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Union européenne

Le retour de la directive Bolkestein

Des milliers d'Européens ont manifesté à l'occasion de l'examen de la nouvelle directive Bolkestein par le Parlement européen.(Photo : AFP)
Des milliers d'Européens ont manifesté à l'occasion de l'examen de la nouvelle directive Bolkestein par le Parlement européen.
(Photo : AFP)
Les députés européens commencent l’examen de la nouvelle version de la directive Bolkestein destinée à ouvrir le marché des services. Après les protestations du printemps, le texte a été remanié. Malgré cela, il n’est pas certain qu’une majorité se dégage jeudi pour adopter le texte. Mardi après-midi, des milliers de personnes sont venues manifester à Strasbourg à l’appel de la Confédération européenne des syndicats.

La manifestation s’est dispersée dans le calme. Ils étaient entre 30 000 et 40 000, venus à Strasbourg, pour marquer à leur façon l’ouverture de la séance plénière du Parlement consacrée à l’examen de la nouvelle directive Bolkestein. Ces Européens ont manifesté au sujet du contenu de cette directive. Elle est destinée à encadrer la libéralisation des services en Europe. Malgré une union de façade, puisque les syndicats ont défilé à l’appel de la Confédération européenne des syndicats, les leaders syndicaux, venus des 25 pays membres de l’Union, ne demandent pas tous la même chose. S’ils étaient dans le cortège sous la banderole : « Services For The People (Services pour les gens), il faut changer de direction », les représentants des syndicats européens ont pourtant des divergences sur le fond de ce texte. Certains soutiennent sa version remaniée, résultat d’un compromis entre députés socialistes et conservateurs du Parlement européen. D’autres syndicats demandent le rejet pur et simple du texte. C’est le cas notamment du syndicat français FO. Son secrétaire général, Jean-Claude Mailly, met en avant les nombreuses « zones d’ombre » de la directive Bolkestein nouvelle mouture. Les inquiétudes du leader syndical portent en particulier sur la manière dont sera contrôlée une entreprise lorsqu’elle travaillera dans un autre pays que le sien. Autre incertitude, le statut des services publics qui, en principe, échappent à cette directive.

Le principe du pays d’origine abandonné

Avec ce passage au Parlement européen, la directive est remise sur les rails dans une nouvelle version. Le principe du pays d’origine (PPE), qui avait tant fait débat, a été abandonné. Lorsqu’un Français ira travailler en Pologne ou si un Polonais vient travailler en France, le droit du travail dont il dépendra sera celui du chantier. C’est le droit du pays d’accueil.

Les oppositions avaient été fortes contre le principe du pays d’origine. Elles se résumèrent à la peur du plombier polonais. Forcément moins exigeant sur le salaire et sur les charges garantes de protection sociale, ce plombier allait faire des ravages sur le marché du bâtiment de la vieille Europe, grâce à ses tarifs imbattables.

L’abandon de la clause du pays d’origine, en cas « d’exportation » d’une activité de service, a fait reculer la crainte de dumping social. Pourtant comme les syndicats et les hommes politiques, les pays membres de l’Union ne sont pas tous d’accord sur le côté positif de cet abandon. La France, la Belgique et la Grèce y tiennent. Un nombre plus grand de pays membres (Pologne, Hongrie, République tchèque, Espagne, Pays-Bas et Royaume-Uni) voudraient revenir à la première version du texte, que le fameux principe du pays d’origine soit rétabli. La Pologne, qui détient le record du chômage en Europe avec un taux dépassant les 17% de la population active, selon les dernières chiffres d’Eurostat, souhaite que les Polonais puissent, sans contrainte, chercher du travail ailleurs.

L’approche de ces pays semble la plus libérale. Elle était celle de la Commission, avant le rejet du texte au printemps dernier, par plusieurs pays européens dont la France, rejet qui a certainement, en partie motivé le « non » aux référendums français et néerlandais. Mais Bruxelles veut faire tomber les obstacles protectionnistes pour stimuler le marché intérieur. L’autre argument est de faire de l’Union une entité économique de taille à affronter la mondialisation.

De nombreux services écartés

Comme il reste des réticences, une multitude de services sont écartés du champ de la nouvelle directive Bolkestein. Même si elle est adoptée par le Parlement européen, elle ne couvrira pas les systèmes de santé, les services publics de l’audiovisuel ou des transports, appelés services d’intérêt général. Dans le texte de compromis, les Etats membres gardent le droit de restreindre l’accès à leur marché en mettant en avant leur sécurité publique, la protection de l’environnement, la politique sociale et la protection des consommateurs. La libéralisation des services sera limitée.

La présidente du Medef, le syndicat du patronat français, s’est prononcée pour l’adoption, par les députés européens, de la nouvelle mouture de la directive Bolkestein. « Personnellement, cela ne me choque pas du tout que le droit du travail soit bien le droit du pays d’accueil, il aurait été imprudent d’envisager les choses autrement », a déclaré Laurence Parisot, présidente de ce syndicat . Elle a par ailleurs estimé que ce texte va « dans l’intérêt » des petites et moyennes entreprises françaises.

Avant même l’ouverture de la séance plénière du Parlement européen, la gauche française avait indiqué qu’elle ne voterait pas le texte de compromis. La campagne électorale du référendum sur la Constitution européenne a laissé des traces. A l’époque, la directive avait donné l’impression d’encourager le dumping social. Malgré la position des socialistes français, le président du groupe socialiste au Parlement européen s’est déclaré confiant d’obtenir « une large majorité » pour faire adopter ce compromis, négocié avec les députés conservateurs européens.

La manifestation de Strasbourg s’est dispersée dans le calme. Et lorsque la séance plénière des parlementaires a commencé, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a promis aux députés de « soutenir et reprendre » les éléments « constituant un pas en avant dans la réalisation d’un véritable marché intérieur des services et sur lesquels se dégagera une large majorité au sein de votre assemblée ».


par Colette  Thomas

Article publié le 14/02/2006 Dernière mise à jour le 14/02/2006 à 17:40 TU

Audio

Patrick Adam

Journaliste à RFI

«Dans la directive Bolkestein, le PPO, le Principe du pays d'origine, est supprimé. C'est-à-dire que le plombier polonais, s'il vient travailler en France, sera soumis au droit du pays d'accueil.»

[14/02/2006]

Evelyne Gebhardt

Rapporteur socialiste du nouveau texte de la directive Bolkestein

«Essayons de régler les problèmes qu'ont les prestataires de services, sans remettre en cause le droit du travail, les droits sociaux et tout ce qui fait la politique des Etats nationaux.»

[14/02/2006]

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