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Côte d'Ivoire

Mécanique institutionnelle et jeu politique

La bataille politique se poursuit.(Photo : AFP, Montage : RFI)
La bataille politique se poursuit.
(Photo : AFP, Montage : RFI)
Les barrages avaient disparu vendredi matin dans les rues d’Abidjan où les commerces ont rouvert et les habitants repris leurs activités économiques. La tension s’est dissipée jeudi soir, après les appels au calme du «ministre de la rue», Charles Blé Goudé, et du président du parti présidentiel, le Front populaire ivoirien (FPI), l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan. La veille, le président de l’Union africaine, Oluségun Obasanjo, le président ivoirien, Laurent Gbagbo, et le Premier ministre, Charles Konan Banny, avaient de concert assuré à l’opinion en colère que l’Assemblée nationale n’avait pas été dissoute par le Groupe de travail international (GTI). Le FPI, qui avait claqué la porte du gouvernement, veut y voir une victoire de ses partisans. Ses adversaires dénoncent une tentative du président Gbagbo pour neutraliser Charles Konan Banny. La bataille politique se poursuit.

Match nul ou première manche emportée par ceux qui demandent la prolongation du mandat des députés de l’Assemblée nationale ? Une partie de la réponse sortira de la solution politique que Laurent Gbagbo et Charles Konan Banny sont censés négocier. Pour sa part, le président du FPI, Pascal Affi Nguessan garantit ses arrières en criant victoire. «Le président Obasanjo vient de dire au nom de la communauté internationale que le Groupe international de travail n’a pas compétence pour dissoudre une institution ivoirienne: donc que le parlement est réhabilité. Le GTI est désavoué toutes les institutions ivoiriennes doivent fonctionner normalement», dit-il. Pascal Affi Nguessan songe visiblement aux batailles déjà engagées autour de la Commission électorale indépendante (CEI) et du Conseil constitutionnel, par exemple. Mais si le chef du FPI demande à ses militants de quitter la rue et s’il envisage à nouveau la participation de ses ministres au gouvernement, c’est, dit-il, pour «qu’ensemble, nous nous remobilisions pour les futures batailles», parmi lesquelles celles du désarmement des Forces nouvelles.

Dans l’opposition, le président du Rassemblement des républicains (RDR), l’ancien Premier ministre Ouattara fustige au contraire un «échec cuisant pour le camp Gbagbo». Dans un entretien avec le quotidien français Libération, il juge que «le camp présidentiel joue la politique du pire, espérant ainsi se maintenir au pouvoir sans passer par les urnes». Alassane Ouattara estime qu’il faut «appliquer sans délai les sanctions prévues depuis novembre 2004 par l’Onu». A son avis, la querelle en souveraineté engagée par le FPI est un prétexte. La «quasi-tutelle» internationale de la Côte d’Ivoire est un «mal nécessaire», ajoute-t-il, pour peu qu’elle parvienne à «ramener la paix grâce à des élections démocratiques». Quant à son retour en Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara l’a reporté sine die dimanche dernier, au moment où l’annonce du GTI a soulevé le tollé que l’on sait. Alassane Ouattara «souhaite regagner [son] pays le plus tôt possible», dit-il, «mais, c’est à l’Onu, qui est censée assurer [sa] sécurité de [lui] indiquer quel est le moment approprié pour rentrer».

En politique, tout se négocie

La Constitution ne répond pas vraiment à la question parlementaire agitée depuis le report des élections d’octobre dernier, qui avait vu la médiation internationale prolonger d’un an le mandat présidentiel de Laurent Gbagbo. Mais le 16 décembre dernier, le Conseil constitutionnel avait déclaré le mandat des parlementaires prorogé, la mouvance présidentielle, mais aussi l'opposition du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) se satisfaisant de ce verdict conforme, à leurs yeux, à une lecture correcte de la résolution 1633 du Conseil de sécurité. Les anciens rebelles des Forces nouvelles et le RDR en donnaient de leur côté  à une interprétation contraire, à l’instar du GTI, le 15 janvier dernier.  Quoi qu’il en soit des torts et des raisons de chacun, la mécanique institutionnelle ne suffit pas à donner la réponse. Elle a du reste cédé le pas au jeu politique depuis janvier 2003 et les accords inter ivoiriens de Marcoussis. Or, en politique, tout se négocie.

Nul doute que l’émoi provoqué par les manifestations de ces derniers jours a incité Olusegun Obasanjo à relancer officiellement la balle parlementaire dans le filet que se disputent Laurent Gbagbo et Charles Konan Banny, à charge pour eux de négocier une solution politique. Et pour savoir si l’un ou l’autre des protagonistes a gagné cette dernière manche, il faudra au moins attendre l’issue de leurs pourparlers. Revenant sur l’échéance du mandat des députés et sur ce qui se passait dans les coulisses politiques avant les manifestations, Charles Konan Banny indique que «le Groupe de travail, constatant ce fait avait recommandé que le Premier ministre et le chef de l’Etat se concertent en vue de confier à nos députés des missions de paix pour la promotion de la paix et de la réconciliation nationale». Missions à durée plus ou moins déterminée ou restauration pure et simple de leurs pouvoirs législatifs ? La marge n’est pas mince. Mais la bataille n’est pas non plus décisive.

Pour sa part, le président du FPI, Pascal Affi N’Guessan a saisi l’occasion pour mettre un pied dans la porte. «Il faut, [dit-il] que dans les plus brefs délais, le Premier ministre fasse connaître à l’opinion nationale, par une déclaration solennelle au parlement, le chronogramme du désarmement. Il faut que, d’ici la fin de ce premier trimestre, ce désarmement soit effectif, que la réunification du pays soit effective, de manière à ce que dans la sérénité nous travaillions à l’organisation des élections et à la sortie définitive de la crise.» Sur ce terrain, la bataille s’annonce plus rude encore et se trouve retardée par l’épisode précédent. La feuille de route remise fin décembre par le GTI au Premier ministre prévoyait en effet des procédures de désarmement comprises entre le 2 janvier et le 31 mars, avec une réforme de l’armée à la mi-février.

Charles Konan Banny n’a pas même eu le temps de marquer ses positions que la tempête parlementaire s’est levée. La mouvance présidentielle l’accuse même d’en avoir pris l’initiative et d’avoir soufflé son propre avis au GTI. Jeudi, dans sa séance d’explication de texte aux Ivoiriens, il a donc aussi tenté de se situer dans la galaxie ivoirienne et de protester de son indépendance. Le Premier ministre assure qu’il a «délibérément décidé de faire tandem [avec le chef de l’Etat], pour avancer sur le chemin difficile de la paix». «Chaque ministre doit laisser sa bannière politique à la porte du Conseil dès lors qu’il a accepté d’être ministre», ajoute-t-il, en appelant de ses vœux «un seul parti, le parti Côte d’Ivoire dont le chef de l’Etat est le président, le secrétaire général étant le Premier ministre, Charles Konan Banny, les militants étant les habitants de la Côte d’Ivoire». Il doit désormais agir pour convaincre les Ivoiriens, à défaut de séduire les partis qui se disputent le pouvoir.


par Monique  Mas

Article publié le 20/01/2006 Dernière mise à jour le 20/01/2006 à 17:49 TU

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