Sri-Lanka
Colombo et les Tigres brisent la glace à Genève
(Photo: AFP)
De notre envoyée spéciale à Genève
Ces négociations engagées mercredi, soit quatre ans jour pour jour, après la signature de l'accord de cessez-le-feu, conclu le 22 février 2002, s'annonçaient tendues. «Le niveau de confiance entre les deux parties est très bas», annonçait dans son discours d'inauguration le médiateur norvégien Erik Solheim. «Nos ambitions sont très limitées», prévenait-il également. Ce jeudi soir, à l'issue de deux jours de pourparlers à huis clos, Erik Solheim est un homme satisfait. «Les résultats de cette rencontre vont au-delà de mes attentes», dit-il. Dans leur déclaration conjointe, le gouvernement sri-lankais et les Tigres de l'Eelam tamoul (LTTE) se sont, en effet, engagés à poursuivre leurs pourparlers, à Genève, dans deux mois.
Ce rendez-vous constitue en soi une avancée majeure. Les deux parties ont également annoncé leur intention de «prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer qu'il n'y aura aucune intimidation, acte de violence, enlèvement ou assassinat». Cette promesse de réduire les violences sur le terrain est sans conteste la seconde percée la plus notable mais elle signifie aussi que s'ouvre une période test ou, d'ici avril, le gouvernement et les Tigres vont être a l'affût de la moindre erreur commise par la partie adverse et qu'ils pourraient utiliser à leurs fins au moment de la reprise des discussions. Depuis l'annonce le mois dernier de la reprise de contacts, entamée cette semaine à Genève, les violences ont cependant décru.
Le cessez-le feu n'est pas consolidé
Mais un point noir subsiste: le contenu de l'accord de cessez-le-feu. Les deux parties ne sont pas parvenues à se mettre d'accord sur le texte signé à Oslo il y a quatre ans. Les LTTE défendent cette trêve, dont ils estiment qu'elle a permis «d'éviter l'éclatement d'une guerre totale», mais ils reprochent au gouvernement de ne pas en respecter le contenu. Ils accusent notamment Colombo de violer l'article 1.8 qui stipule que le gouvernement s'engage à désarmer les groupes paramilitaires et d'avoir profité de la création par l'armée de zones de haute sécurité pour expulser plusieurs milliers de Tamouls. De son côté, le gouvernement exige la révision de ce texte au prétexte, explique Nimal Siripala de Silva, le négociateur en chef, «qu'il est inconstitutionnel».
Colombo estime que cette trêve va à l'encontre de la réalité pluriethnique du Sri Lanka puisqu'elle exclut notamment les musulmans. Les autorités sri-lankaises jugent également qu'elle a permis aux LTTE d'augmenter leur capacité militaire et de perpétrer davantage de violences. Colombo dénonce «le manque de sanctions existantes en cas de violations de l'accord». Selon le dernier rapport de la Mission d'observation au Sri-lanka, les LTTE auraient violé le cessez-le-feu a 3 519 reprises depuis sa signature, contre 163 pour le gouvernement. Les négociations d'avril porteront donc sur l'accord lui-même. Il s'agit de le consolider au plus vite afin que les pourparlers autour de sa mise en oeuvre puissent enfin reprendre.
par Nathalie Tourret
Article publié le 24/02/2006 Dernière mise à jour le 24/02/2006 à 08:34 TU