde, ce qui veut dire qu’il se propage essentiellement parmi les volatiles, domestiques ou sauvages, même s’il peut aussi contaminer d’autres animaux (le porc notamment). C’est un virus grippal de type A (H5, H7, H9) dont l’origine n’est pas récente. Une souche du H5N1 a été identifiée en Ecosse en 1959. Mais il fait l’objet de beaucoup d’attention depuis 1997, date à laquelle on a repéré pour la première fois, à Hong Kong, qu’il avait été à l’origine de contaminations humaines. Six personnes étaient d’ailleurs décédées des suites de leur infection. La résurgence de cette souche asiatique en 2003 a accentué les craintes puisqu’elle a engagé une très importante épizootie régionale, au cours de laquelle des contaminations humaines ont été constatées régulièrement.

Comment le virus se propage-t-il ?

Les oiseaux sauvages semblent être le principal vecteur du virus de la grippe aviaire, dont ils sont un réservoir naturel. C’est certainement par leur intermédiaire qu’il a pu se propager dans les élevages de volailles domestiques en Asie. Ce sont certainement aussi les migrations qu’ils effectuent à certaines périodes de l’année qui ont permis au H5N1 d’atteindre l’Europe. Mais ils ne sont pas les seuls en cause. Certains foyers ont été identifiés dans des zones qui ne se situent pas sur les itinéraires des oiseaux migrateurs. En Russie, par exemple, le long du transsibérien. Cela tendrait à prouver que l’homme porte une part de la responsabilité dans l’extension de l’épizootie.

Comment le virus peut-il se transmettre à l’homme ?

A priori, la contamination humaine est un accident. Les virus de la grippe aviaire, H5N1 compris, ne sont pas censés avoir les caractéristiques nécessaires pour toucher les êtres humains. Il n’empêche que le H5N1 asiatique a réussi à passer la barrière des espèces, même si cela a été, et demeure encore, exceptionnel. Les scientifiques expliquent que c’est un contact très rapproché avec les animaux malades au cours duquel l’humain a inhalé des poussières de fientes ou de sécrétions respiratoires infectées, qui a rendu possible ce phénomène. Il n’y a pas eu de cas de contamination par la consommation de viande de volaille cuite enregistré. Le virus est détruit à 70 degrés, indique l’Organisation mondiale de la Santé. Et pour le moment, aucune transmission entre humains n’a été prouvée.

Quels sont les symptômes de la maladie chez l’homme ?

On pourrait croire à une grippe classique. Les patients chez lesquels le virus de la grippe aviaire a été identifié présentaient en général, lorsqu’ils ont été pris en charge par les médecins, une forte fièvre, des maux de gorge, une toux et/ou des troubles de la respiration, avec parfois une véritable détresse respiratoire dans les cas les plus graves. Il est, en fait, nécessaire de procéder à l’analyse biologique des prélèvements des sécrétions du malade pour poser le diagnostic de grippe aviaire. Ces tests prennent plusieurs jours car ils sont réalisés à la fois dans le pays concerné et dans des laboratoires de référence, comme celui de Mill Hill en Grande-Bretagne. La contamination par le H5N1 ne signifie pas néanmoins un arrêt de mort. Environ la moitié des personnes infectées se sont rétabli, soit 69 sur 147.

Pourquoi craint-on la mutation du virus ?

Si le virus aviaire H5N1 mute, c’est-à-dire se transforme en virus humanisé, il pourra alors se transmettre d’homme à homme. Pour le moment, en effet, les contaminations humaines ont été dues uniquement à des contacts rapprochés avec des animaux malades. C’est ce qui en a limité la diffusion chez l’homme. Si cela devait changer, une épidémie humaine mondiale de grippe, potentiellement aussi mortelle que celles de 1918, 1957 ou 1968, deviendrait non seulement possible, mais à en croire les spécialistes, inévitable. C’est la raison pour laquelle l’annonce de chaque nouvelle contamination humaine accentue l’inquiétude. Car plus le virus aviaire est en contact avec l’homme, plus il a de chances d’évoluer et de s’adapter à l’organisme humain, donc de muter. Surtout s’il se trouve en présence d’un virus de grippe humaine. La modification génétique susceptible de rendre le virus transmissible entre humains pourrait aussi intervenir par un intermédiaire comme le porc. Cet animal a, en effet, pour caractéristique de pouvoir accueillir à la fois des virus aviaires et humains. Il peut donc jouer le rôle de «creuset» et faciliter les échanges génétiques entre les deux types de virus.

Qu’est-ce qui explique que les enfants sont majoritairement touchés ?

De nombreux enfants font partie des personnes ayant contracté le virus de la grippe aviaire. Parmi les 18 patients contaminés en Turquie, on a recensé 16 enfants dont trois sont décédés. Ce phénomène s’explique par deux types de raisons. D’abord, il est plus difficile d’éviter les comportements à risque chez les enfants qui sont en contacts avec des oiseaux infectés. Ensuite, leur système immunitaire est moins protecteur que celui des adultes.

Comment peut-on se protéger de la maladie ?

Un certain nombre de précautions peuvent limiter les risques de contamination. Il ne faut pas toucher des animaux malades ou morts sans la protection d’un masque, de gants et d’une combinaison. Il est aussi indispensable de se laver les mains avec application pour éviter toutes possibilités de mettre le virus en contact avec les yeux ou les voies respiratoires par lesquels il pourrait entrer dans l’organisme. Le meilleur moyen de limiter les possibilités de contamination humaine demeure néanmoins l’éradication de foyers animaux. Pour y parvenir, il est nécessaire d’intervenir dans les 48 heures qui suivent la découverte d’animaux malades en incinérant les cadavres suspects et en abattant l’ensemble des volatiles dans les élevages contaminés, voire dans les élevages alentour. Il est aussi possible de vacciner les volailles pour éviter une extension de la contamination dans les élevages sains.

Y a-t-il des traitements efficaces ?

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) préconise le recours à un traitement antiviral en cas de contamination par le virus de la grippe aviaire. Deux médicaments sont utilisés actuellement. Il s’agit du Tamiflu (oseltamivir) fabriqué par le laboratoire Roche et du Relenza (zanamivir) produit par la firme GlaxoSmithKline. Ils peuvent réduire la gravité et la durée de la maladie, à condition d’être administrés au patient dans un délai très court, 48 heures maximum après l’apparition des symptômes. Ils ne garantissent pas pour autant la guérison. Le Tamiflu qui est le plus utilisé des deux traitements présente l’avantage d’être administrable par voie orale, alors que le Relenza se présente sous forme de spray. Mais ces deux médicaments sont chers, et leur processus de fabrication long et complexe. Ce qui rend leur diffusion dans les pays pauvres très limitée pour le moment. D’autre part, rien n’indique qu’ils seront efficaces contre un virus humain pandémique.

Pourquoi n’y a-t-il pas de vaccin disponible ?

Il n’est pas possible de produire un vaccin adapté à un virus avant que celui-ci ne soit apparu. Le processus de fabrication ne pourra donc débuter qu’une fois une éventuelle souche humanisée identifiée. Il prendra alors plusieurs mois (de 4 à 6). Impossible donc pour les laboratoires de mettre au point le sérum pour le moment. Ils se préparent néanmoins activement dans l’espoir de limiter les délais au maximum le jour venu. Plusieurs d’entre eux, comme Sanofi Pasteur, essaient de mettre au point des vaccins dits pré-pandémiques à partir de la souche asiatique de H5N1. Cela leur permettra de gagner du temps, notamment dans l’évaluation des dosages et dans le processus de production industrielle.


par Valérie  Gas

Article publié le 13/01/2006 Dernière mise à jour le 13/01/2006 à 18:47 TU