Terrorisme
Les nouvelles menaces de Ben Laden
(Photo : AFP)
Washington, 20 janvier 2005. George Walker Bush, devenu le 43ème président des Etats-Unis après sa réélection le 2 novembre 2004 à la Maison blanche avec 51% des voix, prête serment devant le Capitole. Vingt-quatre heures avant l’anniversaire de cette investiture, et après cinq années passées dans «le bureau oval», quelques jours avant son discours attendu le 31 janvier sur l’état de l'Union, le président américain est forcé de se souvenir de Oussama ben Laden son «ennemi», depuis les attentats du 11-Septembre 2001.
Des attentats contre les Etats-Unis «en préparation»
George Bush s'en serait surement bien passé mais Ben Laden, annoncé pour mort par des observateurs depuis sa dernière intervention audio le 27 décembre 2004, est brutalement réapparu jeudi plus menaçant, plus ambiguë et plus ironique que jamais. Dans un enregistrement audio de mauvaise qualité, Ben Laden s’est exprimé pendant trois minutes sur la chaîne quatariote Al-Jazira. Il a affirmé s’adresser aux Américains dont le «président interprète de façon fausse les sondages d’opinion qui montrent que la majorité d’entre (eux) soutient le retrait de (leurs) forces d’Irak ».
Après un an de silence Ben Laden n’a pas hésité à manier la chicotte pour planter le décor de sa première intervention publique. Après le 11-Septembre, souligne-t-il, Al-Qaïda n’a pas reculé d’un iota dans ses chevauchées meurtrières car, pour ce qui concerne «des attentats aux Etats-Unis (…) les opérations sont en préparation et vous verrez chez vous dès qu’elles seront au point». L’ex-élève taliban ajoute même - pour narguer sans doute l’administration Bush - que les mesures de sécurité prises aux Etats-Unis ne sont pas des freins à l’élaboration d’attentats dont son mouvement serait le maître-d’œuvre.
En outre, jouant sur le registre du «diviser pour régner» Ben Laden note que le président américain est en total déphasage avec les besoins exprimés par son peuple qui réclame le départ des Marines et des GI’s d’Irak. George Bush «n’est pas d’accord avec ce souhait et dit que le retrait des troupes constituerait un mauvais signal adressé à l’ennemi».
Dans une autre lecture volontairement orientée le chef du mouvement terroriste estime que les opérations militaires américaines en Irak et en Afghanistan «augmentent (en) faveur» d’Al-Qaïda et son combat et surtout qu’elles favorisent notamment sur le sol irakien «le recrutement des Moudjahidine». Ces derniers persécutés par Bush et son armée, dit-il, ont su «surmonter les mesures de sécurité prises par les forces, ce qui a eu pour résultats les explosions que vous avez pu constater dans de grandes capitales européennes». Allusion vraisemblablement aux attentats perpétrés le 7 juillet 2005 à Londres et accessoirement à ceux de Madrid.
La chicotte et la carotte
Dès diffusion de la bande audio, les spécialistes de la Maison Blanche ont pu authentifier la voix entendue et selon eux celle-ci correspond bien au timbre vocal de Ben Laden. Une authentification qui met fin aux informations et autres rumeurs sur la mort de ce dernier. Elle montre aussi qu’avec ses allusions sur les attentats en Europe et notamment ses commentaires sur les propos de George Bush, l’enregistrement de Ben Laden n’aurait pu être réalisé qu’en décembre 2005. Car le 29 novembre, Bush avait indiqué au journal El Paso, qu’un retrait des troupes américaines d’Irak serait une «énorme erreur», «un mauvais message aux troupes» et aux «ennemis». En outre une présentatrice d'Al-Jazira a révélé que le message avait été enregistré à un moment qui, selon le calendrier musulman, correspond au mois de décembre.
Menaçant Ben Laden a aussi manié la carotte. A ses adversaires déclarés, il propose contre toute attente, «une longue trêve sur la base de conditions équitables, et que nous respecterons (…) une trêve qui offre la sécurité, la stabilité et la reconstruction de l’Irak et de l’Afghanistan détruits pas la guerre». Cette trêve, selon l’expression arabe «hudna» utilisée par Ben Laden, ne signifie pas toutefois la fin des hostilités, elle est juste une pause. Et ironique, il ajoute que sa hudna «n’a aucun inconvénient, si ce n’est qu’elle prive les personnes influentes et les seigneurs de guerre en Amérique de centaines de milliards de dollars».
Washington refuse la trêve...
La réaction américaine ne s’est pas fait attendre. Après l’audition du discours du chef terroriste, Washington a clairement indiqué que l’administration Bush ne «baisserait pas la garde» face au «danger mortel» que constitue Al-Qaïda.
«Nous ne négocions pas avec les terroristes. Je pense que nous devons les détruire. C’est la seule façon de les traiter», a déclaré jeudi sur la chaîne Fox News le vice-président américain Dick Cheney. De son côté le porte-parole de la Maison Blanche, Scott Mc Clellan, a insisté sur toute la détermination des USA à «mettre hors d’état de nuire», Al-Qaïda et ses affidés.
L’administration américaine est d’autant plus virulente qu’elle voit dans l’intervention de Ben Laden un signe de faiblesse de son mouvement. De fait, depuis le 11-Septembre la traque a conduit à l’arrestation de plusieurs de ses dirigeants «nous avons déjà amené devant les tribunaux trois quarts des chefs de Al-Qaïda. Et nous n’allons pas lâcher prise. (…) Nous allons continuer à les traquer où qu’ils soient. (…) Et nous allons gagner cette guerre contre le terrorisme», a assuré Mc Clellan.
... et ne veut pas lâcher prise
Déjà le 13 janvier, en recherchant le numéro deux d’Al-Qaïda, l’Egyptien Ayman al-Zawahiri, l’armée américaine avait lancé une attaque aux missiles dans le Nord de la zone tribale pakistanaise à quelques kilomètres de l’Afghanistan. Elle avait réussi à tuer l’Egyptien Midhat Mursi, alias Abou Khabab al-Masri, qui était sous le coup d’un avis de recherche assorti d’une récompense de 5 millions de dollars. Deux autres membres, Abou Obaidah al-Masri, chef des opérations d’Al-Qaïda de la province afghane de Kunar et Abdur Rehman al-Maghribi, présenté comme gendre de al-Zawahiri, ont également été tués.
Si Ayman al-Zawahiri - visé par l’assaut militaire - n’a pas été arrêté, l’attaque américaine témoigne au moins qu’en dépit d'une actualité tournée vers d’autres pôles de tension comme l’Irak, la Palestine, l’Iran ou Israël, l’administration Bush n’a jamais cessé ses recherches en vue de capturer les dirigeants d'Al-Qaïda.
Reste que depuis quatre ans Ben Laden vit «au fond d’une grotte quelque part», selon Dick Cheney et son lieutenant Ayman al-Zawahiri échappent aux différents raids américains. La traque de ces deux hommes mobilise des milliers de soldats américains qui régulièrement ratissent les frontières afghanes et ponctuellement entreprennent des recherches du côté pakistanais de la frontière sans pour autant mettre le grappin sur les deux «wanted» localisés, dit-on, à la frontière pakistano-afghane.
Une chose semble cependant certaine, en décidant de réapparaître après le raid américain du 13 janvier, Ben Laden prouve ainsi qu’il est toujours à la tête de la nébuleuse Al-Qaïda et que son combat contre « «les croisés et les apostats» n’est pas terminé.par Muhamed Junior Ouattara
Article publié le 20/01/2006 Dernière mise à jour le 20/01/2006 à 20:02 TU