France
CPE : Villepin gagne la première manche
(Photo: AFP)
La bataille du CPE n’a pas eu lieu. En dépit des blocages à répétition à gauche, et malgré l’exaspération non dissimulée à droite, le contrat première embauche (CPE) a en définitive été voté par 51 voix à droite contre 23 à gauche. Les débats ont été moins longs que prévus : les rangs de l’hémicycle étaient clairsemés et seul le groupe UMP, qui dispose à lui seul de la majorité absolue au Palais-Bourbon, était favorable au CPE. Autrement dit, « ce qui a été voté cette nuit par l'UMP c'est un amendement gouvernemental », a rappelé Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, qui a souligné qu'il restait encore 27 articles et 370 amendements à examiner avant que le projet de loi sur l'égalité des chances fasse l'objet d'un vote solennel, le 21 février.
Les députés de gauche et de l'UDF ont ferraillé, au cours des quelque vingt heures de discussion, contre ce contrat de première embauche à leurs yeux, « précaire ». Le ministre délégué à l’emploi, Gérard Larcher, a reconnu que « un CPE ne sera pas nécessairement le premier contrat ». C’est bien là que le bât blesse : un jeune pourra avec ce nouveau type de contrat, enchaîner différents CPE dans des entreprises différentes, ce qui l’« engage[ra] dans un processus infernal de rotation continue », comme l’estime Henri Emmanuelli, secrétaire national du PS chargé des états généraux du projet. Le contrat, signé pour deux ans, pourra être rompu par l’employeur sans que ce dernier ait à se justifier. Seuls les moins de 26 ans en bénéficieront, sans pour autant leur offrir la garantie d’un recrutement en CDI au-delà de cet âge limite. Il s’agit là d’un « démantèlement du code du travail », redoute l’ensemble de la gauche.
Jean-Pierre Brard (apparenté communiste ) a accusé le président UMP de l'Assemblée, Bernard Accoyer, d'avoir « fait le forcing » pour faire adopter l'amendement. De son côté, Bernard Accoyer a accusé l'opposition d'avoir multiplié les embûches à coups de rappels au règlement, de demandes de suspension de séance pour « retarder de façon considérable » les travaux « par une obstruction caricaturale et stérile, sans aucune contre-proposition ». De fait, deux jours à peine après la journée de mobilisation en demi-teinte -qui avait réuni mardi quelque 300 000 manifestants à travers toute la France- autour d’un seul mot d’ordre « Retrait du CPE ! », le gouvernement Villepin semble avoir pris de court l’ensemble des adversaires au dispositif. En tenant bon pour qu’il soit discuté jusqu’à son terme et voté en séance, le président de l’Assemblée a évité l’écueil du recours à l’article 49-3 de la Constitution au tournant duquel la droite était attendue de pied ferme par la gauche décidée à stigmatiser dans ce cas « la plus mauvaise des réponses à apporter à cette demande de débat », comme l’avait dit le porte-parole du PS, Julien Dray.
Les députés se prononceront sur l'ensemble du texte le 21 février
Le CPE voté, la gauche récuse l’idée d’un revers définitif tant que l’ensemble du projet de loi sur l’égalité des chances n’est pas examiné. « Nous avons décidé hier une grande semaine de mobilisation avec des distributions de tracts, et le lancement d'une pétition. On veut un million de signatures pour le retrait du Contrat première embauche », a déclaré Marie-Georges Buffet, secrétaire nationale du Parti communiste français (PCF). Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée, a déclaré au nom de son parti : « nous n’avons pas cédé (…) La bataille contre le CPE se poursuit dès maintenant ». Le premier secrétaire du PS, François Hollande a assuré quant à lui, jeudi, que « la bataille parlementaire contre le CPE continuera encore plusieurs semaines ». Henri Emmanuelli a également précisé : « La gauche attend les prochaines élections, c'est pour cela qu'on mobilise, notamment sur le contrat première embauche ».
Syndicats et mouvements étudiants doivent se retrouver vendredi dans le but de fixer une nouvelle journée d'actions. Parallèlement, l’examen du projet de loi doit se poursuivre jeudi, vendredi et tout le week-end si nécessaire. Le Parlement suspendant ses travaux la semaine prochaine à l'occasion des vacances d'hiver, les députés se prononceront sur l'ensemble du texte le 21 février, et le Sénat l’examinera à son tour à partir du 28 février. A moins que d’ici là le gouvernement coupe court et décide de recourir à l'article 49-3 de la Constitution, ce qu’il peut encore faire.
par Dominique Raizon
Article publié le 09/02/2006 Dernière mise à jour le 09/02/2006 à 18:07 TU