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France

Villepin face aux manifestations

Le Premier ministre, Dominique de Villepin, sur les bancs de l'Assemblée nationale, le 8 février, à l'occasion du débat sur le CPE. (Photo: AFP)
Le Premier ministre, Dominique de Villepin, sur les bancs de l'Assemblée nationale, le 8 février, à l'occasion du débat sur le CPE.
(Photo: AFP)
Le contrat première embauche (CPE) fait l’objet de plus en plus de critiques. Dénoncé par les syndicats, les organisations étudiantes et lycéennes, les partis de gauche, ce contrat est aussi mal perçu dans l’opinion. Tous les ingrédients semblent donc réunis pour faire de la journée de manifestations du 7 mars, organisée pour demander le retrait de ce texte adopté à l’Assemblée nationale et au Sénat dans le cadre de la loi sur l’égalité des chances, un véritable test social pour le gouvernement et surtout pour Dominique de Villepin. Le Premier ministre continue pourtant à défendre cette initiative et multiplie les interventions pour expliquer ce qu’elle apporte en terme d’accès au marché du travail pour les jeunes. Mais il n’est pas entendu. Au contraire, les sondages indiquent que ce dossier est en train de nuire à son image de «gaulliste social».
Des étudiants de l'Université Censier (Paris III), organisent un stand d'information sur le Contrat première embauche (CPE), le 06 mars 2006 à Paris, à la veille de la manifestation nationale pour exiger le retrait du CPE.(Photo : AFP)
Des étudiants de l'Université Censier (Paris III), organisent un stand d'information sur le Contrat première embauche (CPE), le 06 mars 2006 à Paris, à la veille de la manifestation nationale pour exiger le retrait du CPE.
(Photo : AFP)

Mauvaise passe ou début de la dégringolade ? Difficile à dire pour le moment. Mais il est sûr que le mouvement social anti-CPE (contrat première embauche) risque d’avoir une influence sur l’avenir de Dominique de Villepin. Car les opposants à ce nouveau contrat destiné aux jeunes (moins de 26 ans) ne désarment pas. Et ils espèrent bien faire la démonstration de leur détermination à l’occasion de la journée de manifestations organisée, mardi 7 mars, pour demander au gouvernement de renoncer à mettre en place le CPE.

Il devrait y avoir plus de 160 défilés en France à cette occasion. La mobilisation est large puisque la protestation contre le CPE réunit les salariés, les étudiants, les lycéens et que les organisations représentatives de toutes ces catégories ont appelé à manifester. Les partis de gauche, qui ont dénoncé la méthode employée par le Premier ministre pour faire passer le texte à l’Assemblée nationale en escamotant le débat grâce à l’utilisation de la procédure prévue dans l’article 49.3 de la Constitution, qui engage la responsabilité du gouvernement, sont eux aussi sur le pied de guerre. De Lutte ouvrière au Parti socialiste en passant par le Parti communiste, onze formations ou partis de gauche se sont associés à cette journée de protestation contre le CPE.

Une forte mobilisation ?

Les manifestations de mardi pourraient donc être plus suivies que celles du 7 février dernier. Lors de cette première journée de mobilisation contre le CPE, on avait dénombré entre 200 000 et 400 000 personnes à l’intérieur des cortèges. Là, les syndicats escomptent bien réunir beaucoup plus de monde. Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, a d’ailleurs prévenu : «La mobilisation pour le 7 mars va être réussie et bien réussie et le gouvernement sera peut-être lui-même un peu surpris». Bruno Julliard, le président de l’Unef, le principal syndicat étudiant, va dans le même en expliquant qu’«aujourd’hui, le terrain est propice à un mouvement d’ampleur». Il est vrai que le passage du texte devant l’Assemblée nationale, au moment où les étudiants étaient en pleine période d’examens et où les lycéens étaient en vacances, avait un moment fait craindre à leurs représentants un désintérêt pour cette question.

D’ores et déjà, les sondages donnent une indication de l’évolution de l’opinion sur le CPE et de son impact sur l’appréciation de la politique du gouvernement. Une enquête réalisée pour le quotidien Libération par l’institut LH2 indique que 63% des 15-29 ans rejettent le CPE, alors qu’ils n’étaient que 56% le mois dernier. Mais cette dégradation ne concerne pas que les jeunes. Dans l’ensemble, l’avis des Français sur ce contrat est de plus en plus négatif. Parmi les personnes interrogées (toutes catégories confondues), 58% ont déclaré avoir une opinion défavorable sur le CPE contre 52% lors de la précédente enquête. La cote de popularité de Dominique de Villepin est la première victime de cette situation. Le Premier ministre ne bénéficie plus que de 37% d’indice de satisfaction. Il s’agit de son plus mauvais score depuis son arrivée à Matignon, en juin 2005. Et surtout, le chef du gouvernement a réalisé une chute vertigineuse depuis le mois de janvier puisqu’il a perdu 12 points. Son image de «gaulliste social», qui lui avait valu un a priori favorable, est en train de laisser la place à celle d’un libéral pure souche.

Garder le cap ou céder ?

Le message de Dominique de Villepin ne passe pas. Il a beau expliquer que le contrat première embauche est destiné à concilier «souplesse et solidarité», qu’il s’agit d’un «formidable outil pour lutter contre les discriminations», que son objectif est de permettre aux jeunes d’accéder au marché de l’emploi, rien n’y fait. Ce contrat à durée indéterminée (CDI) assorti d’une période d’essai de deux ans, durant laquelle l’employeur peut décider de rompre ses engagements sans justification, est appréhendé comme une source supplémentaire de précarité pour les jeunes. Certains y voient même un banc d’essai pour aller dans le sens d’une modification du droit du travail synonyme d’une précarisation générale.

Malgré les attaques et les critiques, le Premier ministre ne semble pas vouloir revenir en arrière. Au contraire. Il affirme désirer garder le cap coûte que coûte. Quitte à se mettre hors course pour la présidentielle de 2007 ? La position de chef du gouvernement est décidément bien inconfortable lorsque l’on peut prétendre à de plus hautes fonctions encore. Certains parlent de la «malédiction de Matignon», qui brûle les ailes des premiers ministres et en fait des candidats condamnés à perdre une élection présidentielle lorsqu’elle intervient alors qu’ils sont aux manettes. Pour le moment, Dominique de Villepin refuse cette problématique en déclarant : «Le gouvernement est en action. C’est ma seule préoccupation». Pour autant, il ne renonce pas à garder le contact avec les Français. Il a affirmé qu’il comprenait leur «anxiété sociale» et qu’il lui fallait trouver «le bon équilibre entre l’écoute et l’action». Reste à savoir s’il peut y parvenir en maintenant le CPE.


par Valérie  Gas

Article publié le 06/03/2006 Dernière mise à jour le 06/03/2006 à 15:57 TU