Energie
Le retour du nucléaire
(Photo : AFP)
Du nucléaire ou des feux de cheminée. La situation de la Géorgie privée de gaz russe depuis 48 heures pour cause d’explosion du pipeline qui l’approvisionne, illustre bien les dangers de la dépendance énergétique. Le jour où la source est tarie, ou les tuyaux d’acheminement endommagés, électricité, chauffage… tout peut s’arrêter d’un coup. En l’espace de quelques heures, les Géorgiens ont fait le dur apprentissage de la pénurie. Certes, cette situation ne devrait pas durer. Le pipeline va finir par être réparé. Néanmoins, cela permet de se rendre compte de la fragilité des pays qui importent la majeure partie de leur énergie.
A l’heure où la consommation ne cesse d’augmenter, en Europe et ailleurs, cette donnée implique inévitablement une réflexion sur la manière de gérer la politique énergétique dans les années à venir. L’initiative française, présentée par Thierry Breton à Bruxelles le 24 janvier, devant les ministres de l’Economie et des Finances de l’Union, s’inscrit dans cette démarche. Elle vise, comme il l’a expliqué, à trouver «des solutions favorisant la mise en place de systèmes énergétiques plus sûrs et plus durables», donc à mieux maîtriser «la situation de plus en plus tendue au niveau mondial entre l’offre et la demande de pétrole et de gaz naturel, et l’impact qui en résulte sur les prix de l’énergie». Pour y parvenir, la France propose donc notamment de mettre le nucléaire civil au goût du… «futur». Et elle invite les partenaires européens à réfléchir sur cette option, dans l’espoir de les voir l’accompagner dans son projet de politique européenne de l’énergie.
Diminuer la dépendance
Le nucléaire présente, en effet, un certain nombre d’avantages. A commencer par celui de permettre de diversifier les sources d’approvisionnement et donc de diminuer la dépendance vis-à-vis des pays producteurs d’énergies fossiles. Donc d’éviter les interruptions de ravitaillement en cas de soubresauts politiques ou d’actions terroristes dans les Etats fournisseurs, et aussi de se prémunir contre les hausses immodérées des prix. Mais ce n’est pas le seul. Le nucléaire est aussi présenté comme une énergie capable de limiter les dégradations environnementales liées aux émissions de gaz à effets de serre qui provoquent le réchauffement climatique. Il fait, en outre, partie des solutions susceptibles de permettre de pallier, le jour venu, le tarissement des ressources en pétrole ou en gaz.
Face à cet argumentaire en faveur du retour en force du nucléaire sur la scène énergétique européenne, les détracteurs de cette option ne manquent pas d’arguments. Le danger que représentent les centrales nucléaires est évidemment mis en avant. Le souvenir de l’accident de Tchernobyl est encore suffisamment présent dans tous les esprits pour montrer les risques que les centrales font courir aux populations. D’autre part, la gestion des déchets radioactifs, hautement toxiques, demeure un véritable problème. La solution qui consiste à les enfouir n’est pas satisfaisante puisqu’on ne mesure pas les conséquences environnementales de cette pratique à long terme.
Blair lance une consultation publique
Si la question du recours au nucléaire revient en force actuellement, c’est bien évidemment en partie à cause de la flambée des prix du pétrole et du gaz (57 % de l’énergie utilisée dans le monde). Mais c’est aussi parce que des choix stratégiques doivent être réalisés sans tarder. A savoir construire, ou pas, de nouvelles centrales nucléaires. En Grande-Bretagne, c’est en raison de cet impératif que Tony Blair vient de lancer une consultation publique sur la politique énergétique nationale et s’est astreint à présenter tous les enjeux de la question à ses concitoyens. Après avoir décidé en 2003 d’arrêter les investissements dans le nucléaire, le Premier ministre britannique estime aujourd’hui que cette option doit être réexaminée, au regard des besoins du pays dans les prochaines années et des limites du recours aux énergies renouvelables (solaire, éolienne, eau, biomasse).
En Allemagne et en Italie, où le nucléaire est unanimement rejeté par l’opinion, le débat commence à resurgir. Le président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, est lui aussi entré dans le débat en déclarant, le 19 janvier dernier, que l’Union européenne devait développer des énergies alternatives aux énergies fossiles et qu’«aucune option ne devait être exclue, pas même le nucléaire». Décidément, à défaut d’être entré au paradis des énergies, le nucléaire est en passe de sortir du purgatoire.
par Valérie Gas
Article publié le 24/01/2006 Dernière mise à jour le 24/01/2006 à 17:26 TU