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Union européenne

Fronde polonaise sur la TVA

Malgré le veto de la Pologne, le taux de TVA à 5,5% pour les travaux d'entretien et de rénovation des bâtiments continuera à s'appliquer en France.(Photo : Darya Kianpour/RFI)
Malgré le veto de la Pologne, le taux de TVA à 5,5% pour les travaux d'entretien et de rénovation des bâtiments continuera à s'appliquer en France.
(Photo : Darya Kianpour/RFI)
Varsovie a mis l’Union européenne dans l’embarras en opposant son veto à une baisse de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) que 9 pays voulaient prolonger pour donner du dynamisme notamment à leur secteur du bâtiment. En fait, la Pologne cherche à monnayer son ralliement à cette mesure.

« Nous espérons toujours que la Pologne rejoindra l’accord », a déclaré Maria Assimakopoulou, porte-parole du commissaire européen à la Fiscalité. « Si nous n’avons pas d’accord, tout le monde y perdra, y compris la Pologne », a encore ajouté la représentante du commissaire européen.

Avant le veto polonais, la présidence autrichienne avait réussi à rassembler 24 pays sur les 25 de l’Union, sur un compromis. Le but était de prolonger jusqu’en 2010 un taux réduit de Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour des secteurs « à haute intensité de main-d’œuvre ». Les travaux de rénovation de logements, les soins à domicile, la coiffure, les petits services de réparation, le ménage dans les habitations privées, sont les activités de service les plus concernées.

Dans 9 pays de l’Union européenne (France, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Pays-Bas, Belgique, Grèce, Luxembourg et Portugal) ces activités de service bénéficient depuis plusieurs années d’une TVA à taux réduit. En France, baisser la TVA à 5% a permis de stimuler l’activité économique, notamment dans les services et dans le bâtiment, des domaines estimés à fort potentiel. La France, l’Italie, le Portugal et la Grèce ont par exemple choisi de baisser la TVA sur les aides à domicile. Les réductions de TVA varient de 5 à 10% selon les pays. En principe, ces mesures transitoires ont pris fin le 31 décembre dernier. Dans tous les domaines concernés, la TVA devrait désormais remonter à 19,6% du montant des factures si aucune autorisation nouvelle n’est donnée par la Commission de Bruxelles.

Du donnant donnant

Pour ne pas handicaper une croissance européenne molle, la quasi-totalité des pays membres de l’Union avait réussi à se mettre d’accord pour prolonger cette mesure. Même la République tchèque et Chypre se sont ralliés au dernier moment à ces réductions de TVA. En contrepartie, les deux pays ont obtenu l’autorisation de continuer à baisser leur fiscalité dans la construction de logements neufs et pour les installations de chauffage. Cette mesure devait disparaître en 2007. Elle est reconduite jusqu’en 2010.

La Pologne seule a fait capoter l’accord. Et si Bruxelles cherche un compromis avec Varsovie, le gouvernement français de son côté s’est tout de suite voulu rassurant auprès des professionnels concernés. Mardi matin, plusieurs organisations, représentant les différents secteurs bénéficiant de cette TVA à 5,5 %, ont fait part de leur inquiétude, notamment le secteur du bâtiment, le plus emblématique de tous. Si les 25 étaient tous d’accord, la baisse devait être prorogée jusqu’à la fin 2010.

En France, les factures pour des travaux de rénovation dans les logements vont continuer, jusqu’à nouvel ordre, d’appliquer la TVA à 5,5%. Les professionnels du bâtiment français l’ont indiqué après avoir été reçus à Matignon. Pour sa part, le ministre délégué à l’Emploi, Gérard Larcher, a souhaité que le conflit avec la Pologne débouche sur des solutions « pour ne pas gommer la dynamique en matière d’emploi et de lutte contre le travail illégal ».

La mesure a été décidée il y a 6 ans et aujourd’hui, la Confédération française de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capebnt) estime que le relèvement de la TVA à 19,6% se traduirait par la destruction de 66 000 emplois. Les neuf pays appliquant la baisse de la TVA représentent 200 millions d’habitants. Une dérogation qui a permis, selon les autorités françaises, de lutter contre le travail au noir et de créer des emplois essentiellement dans le secteur de la rénovation.

Dans un communiqué diffusé lundi soir, le ministère polonais des Finances a expliqué les raisons du veto de son pays sur la prolongation de la baisse de la TVA souhaitée par 9 pays. Il serait inéquitable qu’ils en bénéficient jusqu’en 2010 alors que les derniers arrivés dans l’Union doivent perdre, fin 2007, des exceptions du même genre obtenues pour un temps plus limité au moment de leur adhésion.

Trois ans seulement de réduction de la fiscalité pour les derniers arrivés au sein de l’UE, contre six ans déjà passés pour des pays membres plus anciens : la Pologne veut obtenir un traitement plus « équitable ». En ce qui la concerne, elle voudrait un allongement de la période de baisse de la TVA applicable dans la construction de logements neufs. Cette baisse arrive à son terme, en principe, en 2007.

Une remise à plat des TVA

Cette échéance de 2007 sera peut-être la date à laquelle se fera un accord. La Pologne serait plus tranquille si elle obtenait d’avance un délai supplémentaire sur la baisse de la TVA dans la construction de logements neufs. Et les neuf pays dont la France, au pied du mur aujourd’hui, gagneraient deux ans. Les secteurs concernés pourraient respirer. Le gouvernement français, en plus, passerait le cap de l’élection présidentielle sans craindre le désaveu des petites entreprises. Mi-2007, doit également sortir une étude sur l’impact d’une baisse de la TVA dans le secteur de la restauration, baisse que la France réclame depuis plusieurs années sans succès. Et enfin, faire coïncider la fin de toutes ces mesures exceptionnelles permettrait de remettre à plat le rôle de la Taxe sur la valeur ajoutée.

Pour le moment, la Pologne est montrée du doigt car elle a pris la responsabilité de s’opposer, seule, à un accord pris par tous ses partenaires. A Varsovie, des analystes estiment que, sur le fond, le gouvernement n’a pas tort en pointant la différence de traitement entre les pays. Mais « une nouvelle fois, la Pologne fait mauvaise impression en envoyant un signal négatif quant à ses capacités de compromis », estime une analyste de Citibank Handlowy qui ajoute : « Cette attitude est en contradiction avec l’idée même de l’Europe commune, même si chaque membre de l’UE a le droit de défendre ses propres intérêts ».

Mardi en fin d’après-midi, la Pologne annonçait qu’elle réduisait ses exigences et se disait prête à trouver un compromis avec ses partenaires. Ce nouvel épisode, en tout cas, montre une fois encore la difficulté, pour une Europe à 25, de fonctionner avec les institutions actuelles. Edouard Balladur a d’ailleurs déclaré que « l’Europe ne peut pas fonctionner à 25 ou 27 avec les institutions actuelles. Il faudra se décider à choisir : ou bien on fait une très grande Europe à 30 ou 35, qui est uniquement un marché commercial. Ou bien on veut faire une Europe plus organisée. Cela veut dire qu’on se décide à la majorité en tenant un compte plus juste des populations respectives de chaque Etat », a expliqué l’ancien Premier ministre.       


par Colette  Thomas

Article publié le 31/01/2006 Dernière mise à jour le 31/01/2006 à 18:13 TU