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Grippe aviaire

Turquie : des cas humains et des craintes

Le ministre de la Santé turc, Recep Akdag, visite à l'hopital de Van, un enfant de 5 ans contaminé par le virus de la grippe aviaire.(Photo : AFP)
Le ministre de la Santé turc, Recep Akdag, visite à l'hopital de Van, un enfant de 5 ans contaminé par le virus de la grippe aviaire.
(Photo : AFP)
La présence du virus aviaire chez les volatiles n’est pas récente en Turquie. Des foyers d’infection ont été signalés dans des élevages, il y a près de trois mois. Mais l’annonce de la détection de cas humains dans ce pays marque une étape importante puisque jusqu’à présent, la propagation du virus hors d’Asie avait épargné l’homme. La préoccupation est d’autant plus grande qu’en quelques jours, on a déjà identifié la présence du virus chez quatorze personnes parmi lesquelles deux enfants sont décédés.

La principale question qui se pose aujourd’hui en Turquie est de savoir comment les 14 personnes atteintes à ce jour de la grippe aviaire ont été infectées ? Selon toute probabilité, le virus a été transmis lors d’un contact rapproché avec des volailles malades (vraisemblablement par inhalation des poussières de fientes infectées). Les deux enfants décédés la semaine dernière, dont la mort est officiellement due à leur contamination par le virus H5N1, appartenaient à la même famille et vivaient en effet au milieu des poulets. Ils ont vraisemblablement contracté la grippe aviaire en les manipulant. A en croire les autorités, les autres malades confirmés par les tests réalisés dans les laboratoires turcs, sont aussi issus de régions rurales où la population est a priori plus exposée. Reste que la possibilité d’une contamination entre êtres humains hante toujours les esprits. Mais à ce jour, aucun élément ne permet de penser que cela a pu être le cas en Asie, où 74 personnes sont décédées, ou maintenant en Turquie. C’est en tout cas ce qu’a affirmé encore tout récemment l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Au-delà du problème du mode de transmission du virus à l’homme, la question de l’extension de l’épidémie animale devient très préoccupante en Turquie. Il est vrai que des foyers ont été répertoriés dans 15 des 81 provinces du pays et que désormais aucune partie du territoire ne semble à l’abri : l’Est, le Nord et l’Ouest sont touchés. Le foyer le plus occidental se situe d’ailleurs dans la grande banlieue de la partie européenne d’Istanbul, à Küçükçekmece. Là où des poulets contaminés ont été retrouvés morts samedi 7 janvier. Mais surtout, il semble que l’épidémie animale se rapproche de zones plus urbanisées comme Ankara et Istanbul. Le chef de la délégation de l’OMS envoyée sur place pour aider les autorités turques, Guenael Rodier, a résumé la situation en indiquant : «Le problème, c’est la ligne de front homme-animal : il faut la réduire».

Plus de foyers, plus de danger

La multiplication et la dispersion des foyers augmentent, en effet, le danger pour l’homme. Plus le virus se répand chez l’animal, plus il risque d’atteindre les être humains. Et c’est bien ce que l’OMS veut éviter à tout prix. Car les experts expliquent que c’est ainsi que le H5N1 pourrait opérer la mutation tant redoutée et donner naissance à un virus humanisé capable de se transmettre entre humains, donc de déclencher une épidémie.

Dans ce contexte, l’augmentation rapide du nombre de cas humains en Turquie est inquiétante. En à peine une semaine, ont est en effet passé de 4 à 14 cas (dont les deux enfants décédés), puisque 10 nouvelles infections ont été confirmées entre samedi et lundi. Mais le bilan pourrait encore augmenter car les autorités turques ont prévenu que dans l’ensemble du pays, environ une centaine d’autres personnes présentant des symptômes (toux, troubles respiratoires, fièvre) attendaient les résultats des tests destinés à établir s’il s’agit d’une contamination au H5N1. Rien qu’à Istanbul, vingt-et-une personnes ont dû être hospitalisées. A Van, dans l’est de la Turquie, là où avaient été soignés les deux enfants décédés la semaine dernière, plus d’une vingtaine de personnes sont encore sous surveillance médicale. Dans la plupart des cas, il s’agit d’enfants.

Le gouvernement accusé

Face à cette soudaine apparition de cas humains, les habitants commencent à mettre en cause le gouvernement qu’ils accusent d’avoir négligé le danger. Tout au moins dans certaines régions reculées comme celle de la ville de Dogubeyazit, proche de la frontière iranienne, d’où sont originaires les enfants décédés des suites de la grippe aviaire. L’apparition des premiers foyers animaux dans le pays remonte à au moins deux mois et les habitants estiment, à la lumière des événements récents, que toutes les précautions n’ont pas été prises pour les protéger d’une éventuelle contamination, qu’il s’agisse de la réalisation des tests, de l’abattage des volailles infectées ou de l’information de la population. Le ministre de la Santé turc, Recep Akdag, a d’ailleurs été malmené par les habitants, lundi, lors de son déplacement à Dogubeyazit en compagnie des experts de l’OMS.


par Valérie  Gas

Article publié le 09/01/2006 Dernière mise à jour le 09/01/2006 à 18:29 TU

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Benoît Guéry

Spécialiste en maladies infectieuses au CHU de Lille

«Le virus de la grippe aviaire n'évolue pas. Il n'y a pas, actuellement, de contamination d'humain à humain.»

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