Côte d'Ivoire
Députés sans mandats
(Photo : AFP)
A la différence de Laurent Gbagbo, maintenu à la présidence pour un an après l’expiration de son mandat électif, le 30 octobre dernier, les députés ne joueront pas les prolongations jusqu’à la tenue des élections programmées fin 2006. Créé par l’Union africaine (UA), le 6 octobre 2005, et confirmé dans sa mission de suivi des accords inter-ivoiriens de Marcoussis, d’Accra et de Pretoria, le 21 octobre suivant, par la résolution 1633 du Conseil de sécurité, le Groupe de travail international (GTI) a en effet décidé dimanche que le mandat des députés échu le 16 décembre dernier «n’a pas à être prolongé», à charge pour le nouveau Premier ministre Charles Konan Banny de s’arranger du président Gbagbo pour légiférer.
Des barrages et des pneus brûlés dans les rues d’Abidjan ont marqué lundi la décision du GTI de ne pas prolonger le mandat de l'Assemblée nationale issue des élections de décembre 2000. Pour leur part, les députés restent partagés sur la question. La semaine dernière, les représentants du parti présidentiel, le Front populaire ivoirien (FPI), avaient sonné l’alarme contre le GTI qu’ils soupçonnaient de vouloir ouvrir les portes parlementaires aux anciens rebelles des Forces nouvelles et au Rassemblement des républicains (RDR) de l’ancien Premier ministre, Alassane Ouattara, qui vient de se porter candidat à la magistrature suprême. La président du groupe parlementaire du FPI (majoritaire), Simone Gbagbo était montée au créneau assurant que le parti présidentiel «ne reconnaîtra aucune décision ou recommandation du GTI qui serait contraire aux dispositions de la Constitution et tendrait à porter atteinte à la souveraineté de la Côte d'Ivoire». Enfin, jusque dans les rangs de l’opposition, la controverse opposait des députés, inquiets pour leurs salaires, aux tenants de la dissolution.
Dans sa résolution 1633, le Conseil de sécurité avait bien «noté que le mandat de l’Assemblée nationale prend fin le 16 décembre 2005». Il avait invité le GTI «à consulter toutes les parties ivoiriennes… en vue de faire en sorte que les institutions ivoiriennes fonctionnent normalement jusqu’à la tenue des élections». Le Conseil constitutionnel ivoirien en avait tiré la conclusion que «l'Assemblée nationale demeure en fonction et conserve ses pouvoirs». Il vient d’être contredit par le GTI, maître-d’œuvre de la «réconciliation nationale». Coprésidé par l’Onu et l’UA, le GTI est animé par l'Union européenne (UE), l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, l'Afrique du Sud, le Bénin, le Ghana, la Guinée, le Niger, le Nigeria, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni. En fin de compte, cette pléiade internationale a en quelque sorte décidé de réduire le cercle des décisions ivoiriennes à un face-à-face entre le Premier ministre et le chef de l’Etat.
Le Premier ministre dispose de tous les pouvoirs
«Le GTI recommande que le Premier ministre en consultation avec le chef de l'Etat et se fondant sur l'expérience des anciens députés, puisse à sa convenance, leur confier des missions spécifiques en vue de la promotion et de la réconciliation», indique le communiqué du GTI au sujet des députés en mal de mandats. Autrement dit, l’Assemblée nationale est dissoute. Pour le reste, l’UA et le Conseil de sécurité avaient donné mission au GTI de «vérifier que le Premier ministre dispose de tous les pouvoirs et de toutes les ressources financières, matérielles et humaines» pour lever les obstacles posés au déploiement de l’administration et à la sécurisation sur l’ensemble du territoire, au désarmement, au recensement et à l’établissement des registres électoraux. Au passage, la résolution onusienne précise que «tous les ministres participent pleinement au gouvernement de réconciliation nationale». Tout récalcitrant verra «son portefeuille repris par le Premier ministre».
Pour les rédacteurs de la résolution 1633, en octobre dernier, l’urgence était à la nomination d’un nouveau Premier ministre. «Accepté par tous», le 4 décembre 2005, sur de pressantes suggestions internationales, Charles Konan Banny est finalement parvenu à former son gouvernement, le 28 décembre dernier. Il a désormais rendez-vous avec l’heure de vérité. Les Nations unies doivent décider le 24 janvier s’il convient de poursuivre, voire de renforcer, leur mission en Côte d’Ivoire. Mais surtout, le GTI doit se revoir à Abidjan le 17 février prochain pour évaluer les premiers pas du Premier ministre Konan Banny sur la route qui conduit aux élections d’octobre 2006.
Dimanche, Charles Konan Banny a reçu la «feuille de route» de la transition qu’il est chargé de conduire, sans perdre de temps parlementaire, mais en se montrant quand même persuasif vis-à-vis de Laurent Gbagbo. Jusqu’à présent, ce dernier conserve en effet ses prérogatives en matière de décrets présidentiels, en vertu de l’article 48 de la Constitution ivoirienne, dont il a du reste usé en 2005, sur la recommandation du médiateur sud-africain, Thabo Mbéki. Prononcés par le président Jacques Chirac, les vœux de la France accompagnent aujourd’hui «le gouvernement ivoirien de transition de Charles Konan Banny», pour qu’il ramène en Côte d’Ivoire «une vie normale, par le dépôt des armes et par des consultations électorales». En attendant, le GTI va devoir rendre d’ici février son arbitrage sur la composition de la Commission électorale indépendante (CEI).
«On pourrait commencer à travailler avec le Premier ministre dès la semaine prochaine sur le désarmement et l'identification» des électeurs, assure le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu en Côte d’Ivoire, Pierre Schori, qui copréside le GTI. Désarmement et enrôlement électoral constitueraient en effet un premier test, en vraie grandeur, pour l’attelage Konan Banny.
par Monique Mas
Article publié le 16/01/2006 Dernière mise à jour le 16/01/2006 à 17:03 TU