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Haïti

Préval, déclaré officiellement président

René Préval a été déclaré vainqueur de la présidentielle haïtienne du 7 février 2006, avec 51,15% des voix, évitant un second tour initialement prévu le 19 mars dans un pays troublé.(Photo : AFP)
René Préval a été déclaré vainqueur de la présidentielle haïtienne du 7 février 2006, avec 51,15% des voix, évitant un second tour initialement prévu le 19 mars dans un pays troublé.
(Photo : AFP)
René Préval, 63 ans, est devenu officiellement mercredi 15 février président de la République d’Haïti. Le candidat, qui était arrivé en tête du premier tour, ne devra donc pas se présenter à un second tour, après que la communauté internationale a décidé de changer en cours de route les règles du jeu de l’élection présidentielle, en redistribuant au prorata de chaque candidat en lice 85 000 bulletins blancs jugés suspects. « L’artifice » permet à René Préval d’être proclamé chef d’Etat d’Haïti, avec 51,15%, dès le premier tour.

Qu’est-ce qui a poussé la communauté internationale à changer les règles du jeu du comptage des voix entre le premier et le deuxième tour de la campagne électorale de la présidentielle haïtienne ? C’est certainement la montée de la tension sur l’île, qui a provoqué l’inquiétude des ambassadeurs du Brésil, du Canada, des Etats-Unis, de la France et du chef brésilien de la Mission de stabilisation des Nations unies en Haïti (Minustah), lesquels ont d’ailleurs pressé René Préval d’appeler mercredi soir au calme. Le dépouillement de 90% des voix avait accordé à l’ex-proche d’Aristide 48,76% des suffrages. Les 10% restants semblaient jouer en sa faveur, puisqu’ils représentent une base électorale à majorité pauvre dont il se réclame le défenseur.

Mais René Préval n’a pas voulu s’en tenir aux résultats définitifs de ce dépouillement classique du premier tour : bien que 200 observateurs internationaux aient estimé que l’élection avait été « libre », Préval a d’emblée récusé la tenue d’un second tour, accusant le processus électoral du premier tour d’être entaché d’« irrégularités », de « fraudes et d’erreurs grossières ». En ligne de mire : la quantité de bulletins blancs, qui totalisaient 4,67%, semblait « défier toute logique » et « ne collait pas avec l’expérience électorale de ce pays », a déclaré un proche du candidat. Résultat : devant le redoublement des violences sur l’île, et sachant que René Préval avait un écart déjà significatif avec le démocrate-chrétien Leslie Manigat, arrivé en deuxième position avec 11,83% des voix sur les 90% des votes dépouillés, les efforts diplomatiques internationaux ont abouti à modifier à la dernière minute le mode de décompte des bulletins blancs. Ces votes blancs ont été redistribués au prorata des voix aux 32 candidats en lice.

Préval, vainqueur

Avec cette formule de compromis soufflé par le Brésil, René Préval a donc été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle du 7 février 2006, avec 51,15% des voix, sur 96% des procès verbaux traités. Huit des neuf membres du Conseil Electorale Provisoire (CEP) ont signé la proclamation de sa victoire pour un mandat de cinq ans. Le candidat de l’élite aisée, Charles Baker, et qui a terminé à la troisième place avec 7,9%, s’est dit surpris par ce compromis et a estimé que les lois électorales avaient été bafouées : « nous pensions être dans un processus démocratique où chacun respecte les règles », a-t-il déclaré.

Mais dans certains quartiers pauvres représentant 77% de la population haïtienne (8,5 millions de personnes), des groupes ont aussitôt célébré la nouvelle, scandant « Victoire, victoire ! » dans les rues. Celui qui a déjà été président de 1996 à 2001 bénéficie en effet d’un soutien hors pair de cette frange de la population qui espère toujours le retour d’un autre ancien président et ex-prêtre, Jean-Bertrand Aristide, en exil depuis 2004 en Afrique du Sud, et sur lequel René Préval était resté évasif pendant sa campagne électorale pour gagner un soutien massif de la population pauvre. Les liens avec Aristide se sont en effet distendus depuis la chute de ce dernier, en 2004, date à laquelle un gouvernement de transition avait été établi par la communauté internationale, en plaçant une force de l’Onu de 7 500 hommes pour la sécurité d’un pays en trouble et une assistance économique.

Chantiers du nouveau président

Depuis cette date, 2004, il n’y avait pas eu d’élection présidentielle dans ce pays où 80% de la population vit sous le seuil de la pauvreté et 65% sont au chômage. Les défis du nouveau président seront nombreux, notamment en ce qui concerne la violence et le crime organisé. René Préval, qui a déclaré se battre maintenant pour le Parlement, veut établir des institutions démocratiques modernes pour un Etat de droit basé sur la lutte contre la corruption et le respect de l’autorité de l’Etat. Et à l’instar de son dernier mandat, où il avait construit des routes et des écoles, inauguré des places publiques, et distribué du matériel scolaire, le nouveau chef de l’Etat veut appliquer un programme national de lutte contre la pauvreté et la marginalisation sociale sur l’île.

Il entend développer le « dialogue national et la concertation permanente », la « réconciliation sociale et économique » et « sortir les enfants de la rue » : « si ceux qui possèdent commencent à investir dans la scolarisation des plus faibles, ceux-ci seront reconnaissants envers eux ». « Les riches sont cloîtrés dans leurs villas fermées derrière des murs et les pauvres coincés dans des bidonvilles où ils ne possèdent rien. Le fossé est trop grand entre ces deux classes », déclare Préval, qui prêtera serment le 29 mars comme président.


par Gaëtane  de Lansalut

Article publié le 16/02/2006 Dernière mise à jour le 16/02/2006 à 14:40 TU

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Paul Cozigon

Membre du secrétariat international du Parti socialiste

«En Haïti, les pressions internationales ont dû être énormes sur le conseil électoral provisoire, pour qu'il n'y ait pas de deuxième tour par peur de troubles venus des quartiers populaires.»

[16/02/2006]

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