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Irak

Appels au calme

Prière sous haute surveillance à Bassorah (sud de l'Irak).(Photo: AFP)
Prière sous haute surveillance à Bassorah (sud de l'Irak).
(Photo: AFP)
Après les représailles en série entre chiites et sunnites qui ont suivi le dynamitage de la Mosquée d’or, les leaders politiques et religieux ont multiplié les appels au calme. Le couvre-feu, décrété à Bagdad et dans les provinces environnantes, a évité de nouveaux incidents sanglants.

Alors que Bagdad était sous couvre-feu, en plein jour, le chef du parti chiite irakien, Abdel Aziz al-Hakim, a condamné tout à la fois l’attentat contre la Mosquée d’or, vénérée par les chiites, et les représailles qui ont suivi contre les sunnites, accusés d’être responsables de la destruction partielle du mausolée. « Nous affirmons notre refus total de toute agression contre des mosquées en Irak et condamnons tout meurtre d’Irakiens », a déclaré le chef du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), qui a ajouté : « ceux qui ont commis le crime de dynamiter le mausolée ne représentent pas les sunnites. Ce sont des partisans de Zarqaoui et de Saddam », faisant allusion au chef du réseau al-Qaïda en Irak et au chef de l’Etat irakien renversé.

L’ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad a, lui aussi, lancé un appel au calme et évoqué al-Qaïda. Il a demandé à la population de « tenir en échec les objectifs de ceux qui veulent inciter à la guerre civile ». Zalmay Khalilzad a ajouté : « La réponse de l’Irak doit consister à ce que les principales forces se rassemblent et qu’il y ait un gouvernement d’unité nationale ». L’ambassadeur estime qu’il y a de « bonnes » chances de former cette équipe, car « il n’y a pas d’autres alternatives ». Lundi, à la veille de l’attentat contre le mausolée chiite de Samarra, le représentant américain avait, à l’occasion d’une conférence de presse, parlé d’attitude « sectaire » des leaders politiques irakiens, la formation du gouvernement se faisant attendre.

Après les incidents sanglants qui ont provoqué la mort de plus de 130 personnes en deux jours, l’ambassadeur américain a par ailleurs indiqué qu’une rencontre a eu lieu entre les commandants de l’armée américaine et de hauts responsables irakiens au sujet de la sécurité, sans donner plus de précisions. Il a cependant indiqué que le cabinet irakien examine « l’option de bannir les hommes en armes », faisant allusion aux milices armées qui pourraient être démantelées.

La guerre civile jamais si proche

Le chef radical chiite irakien Moqtada Sadr a pris les devants en créant un comité pour superviser l’activité de sa milice, l’Armée du Mehdi. La veille, il avait mis en garde contre un plan de « l’occupant (les forces américaines) de fomenter une guerre confessionnelle ». Il avait par ailleurs appelé le Comité des oulémas (sunnite) à créer un groupe commun pour prévenir les attaques entre les communautés chiite et sunnite.  

Les spécialistes de l’Irak regardent de près la situation. Ils estiment que la guerre civile peut encore être évitée. « Pour le moment, la violence est suscitée par le haut et n’a pas encore imprégné le bas, c’est-à-dire l’ensemble de la société. Elle (cette violence) est le fruit d’une rivalité régionale entre l’Iran et les Etats-Unis », estime Ghassan Salamé, ancien conseiller des Nations unies en Irak.

Autre précision de cet expert : « L’Irak est l’otage d’un conflit régional entre les Etats-Unis et l’Iran, car Téhéran veut empêcher Washington de constituer un gouvernement qui lui soit favorable et il ne peut y avoir de gouvernement qui soit hostile aux Etats-Unis. Si l’impasse demeure et si le gouvernement n’est pas formé, alors le pays peut plonger dans la guerre civile ».

Hosham Dawood, anthropologue irakien, est inquiet devant l’escalade de ces jours derniers. En revanche il ne voit pas d’urgence à former le gouvernement. Pour ce spécialiste des tribus, « la situation a franchi un pas qualitatif vers la confrontation non contrôlable. Il y a un risque qu’on aille vers un affrontement à la base, si on n’arrive pas, vite, à contenir la situation ». Sur le plan politique, il estime par ailleurs que « il faut d’abord rassurer la communauté chiite (…) l’urgence n’est pas la formation du gouvernement ».

Depuis ces derniers événements, les spécialistes de l’Irak sont tous d’accord sur ce point : le risque de guerre n’a jamais été aussi grand entre la minorité sunnite, au pouvoir à l’époque de Saddam Hussein, et la majorité chiite, grande gagnante des élections de décembre. Cette semaine, la situation s’est encore compliquée avec le retrait d’une partie des leaders sunnites des discussions pour trouver un gouvernement tandis que la lutte souterraine continue dans la rue entre factions chiites. De Washington, le président George Bush a appelé au « calme ».


par Colette  Thomas

Article publié le 24/02/2006 Dernière mise à jour le 24/02/2006 à 16:41 TU

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Franck WEIL-RABAUD

Journaliste à RFI

«L’absence de revendication est très surprenante dans l’attaque de Samarra (…) Il semble que ces derniers temps des divergences soient apparues entre Ben Laden et Abou Moussab al-Zarqaoui. »

[24/02/2006]

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