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Liban

L’alliance Aoun-Hezbollah brouille les cartes

Michel Aoun et le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah ont ensemble élaboré un texte politique.(Photo : AFP)
Michel Aoun et le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah ont ensemble élaboré un texte politique.
(Photo : AFP)
Le général Michel et le Hezbollah ont conclu une alliance qui modifie radicalement le paysage politique libanais.

De notre correspondant à Beyrouth

Le général Michel Aoun, principale personnalité politique anti-syrienne ces 15 dernières années, et le Hezbollah, qui qualifie la Syrie de «pays ami», ont signé un «document d’entente», inaugurant une ère de coopération entre les deux forces les plus représentatives chez les chrétiens et les chiites libanais.

Michel Aoun et le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah ont rendu public le document d’entente à la suite d’une rencontre tenue secrète jusqu’à la dernière minute. Les deux hommes qui s’entourent de mesures de sécurité exceptionnelles depuis la vague d’attentats et d’assassinats au Liban, ont choisi un lieu hautement symbolique pour leur première réunion: une église, située sur l’ancienne ligne de démarcation dans la banlieue sud de Beyrouth, où miliciens chrétiens et chiites s’affrontaient pendant la guerre civile qui s’est terminée en 1991.

Ce document est le fruit d’un dialogue bilatéral qui a duré quelque trois mois entre des représentants du Courant patriotique libre (CPL, le parti du général Aoun), et le Hezbollah. Selon de nombreux observateurs, il s’agit du plus important texte politique élaboré depuis l’accord de Taëf, conclu en 1989 entre les députés libanais en Arabie Saoudite, et qui a permis de mettre un terme à la guerre civile.

L’édification d’un Etat moderne, les relations libano-syriennes, l’avenir de la branche armée du Hezbollah, le sort des réfugiés palestiniens; toutes les questions qui font l’objet d’un débat parfois très vif au Liban depuis maintenant un an sont évoquées par les deux parties. Des idées de solutions sont proposées pour être débattues dans le cadre d’un dialogue national auquel devrait être associées toutes les forces politiques du pays.

Le CPL et le Hezbollah ont fait des concessions mutuelles pour aboutir à cette plate-forme commune. Dans le dossier des relations avec la Syrie, très tendues depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le parti islamiste a accepté une approche dont la seule mention, il y a un an, était inimaginable. Les deux parties ont appelé à des relations «à pied d’égalité» entre les deux pays, basées sur le «respect de la souveraineté et de l’indépendance de chaque Etat». Elles ont également mis l’accent sur la nécessité de tracer les frontières communes, réclamé l’établissement de relations diplomatiques entre Beyrouth et Damas, et invité les autorités syriennes à faire la lumière sur le sort de dizaines de libanais qui seraient détenus en Syrie.

L’avenir du Hezbollah

C’est le point de vue du Hezbollah qui a prévalu concernant la branche armée du parti. «Comme Israël occupe les fermes de Chebaa et menace le Liban, précise le texte, les Libanais doivent assumer leurs responsabilités et se partager la mission de défendre leur pays, de consolider  sa sécurité et de défendre son indépendance». Ils doivent donc «libérer les hameaux de Chebaa et poursuivre la lutte pour obtenir le retour des Libanais toujours détenus dans les prisons israéliennes», ajoute le document. La question du désarmement du Hezbollah, exigée par la résolution 1559 du Conseil de sécurité, devra être discutée dans le cadre d’un dialogue national «destiné à mettre au point une stratégie de défense sur laquelle s’entendront tous les Libanais et à laquelle ils participeront en se partageant les responsabilités».

Même si Aoun et Nasrallah ont affirmé que leur alliance n’est dirigée contre aucune autre partie, ce rapprochement spectaculaire modifie radicalement le paysage politique libanais. Il fait échec aux tentatives d’isolement du Hezbollah, entreprises par le chef druze Walid Joumblatt et l’ancien chef de guerre chrétien Samir Geagea, libéré en juillet dernier après onze de prison. Il constitue aussi un défi de taille au camp anti-syrien regroupé au sein du «Mouvement du !4 mars» et qui n’a toujours pas réussi à tenir solidement les rênes du pouvoir dix mois après le retrait des troupes syriennes. Enfin, cette alliance garantit à Michel Aoun une profondeur musulmane et lui permet de se présenter en candidat sérieux pour succéder à Emile Lahoud, dont le maintien à la tête de l’Etat est contesté par les anti-syriens.

Cette nouvelle alliance aura l’occasion de prouver son efficacité et sa puissance lors d’une élection législative partielle qui doit être organisée à la mi-mars. Mais déjà, Joumblatt et Geagea cherche à s’entendre avec Aoun sur un candidat de compromis pour éviter de livrer une bataille dont l’issue pourrait bien leur être défavorable.

par Paul  Khalifeh

Article publié le 12/02/2006 Dernière mise à jour le 12/02/2006 à 10:40 TU