Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Economie

Mittal veut Arcelor très fort

Lors d’une conférence de presse, jeudi 2 février à Madrid, Lakshmi Mittal a réaffirmé que sa société n’avait «<em>pas l’intention de fermer des entreprises ni de supprimer des emplois</em>».(Photo : AFP)
Lors d’une conférence de presse, jeudi 2 février à Madrid, Lakshmi Mittal a réaffirmé que sa société n’avait «pas l’intention de fermer des entreprises ni de supprimer des emplois».
(Photo : AFP)
La mobilisation intense, au Luxembourg et en France, pour critiquer l’offre publique d’achat de Mitall Steel sur Arcelor n’empêche pas le dirigeant du numéro un mondial de l’acier, l’Indien Lakshmi Mittal, de poursuivre sa tournée d’explication auprès de tous les interlocuteurs européens intéressés par ce dossier. Déterminé à obtenir gain de cause, il se veut persuasif et ne désespère pas de mobiliser des soutiens autour de son offre. Après Luxembourg, Paris, Bruxelles, il s’est rendu à Madrid pour rencontrer le ministre espagnol de l’Economie, Pedro Solbes.

Lakshmi Mittal continue son bonhomme de chemin européen. Peut-être pas comme si de rien n’était mais néanmoins avec beaucoup de détermination. Il a pris acte des attaques lancées par les gouvernements luxembourgeois et français contre l’OPA de Mittal sur Arcelor. Mais sans manifester pour autant le moindre signe d’affaiblissement dans sa volonté de mener à bien ce rachat : «Je ne suis pas effrayé par les réactions politiques, elles m’attristent». Et sans perdre espoir de changer la donne : «Les commentaires des hommes politiques s’expliquent par le fait que nous ne leur avons pas encore expliqué notre plan industriel. Cela viendra le moment venu».

En homme d’affaires expérimenté, Lakshmi Mittal sait qu’il n’est pas de son intérêt de surenchérir dans la polémique. Il fait campagne de manière très diplomatique auprès des responsables politiques. Et si lors de ses premières démarches, il n’a pas réussi à susciter l’adhésion des Luxembourgeois et des Français à son projet d’OPA, rien n’est joué pour le moment. D’autant que les réactions des autres Etats européens impliqués ont été plus nuancées que celles de Paris et de Luxembourg.

L’Espagne suit, la Belgique attend

En Espagne, où Lakshmi Mittal s’est rendu jeudi, le ministre de l’Economie Pedro Solbès a certes annoncé que son pays n’était «pas favorable» à l’OPA et qu’il s’alignerait sur le Luxembourg et la France. Mais le président de Mittal avait tout de même estimé auparavant que la position des Espagnols était «neutre et plus compréhensive». Un point de vue, semble-t-il, partagé par l’un des deux grands syndicats espagnols, Commissions Ouvrières (CCOO), qui a déclaré n’être «pas fier» de la position «timide» du gouvernement de son pays. En Belgique, les responsables ont estimé qu’il était urgent d’attendre pour prendre une décision. L’Etat qui est détenteur de 2,3% des actions d’Arcelor, a demandé à une banque conseil une expertise sur la proposition de Mittal, afin de faire le choix le plus «rationnel possible». Pas question donc de monter bille en tête au créneau contre l’OPA menée par le numéro un de la métallurgie mondiale.

Du côté de la Commission européenne, Lakshmi Mittal a aussi obtenu des résultats plutôt satisfaisants. Il a rencontré, mercredi, les commissaires à la Concurrence et à l’Industrie, Nelly Kroes et Günter Verheugen, pour leur expliquer ses intentions. A défaut d’avoir obtenu des encouragements, il est reparti de Bruxelles avec la certitude que la Commission ne rentrerait pas dans la polémique politique sur ce dossier et s’en tiendrait à examiner la conformité de la fusion avec les réglementations européennes, en matière de concurrence notamment. Ce qui représente plutôt un élément positif dans le contexte actuel. Lakshmi Mittal a d’ailleurs promis de présenter son projet à la Commission sous quinze jours.

Même si ce sont les détracteurs de l’OPA qui se sont fait le plus entendre, la tentative de rachat d’Arcelor ne provoque pas que des réactions de rejet en Europe. Certains se sont même émus de la virulence de la campagne politico-médiatique contre le projet de fusion de Mittal. Le ministre britannique du Commerce et de l’Industrie, Alan Johnson, a d’ailleurs donné une petite leçon de libéralisme à ses partenaires européens défenseurs du patriotisme économique : «Il y a des partisans du protectionnisme parmi nos plus proches voisins européens. Le mesures visant à protéger certains secteurs industriels clefs des OPA étrangères, là où il n’y a pas d’enjeu pour la sécurité nationale, sont vaines et vont à l’encontre du but recherché». Contrairement à la Fédération européenne de la métallurgie, la United Steelworkers International Union, le syndicat international des sidérurgistes, s’est prononcé en faveur de l’OPA de Mittal et a déclaré : «Le secteur de l’acier a besoin de bien plus de fusions afin de rester fort à long terme».

Cet argument est au cœur de la stratégie de Mittal selon laquelle la complémentarité qui existe avec Arcelor peut permettre aux deux groupes de sortir renforcés d’une fusion. Dans sa campagne d’explication sur ce thème, Lakshmi Mittal a reçu jeudi le soutien du directeur général du site de Mittal Steel à Gandrange, Bernard Lauprêtre, qui a déclaré que le regroupement des deux sociétés pourrait «être une bonne opportunité de voir se constituer un champion européen» capable de résister aux Chinois ou aux Brésiliens. Et de citer en exemple les «synergies» envisageables avec le site tout proche d’Arcelor à Florange, notamment pour limiter les coûts de transports ou réexaminer le plan de suppression de 1 500 emplois prévu d’ici 2010 dans cette usine. Une manière d’aborder le problème susceptible de sensibiliser les syndicats d’Arcelor que le président de Mittal doit rencontrer dans les dix prochains jours.

L’Inde s’en mêle

Lakshmi Mittal a aussi reçu le soutien du gouvernement indien qui a manifesté son mécontentement face aux attaques subies par le groupe dirigé par l’un de ses ressortissants à l’occasion de cette affaire. Kamal Nath, le ministre du Commerce et de l’Industrie, s’en est surtout pris à la France en déclarant que «l’Inde suit de très près l’issue de l’offre d’achat d’Arcelor faite par Mittal Steel, les commentaires qu’elle inspire et les réactions du gouvernement français sur cette affaire». Il a mis Paris face à ses contradictions : «C’est une affaire entre deux groupes, et lorsque Lafarge a repris une bonne partie de notre industrie du ciment, le gouvernement indien lui a fait bon accueil».

Ces critiques semblent avoir incité Thierry Breton à revoir son discours sur le dossier Mittal. Le ministre français de l’Economie a précisé, jeudi, que «la nationalité des actionnaires n’a strictement rien à voir dans cette affaire». Il a même rappelé que Mittal était elle aussi «une entreprise européenne» [Elle est, en effet, basée aux Pays-Bas]. Mais surtout, il a affirmé de manière assez surprenante après ses propos de ces deniers jours, que l’OPA sur Arcelor faisait partie «de la vie normale des affaires» et qu’«in fine, ce sont les actionnaires qui vont décider, pas les Etats». Il ne faudrait pas, en effet, que ce dossier vienne interférer dans la visite que le président Chirac doit effectuer en Inde, les 19 et 20 février prochain. La politique est un art difficile où il ne faut pas perdre de vue que les intérêts du jour ne sont pas forcément ceux du lendemain. Lakshmi Mittal l’aura certainement noté. Guy Dollé, le président d’Arcelor, aussi.


par Valérie  Gas

Article publié le 02/02/2006 Dernière mise à jour le 02/02/2006 à 17:44 TU