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Nucléaire

L'AIEA transmet le dossier iranien au Conseil de sécurité de l'ONU

Le chef de la mission iranienne à Vienne Javad Vaïdi a qualifié la décision de l'AIEA « <em>d’erreur historique </em>».(photo : AIEA)
Le chef de la mission iranienne à Vienne Javad Vaïdi a qualifié la décision de l'AIEA « d’erreur historique ».
(photo : AIEA)
Par 27 voix sur 35, le Conseil des gouverneurs de l'AIEA réuni samedi matin à Vienne, en Autriche, a décidé de saisir le Conseil de sécurité des Nations unies sur la question du nucléaire iranien. En conséquence, Téhéran estime remise en question la proposition russe d'enrichir son uranium et informe de son intention de limiter sa coopération avec l'AIEA.

«Le ton de la patience est passé avec Téhéran», avait prévenu samedi matin la chancelière allemande Angela Merkel, au cours d’une conférence sur la sécurité à Munich avec les différents ministres de la défense du monde occidental, une sorte de «Davos de la défense». «L’Iran a franchi expressément la ligne rouge, avait ajouté la dirigeante, et ne mérite pas la moindre tolérance» sur son programme nucléaire. Celui-ci constituerait une «menace pour le monde» si Téhéran parvenait à se doter d’armes nucléaires. Il est reproché à l’Iran de chercher à obtenir une technologie susceptible d’être utilisée pour des buts militaires, sous couvert d’un programme énergétique civil. En effet, l'uranium enrichi, que l'Iran souhaite se procurer, peut servir à produire de l'énergie civile, mais aussi à fabriquer la bombe atomique. Le vote des gouverneurs de l’AIEA, qui devait envoyer le dossier iranien à l'ONU, a été retardé de plusieurs heures, à la suite d'une demande de l'Egypte de mentionner la dénucléarisation du Proche-Orient. Israël est le seul pays de la région soupçonné d'être doté de l'arme nucléaire. Après quelques heures de tractations, la décision du Conseil des gouverneurs de l’AIEA est tombée : 27 des 35 pays membres ont décidé de renvoyer au Conseil de sécurité le dossier du nucléaire iranien, adoptant ainsi la résolution présentée par l’Union européenne, soutenue par la Chine et la Russie. Il y a eu cinq abstentions (Algérie, Bélorussie, Indonésie, Libye et Afrique du Sud) et trois votes contre (Cuba, Syrie et Venezuela).

L’ONU est la seule instance compétente pour décréter d’éventuelles sanctions contre l’Iran. Ainsi, cette décision va «envoyer un message de plus de fermeté à la République islamique, un message de préoccupation (...) et de défiance à l'égard des intentions iraniennes en matière nucléaire. Le Conseil a décidé de porter (ce dossier) à l'attention du Conseil de sécurité (...) de manière à ce que, lors de sa prochaine session de l'AIEA (le 6 mars), le Conseil de sécurité puisse, le cas échéant, exercer de nouvelles pressions sur l'Iran», a fait savoir le représentant britannique au Conseil des gouverneurs de l'AIEA, Peter Jenkins, au nom de la «troïka» européenne (Allemagne, France et Grande-Bretagne).

L'AIEA n'est pas désaisie du dossier iranien, puisque son directeur, Mohamed ElBaradei, indique que son Agence produira un nouveau rapport début mars. La décision de l'ONU n'aura pas lieu avant la production de ce rapport, a rappelé le directeur de l'AIEA. D'ici là, l'Agence demande à l'Iran de suspendre à nouveau toutes ses activités d'enrichissement d'uranium, à commencer par ses recherches sur le sujet amorcées depuis le 10 janvier, de renoncer à un réacteur produisant du plutonium, de répondre avec «transparence» à une série de questions non éclaircies et de ratifier rapidement le protocole additionnel au Traité de non-prolifération (TNP).

«Fin de la diplomatie» ?

Qualifiée «d’erreur historique» par le chef de la mission iranienne à Vienne, Javad Vaïdi, la décision de l’AIEA a provoqué une onde de choc au sein de la délégation iranienne, avec des déclarations divergentes. Comme elle l’avait annoncé, si son dossier était transmis à l’ONU, la délégation iranienne a immédiatement remis en question la proposition russe de purifier et de d’enrichir son uranium sur le sol russe, de lui fournir ainsi du combustible nucléaire et d’en récupérer les déchets. La délégation en informait par lettre l'AIEA, samedi après-midi. De son côté, la Russie a indiqué qu'elle maintenait sa proposition et qu'elle était toujours prête à en discuter. Toujours par lettre, la délégation iranienne devait informer que la République islamique reprendrait elle-même ses recherches d’enrichissement nucléaire à échelle industrielle, ce que l’AIEA avait toutefois déjà enregistré, avant sa décision de saisir le Conseil de sécurité. Mais la présidence iranienne a démenti catégoriquement cette reprise des activités d'enrichissement d'uranium. «Le président Mahmoud Ahmadinejad n'a pris aucune nouvelle mesure à ce sujet aujourd'hui», a déclaré samedi après-midi un porte-parole de la présidence.

La République islamique a réaffirmé son droit à fabriquer de l'uranium enrichi sur son sol. Mais il a souligné son intention de produire seulement de l'énergie nucléaire, pas de fabriquer des bombes atomiques. Les Iraniens sont cependant détenteurs de documents portant sur la production de pièces d'uranium «liée à la fabrication de composants d'armes nucléaires». C’est ce que mentionne un rapport de l’AIEA publié cette semaine, indiquant que ces documents ont été montrés aux experts de l’AIEA. Mais ce rapport pourrait bien être l’un des derniers écrits par des experts de l’AIEA, puisque Téhéran a annoncé qu’elle réduirait sa coopération volontaire avec cette Agence, en stoppant les inspections inopinées et poussées de ces experts de ses installations nucléaires.

Ali Larijani, principal dirigeant iranien en charge du nucléaire, avait indiqué que cette saisine signifiait «la fin de la diplomatie». A une éventuelle attaque contre ses installations nucléaires, l’Iran a averti qu'il riposterait et de «manière destructrice». Mais il existe une dernière «chance» pour ce pays qui a jusqu’au 6 mars «pour se conformer à la dernière résolution de l'AIEA en suspendant de nouveau intégralement ses activités d'enrichissement et de retraitement ainsi qu'en prenant les mesures adéquates pour répondre à toutes les questions posées par l'AIEA», a rappelé le secrétaire britannique au Foreign Office, Jack Straw.


par Gaëtane  de Lansalut

Article publié le 04/02/2006 Dernière mise à jour le 04/02/2006 à 18:36 TU