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Ouganda

Résultats électoraux contestés

Vendeur de tee shirts pro-Museveni.(Photo: Gabriel Kahn/RFI)
Vendeur de tee shirts pro-Museveni.
(Photo: Gabriel Kahn/RFI)
Le président Museveni, réélu avec 59,3% des voix, entame sa 21e année au pouvoir. Le principal parti d’opposition, le Forum pour le Changement Démocratique, dont le candidat, Kizza Besigye, a obtenu 37% des suffrages, conteste la régularité du scrutin de jeudi dernier et s’est lancé dans un nouveau décompte des voix pour décider des actions à suivre. Pour les observateurs de l’Union européenne, ces élections ont été entachées d’irrégularités mais ont pourtant été mieux organisées que les précédentes. Le ministre de l’intérieur, Ruhakana Rugunda, a appelé l’opposition à respecter la loi. Le taux de participation a été de 65%.

Dès la proclamation des résultats officiels par la commission électorale, les partisans du président Museveni, vêtus de jaune vif, comme autant de poussins, ont envahi les rues et les cafés de la capitale au cri de « no change (pas de changement) ». Autant dire que le programme politique du président Museveni, dans les années à venir, ne devrait pas beaucoup innover sur celui des années passées. Le ministre de l’Intérieur, Ruhakana Rugunda, a appelé le principal parti d’opposition à ne pas faire appel à la violence, mais à recourir à la justice du pays en cas de contestation des résultats du scrutin. Au même moment, la police anti-émeute a tiré des gaz lacrymogènes devant le siège du Forum pour le changement démocratique (FDC), le parti du colonel Besigye, au prétexte que ses partisans bloquaient la circulation.

Selon Ruhakana Rugunda, « l’objectif du prochain gouvernement sera, avant tout, d’accroître la prospérité pour les Ougandais, de consolider nos avancées dans le domaine de la démocratie et de la bonne gouvernance, le secteur de l’éducation, des services sociaux et dans le domaine des infrastructures. Notre objectif sera de réintégrer dans leurs propres maisons les gens qui vivent dans des camps », ajoute-t-il. 

Le président Museveni, qui se décrit comme un « révolutionnaire » et qui aime se comparer au président libyen Mouammar Kadhafi, va entamer sa 21e année au pouvoir. Il avait fait amender la constitution l’année dernière pour pouvoir se présenter pour un nouveau mandat de 5 ans. Et durant sa campagne électorale, il a déclaré vouloir rester au pouvoir jusqu’en 2013. Cette année là, la Communauté d’Afrique de l’Est composé du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda, qui seront peut-être bientôt rejoint par le Rwanda et le Burundi, devrait élire un président commun et Yoweri Museveni se porter candidat.

Les observateurs de l’Union européenne ainsi que des ONG locales sous le patronage du Democraty Monitoring Group, ont souligné que la campagne avait été menée dans des conditions difficiles pour l’opposition et que le scrutin avait été entaché de nombreuses irrégularités. « Un grand nombre d’erreurs techniques ont été notées telles que des urnes non scellées et l’absence d’un contrôle de l’encre apposée sur les doigts des électeurs », a remarqué Max van de Beers,  le chef des observateurs de l’Union européenne, lors d’une conférence de presse au lendemain du scrutin. Par ailleurs, beaucoup d’électeurs n’ont pas trouvé leurs noms sur les listes électorales. « Mais les élections présidentielles et parlementaires du 23 février ont été généralement bien administrées, transparentes, compétitives et relativement paisibles, démontrant quelques améliorations notables comparées aux élections précédentes », s’est empressé d’ajouter Max van de Beers.

Cependant, ces résultats sont contestés par Kizza Besigye. L’ancien médecin personnel de Museveni est sous le coup d’une accusation de trahison et de viol et il passé un partie de sa campagne électorale devant les tribunaux. Selon lui, les résultats proclamés par la Commission électorale sont biaisés en faveur du président sortant. Le FDC a ainsi décidé de recompter l’ensemble du scrutin avant de décider de la conduite à tenir. « Il y a une grosse différence entre les résultats provenant de notre centre de décompte et ceux annoncés par la commission électorale », a dénoncé Besigye lors d’une conférence de presse. « Nous sommes surpris que certains observateurs internationaux approuvent cet exercice illégitime », a-t-il ajouté.

Un paysage politique peu modifié

Au regard des résultats détaillés délivrés par la commission électorale, l’Ouganda est plus que jamais divisé en deux. Le nord, dont une partie est en guerre civile, ainsi que la capitale, Kampala, ont voté massivement pour Kizza Besigye, alors que le sud a reconduit le président sortant. Comme le sud de l’Ouganda est bien plus densément peuplé que le nord, Museveni est logiquement en tête. Ainsi, la région d’origine du président est favorable au statu quo tandis que les autres appellent au changement. Dans certains districts du nord, 90% de la population vit dans des camps de déplacés, nourrie par l’aide internationale et terrorisée par l’armée.

L’autre leçon de ce scrutin, c’est que les partis traditionnels qui s'étaient partagés le pouvoir au lendemain de l’indépendance du pays, le Parti démocratique et le Congrès du peuple ougandais, du défunt Milton Obote, sont laminés. Il est vrai que depuis la prise de pouvoir de Museveni par les armes, en 1986, ces partis n’avaient pas le droit d’opérer en dehors de la capitale. L’ouverture de l’Ouganda au multipartisme ne date que de l’été dernier. Pour la première fois, des candidats de l’opposition vont être présents en nombre dans le prochain Parlement. Sur le plan régional, la reconduction du président Museveni risque de déplaire au Rwanda qui est soupçonné d’avoir financé la campagne de Kizza Besigye et qui a fermé sa frontière avec l’Ouganda à la veille du scrutin. Cette reconduction sera accueillie avec réserve par la République démocratique du Congo, qui reproche à l’Ouganda d’entretenir, tout comme le Rwanda, des groupes armés à l’est du pays. Par contre le président Museveni a été ouvertement soutenu durant sa campagne électorale par la rébellion sudiste du défunt John Garang qui domine l’actuel gouvernement provisoire du Sud Soudan, appelé à devenir un nouvel Etat.

Une question se pose aujourd’hui : Le président Museveni va-t-il jouer le jeu et poursuivre la mise en place d’une véritable démocratie ou va-t-il mettre l’opposition en miette à l’issue de ces élections où l’armée a été omniprésente?


par Gabriel  Kahn

Article publié le 26/02/2006 Dernière mise à jour le 26/02/2006 à 11:06 TU

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Ruhakana Rugunda

Président du NRM et ministre de l’Intérieur

«Aujourd’hui, c’est le NRM qui a gagné.»

[26/02/2006]

Kizza Besigye

Leader du principal parti d'opposition ougandais

«Je voudrais appeler tous nos militants à rester calme.»

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