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Tuberculose

56 milliards : un investissement qui en vaut la peine

Un patient souffrant de la tuberculose se fait soigner à l'hôpital de Tugela Ferry en Afrique du Sud. La maladie est la première cause de mortalité chez les personnes infectées par le VIH.(photo : AFP)
Un patient souffrant de la tuberculose se fait soigner à l'hôpital de Tugela Ferry en Afrique du Sud. La maladie est la première cause de mortalité chez les personnes infectées par le VIH.
(photo : AFP)
Il est possible de sauver 14 millions de vies d’ici 2015 en améliorant la lutte contre la tuberculose. Pour y parvenir, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ses 400 partenaires (ONG, donateurs, organisations internationales) proposent un nouveau plan mondial contre cette maladie qui fait environ 2 millions de victimes chaque année. Celui-ci définit le montant des investissements nécessaires (56 milliards de dollars) et le cadre des interventions indispensables pour améliorer le dépistage, limiter les infections, élargir l’accès au traitement et réduire la mortalité due à la tuberculose. Deux régions doivent faire l’objet d’efforts particuliers : l’Europe de l’Est où l’on observe un phénomène inquiétant de multirésistances aux traitements, et l’Afrique subsaharienne où la tuberculose et le sida conjuguent leurs effets.

La fin justifie les moyens. C’est en tout cas ce qu’affirme le partenariat «Halte à la tuberculose» qui vient de présenter un nouveau plan d’action contre la maladie dans lequel l’évaluation des besoins est triplée par rapport au précédent. Avec 56 milliards de dollars sur dix ans (2006-2015), il estime que l’on peut atteindre l’objectif qui consiste à réduire de moitié la prévalence et la mortalité, par rapport aux chiffres de 1990. Et pourquoi pas préparer le terrain afin de réussir, d’ici 2050, à éradiquer la maladie.

Pour le moment, on en est encore loin. La tuberculose ne ralentit pas sa course meurtrière, au contraire. Cette maladie contagieuse qui infecte les poumons et se transmet par voie aérienne, tue chaque jour environ 5 000 personnes dans le monde. Et tous les ans, on dénombre quelque 9 millions de nouveaux cas, parmi lesquels 2,5 millions sont recensés en Afrique subsaharienne. Contrairement à ce que ces chiffres laissent supposer, le bilan du premier plan de lutte contre la tuberculose, qui concernait les années 2001-2005, a été plutôt satisfaisant. Il apparaît, en effet, que durant cette période la stratégie DOTS (Directly Observed Traitements, Short-course), qui prévoit notamment la mise en œuvre de plans nationaux de lutte contre la tuberculose et préconise des schémas thérapeutiques, a été plus largement appliquée. Dans les 22 pays les plus touchés par la maladie, le nombre de patients ayant bénéficié de la stratégie DOTS a doublé et le total des dépenses consacrées à la lutte anti-tuberculeuse est passé de 800 millions de dollars à 1,2 milliard. Ces résultats sont jugés encourageants par l’OMS. Reste que pour aller plus loin, il est nécessaire de poursuivre les efforts mais surtout de cibler les actions sur les domaines fondamentaux.

Les médicaments représentent 10% du coût du traitement

Dans le cas de la lutte contre la tuberculose, ce n’est pas le prix des médicaments qui représente le principal obstacle à l’accès aux traitements. Le docteur Nils Billo, directeur exécutif de l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, explique que «pour 6 mois, le traitement d’un malade revient à environ 100 dollars –ce montant varie suivant les pays- mais que les médicaments ne représentent que 10 à 13 dollars, soit environ 10% du total». Ce qui coûte particulièrement cher, «c’est la logistique autour du malade», explique le docteur Léopold Blanc, coordonnateur de l’unité tuberculose de l’OMS.

La réussite des traitements contre la tuberculose réside, en effet, en grande partie dans la bonne délivrance des médicaments et le suivi régulier du patient. Ce qui suppose à la fois l’existence d’infrastructures sanitaires accessibles (hôpitaux, laboratoires) et de personnels médicaux formés en nombre suffisant. C’est la raison pour laquelle l’une des priorités est, pour les années à venir, d’aider les pays à améliorer leurs systèmes de santé. Nils Billo estime qu’il s’agit d’une réelle «priorité», notamment en Afrique. De son point de vue, il est indispensable de soutenir les efforts des Etats, notamment en réduisant les contraintes budgétaires imposées par les institutions internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international : «Un pas en avant serait d’abandonner les dettes».

L’amélioration des systèmes de santé est d’autant plus importante en Afrique que l’un des enjeux est, dans cette région, de réussir à lutter à la fois contre la tuberculose et le sida. La coexistence de ces deux maladies est, en effet, particulièrement dangereuse. Le sida est devenu le principal responsable de la hausse de l’incidence de la tuberculose durant les dix dernières années sur le continent. Et la tuberculose est la première cause de mortalité chez les personnes infectées par le VIH. Le plan mondial prévoit d’ailleurs une ligne budgétaire spécifique de 7 milliards de dollars pour les actions qui ciblent de manière combinée les deux maladies. Il s’agit, par exemple, de fournir un traitement antirétroviral à 3 millions de patients infectés par le VIH et le bacille de la tuberculose.

31 milliards de dollars restent à trouver

En Europe de l’Est, ce sont les phénomènes de multirésistances qui représentent le domaine d’action prioritaire en matière de lutte contre la tuberculose. Nils Billo explique que dans cette région, la situation s’est dégradée durant les 20 dernières années en raison de la «mauvaise gestion des traitements». Des traitements partiels ou interrompus peuvent, en effet, être à l’origine de l’apparition de pharmacorésistances. Et dans ce cas, le bacille devient beaucoup plus difficile à combattre et le phénomène de contagion plus dur à contrôler. Le partenariat mondial estime donc que d’ici 2015, 6 milliards de dollars devront être consacrés à la stratégie DOTS-Plus, destinée à prendre en charge les formes résistantes de la maladie.

Les objectifs et les moyens de la lutte contre la tuberculose sont aujourd’hui identifiés. Le montant des financements nécessaires dans les 10 prochaines années aussi. Reste que sur les 56 milliards de dollars évoqués dans le plan mondial, seuls 25 sont disponibles à partir des budgets actuels dédiés à cette action par les pays et les donateurs. Il faudra donc trouver 31 milliards supplémentaires pour relever le défi lancé par le partenariat «Halte à la tuberculose».


par Valérie  Gas

Article publié le 27/01/2006 Dernière mise à jour le 27/01/2006 à 18:24 TU