Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Liban

Les anti-syriens veulent destituer Lahoud

Le président libanais, Emile Lahoud.(Photo : AFP)
Le président libanais, Emile Lahoud.
(Photo : AFP)
Les anti-syriens veulent mobiliser la rue pour renverser le président Emile Lahoud. Mais le chef de l’Eglise maronite Nasrallah Sfeir, le général Michel Aoun et le Hezbollah s’y opposent. La crise libanaise commence à prendre une tournure dangereuse.

De notre correspondant à Beyrouth

La coalition anti-syrienne, majoritaire au Parlement et au gouvernement, s’est fixée comme objectif de destituer le président de la République Emile Lahoud d’ici au 14 mars à travers un mécanisme constitutionnel controversé couplé à des « actions populaires ». Ce projet bénéficie du soutien direct des Etats-Unis et de l’appui discret de la France. La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice a déclaré, la semaine dernière, que « la présidence libanaise devrait être libérée du passé et tournée vers l’avenir ». Elle faisait allusion à la prorogation du mandat de Lahoud, le 3 septembre 2004, à la demande de la Syrie, malgré l’adoption de la résolution 1559 du Conseil de sécurité exigeant l’organisation d’une élection présidentielle « démocratique et dans le respect de la Constitution libanaise ». La prorogation de trois ans du mandat Lahoud avait nécessité un amendement constitutionnel obtenu sous la pression de la Syrie qui maintenait à l’époque 15 000 soldats au Liban.

Désespérés de voir Emile Lahoud démissionner, malgré les appels répétés et le boycott international dont il fait l’objet, les anti-syriens ont décidé de passer à l’action un an après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. La coalition du « 14 mars » fait circuler une pétition parlementaire affirmant que de nombreux députés ont voté la prorogation « sous la contrainte ». Aussi l’amendement constitutionnel qui a permis à Lahoud de rester au pouvoir est-il « nul et non avenu ». Par conséquent, le poste de la présidence est vacant et un nouveau chef d’Etat doit être élu.

Embûches constitutionnelles

Mais la voie constitutionnelle est semée d’embûches. Car pour annuler l’amendement constitutionnel ou élire un nouveau président, les anti-syriens ont besoin des deux tiers du Parlement, soit 86 députés. Or la coalition du 14 mars, composée des blocs parlementaires du chef druze Walid Joumblatt, du leader sunnite Saad Hariri, de l’ancien seigneur de guerre chrétien Samir Geagea, et de leurs alliés, ne peut rassembler que 71 députés. L’ancien Premier ministre Michel Aoun (21 députés) et le tandem chiite (Hezbollah et le mouvement Amal du président de la Chambre Nabih Berry, 35 députés), ne sont pas disposés à appuyer la démarche de la coalition au pouvoir. Le général Aoun a carrément qualifié le projet de « coup d’état constitutionnel » et le Hezbollah d’action politique qui ne répond pas à ses convictions.

Mobilisation populaire

C’est surtout à travers la pression populaire que le mouvement du 14 mars espère obtenir le départ de Lahoud. Il compte décréter une grève générale et organiser des manifestations qui marcheraient sur le palais présidentiel de Baabda, à l’est de Beyrouth. Toutefois, le Patriarche maronite Nasrallah Sfeir est fermement opposé à un renversement par la force du chef de l’Etat. Il craint que cela crée un précédent qui affaiblirait la présidence occupée par un chrétien maronite, selon la répartition des fonctions officielles entre les communautés religieuses, en vigueur au Liban.

Michel Aoun a pour sa part lancé une sévère mise en garde contre l’utilisation de la rue pour trancher un conflit politique. Faisant allusion à la grande manifestation des anti-syriens le 14 février dernier, il a dit qu’il pourrait lui-même mobiliser « un million de personnes ». L’ancien Premier ministre, qui reste le chef chrétien le plus populaire, a fait assumer au gouvernement « la responsabilité de chaque goutte qui risquerait d’être versée ».

« Ligne rouge »

Affirmant qu’il poursuivrait son mandat jusqu’au bout, Emile Lahoud a quant à lui prévenu que la « sécurité est une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir ». Des sources proches du chef de l’Etat ont nommément accusé le président français d’être l’instigateur de ce « coup d’Etat en préparation » et ont indiqué que Jacques Chirac avait chargé une cellule de travail à Beyrouth de superviser l’opération. Le Quai d’Orsay a démenti toute ingérence française dans les affaires du Liban.

Sur le terrain, la tension monte progressivement. La garde présidentielle, une unité d’élite de plusieurs milliers d’hommes, a multiplié les barrages sur les routes menant au palais de Baabda. Alors que la campagne médiatique s’intensifie contre Emile Lahoud, les regards se tournent vers l’armée. Quelle sera son attitude si le palais présidentiel est attaqué par des manifestants ? Se tiendra-t-elle à l’écart ou protègera-t-elle celui qui l’a commandée pendant dix ans ?


par Paul  Khalifeh

Article publié le 21/02/2006 Dernière mise à jour le 21/02/2006 à 08:43 TU