Irak
Nouvelle vidéo de l’otage Jill Carroll
(photo : AFP)
Voilée, fatiguée et en pleurs… Voilà comment est apparue la journaliste Jill Carroll, prisonnière d'un groupe armé clandestin irakien, les « Brigades de la vengeance », dans une vidéo d’une quarantaine de secondes datée du 28 janvier et diffusée deux jours après. Selon la voix «off» d’une présentatrice de la chaîne qatariote Al-Jazira, Jill Carroll, dont on n’entend pas la voix, exhorte les Américains à libérer «toutes les détenues irakiennes» dans les prisons américaines et irakiennes.
Dix jours après l’enlèvement, «les Brigades de la vengeance», un groupe armé jusqu’alors inconnu ayant revendiqué le rapt à Bagdad le 7 janvier, a menacé de mort la journaliste si les prisonnières irakiennes n’étaient pas libérées dans un délai de 72 heures. L’interprète de Jill Carroll avait déjà été tué lors de l’enlèvement.
Dans l’extrait diffusé le 30 janvier, Jill Carroll, toujours prisonnière, souligne que la libération des Irakiennes contribuerait à sa propre libération, a indiqué la voix de la présentatrice arabe d’Al-Jazira. La journaliste travaille régulièrement pour le magazine américain Christian Science Monitor, et pour d’autres publications américaines, jordaniennes et italiennes. Elle a été enlevée alors qu’elle s’apprêtait à rencontrer le ministre sunnite irakien Adnane Al-Doulaïmi. Selon lui, la libération des prisonnières irakiennes fera «tomber la pression» et interviendra «pour qu’aucun mal ne soit fait à la journaliste».
Libération d’Irakiens
De son côté, l’armée américaine a annoncé avoir libéré 419 otages Irakiens la semaine dernière, dont trois femmes. Mais ces libérations n’ont rien à voir avec les revendications des ravisseurs de Jill Carroll, a souligné l’armée américaine. Elles sont simplement survenues sur enquête d’une commission quadripartite composée d’une Force multinationale, des ministères irakiens de la Justice, de l’Intérieur et des droits de l’Homme. Selon les précisions de l’armée américaine, six Irakiennes sont toujours détenues dans ses prisons.
Jill Carroll était déjà apparue une première fois le 17 janvier sur Al-Jazira. La vidéo muette, qui durait 20 secondes, ne montrait que le visage, le cou et les épaules de la journaliste, vêtue d'un sweat-shirt gris clair. Lors de sa 2e apparition sur la même chaîne, la journaliste a sollicité sa famille, ses collègues et les Américains du monde entier pour qu’ils demandent aux autorités militaires américaines et au ministère de l’Intérieur irakien d’œuvrer à la libération des Irakiennes, qui aboutirait à la sienne. De nombreuses interventions ont déjà été engagées en ce sens.
Mobilisation internationale
«Comme vous le savez, ma fille est honnête et sincère, et elle a bon cœur, a déclaré le père de la journaliste, Jim Carroll, dans un communiqué publié sur le site du Christian Science Monitor. L’homme s’est aussi exprimé sur Al-Jazira et l’autre chaîne arabophone, Al Arabiya. «Le respect [de ma fille] pour le peuple irakien a été démontré dans ses mots de journaliste. Jill a commencé à raconter votre histoire, s'il vous plaît, permettez-lui de la finir", a-t-il supplié. A travers les médias si nécessaire, indiquez à sa famille et à moi comment débuter un dialogue qui mènera à sa libération». Mais jusqu’à présent, aucun dialogue n’a été instauré avec le groupe armé. Le quotidien de Boston qui publie les articles de Jill Carroll a réagi à la dernière vidéo montrant Jill Carroll. «Quiconque est doté d'un cœur ne peut qu'être affligé de voir une femme innocente comme Jill Carroll traitée comme on le voit dans la dernière vidéo diffusée par Al-Jazira", écrivait son rédacteur en chef.
Des voix arabes se sont élevées dans le monde entier, à l’instar du Comité des oulémas sunnites d’Irak. Comme le ministre irakien Adnane Al-Doulaïmi, l’Observatoire islamique, une organisation défendant les musulmans à Londres, appelait «à épargner les journalistes quelle que soit leur nationalité». Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris, Djelloul Bouzidi, grand mufti de la mosquée de Paris ont pris part à une manifestation parisienne, au cours de laquelle plusieurs journalistes anciens otages défilaient. Florence Aubenas, otage en Irak pendant 157 jours, et Roger Auque, détenu près d’un an par le Hezbollah en 1987 au Liban, ont notamment appelé à la libération de leur consœur.
Reporters sans frontières (RSF), qui répertorie 77 journalistes et collaborateurs des médias tués depuis le début de la guerre en Irak et 35 otages dont cinq tués, a déclaré que la journaliste, même si elle était américaine, «n’était pas responsable de la politique de son pays». «Elle est là pour faire son travail», a rappelé Florence Aubenas, reporter de Libération.
par Gaëtane de Lansalut
Article publié le 31/01/2006 Dernière mise à jour le 31/01/2006 à 18:41 TU