Arabie Saoudite-France
Une visite plus diplomatique qu’économique
(Photo : AFP)
Le président français Jacques Chirac a achevé lundi sa visite de trois jours en Arabie Saoudite. Parti de Paris avec une délégation fortement économique (quatre ministres dont ceux de l’Economie, Thierry Breton, et du Commerce extérieur, Christine Lagarde, la présidente du Medef, Laurence Parisot, et une quinzaine de chefs d’entreprise), le but affiché du chef de l’Etat était de vendre les entreprises françaises au royaume wahhabite. Son ambition : stimuler les échanges commerciaux entre les deux pays, accroître la présence française en Arabie Saoudite et attirer les investisseurs saoudiens en France.
Et même si, dès le 2 mars dernier, le porte-parole de l’Elysée précisait qu’« aucune cérémonie de signature d’accord n’est prévue lors de cette visite », le président français espérait bien débloquer certains dossiers en souffrance. Comme la vente de quelque 48 avions de combat Rafale du groupe Dassault, la finalisation de la mise en place de Miksa, un système électronique de surveillance des frontières, estimé à 7 milliards d’euros, que Thales négocie depuis 1994, ou encore la concrétisation d’un projet de raffinerie pour Total. Mais Jacques Chirac a quitté Ryad sans faire état de contrat ni de promesse dans ces dossiers, précisant que l’Arabie Saoudite restait « ouverte aux solutions françaises en matière de défense et de sécurité ». Quant aux chefs d’entreprise de la délégation, circonspects depuis le début de la visite, ils ont précisé : « les discussions avancent mais il faut du temps ».
Paris et Ryad sur la même ligne
Car, côté Arabie Saoudite, l’invitation faite à Jacques Chirac était surtout l’occasion de diversifier ses relations diplomatiques, alors que celles qu’elle entretient avec Washington se sont tendues depuis le 11 septembre, où 15 des 19 kamikazes étaient saoudiens. Ryad a honoré Jacques Chirac en lui permettant de s’exprimer, dimanche, devant les 150 membres du Majlis Al-Choura, le Conseil consultatif saoudien. Une première pour un chef d’Etat occidental. Il y a salué les réformes adoptées par le royaume, comme « l’introduction du suffrage pour le renouvellement des conseils municipaux » ou « l’arrivée des femmes dans les organes directeurs des Chambres de commerce ». Il a apporté son soutien à la « politique de renouveau et de croissance » du roi Abdallah et a également affirmé la solidarité de la France avec la lutte que mène l’Arabie Saoudite contre le terrorisme.
Les deux pays doivent « unir leurs efforts pour faire échec à ceux qui, en attisant le feu des fanatismes, provoquent un triste ‘choc des ignorances’ qualifié de ‘choc des civilisations’ alors que nous avons en partage des valeurs que nous devons faire fructifier ensemble », a-t-il plaidé. De son côté, le président du Majlis, décrivant Jacques Chirac comme « le président de la République française amie », a déclaré que le Conseil « appréciait » les « prises de position positives » de la France « dans les conflits régionaux, en particulier en Irak et en Palestine ». Paris et Ryad ont d’ailleurs affiché des points de vue relativement proches sur des questions d’actualité : la Syrie, le Liban, ou encore l’Iran.
« Etre là en amont »
Le diplomatique pourrait alors rejoindre l’économique. La convergence de vue et le fait que Jacques Chirac soit un proche de la monarchie saoudienne (il s’était rendu en août 2005 dans le pays pour l’enterrement du roi Fahd), sont des signes encourageants sur le plan des échanges. Car si l’Arabie Saoudite figure au premier rang des clients de la France en matière d’armement, Paris doit défendre sa place face à la rude concurrence des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
Pays en plein essor économique grâce aux prix élevés du pétrole (dont il détient le quart des réserves mondiales), le royaume devrait investir, au cours des quinze prochaines années, jusqu’à 500 milliards d’euros dans ses infrastructures. Comme l’explique le Pdg d’Alstom, qui a réalisé 2 milliards de dollars de contrats en Arabie Saoudite ces deux dernières années : « Des besoins en infrastructures sont en train de mûrir. Dans ce genre de métier, il faut être là le plus en amont possible. C’est maintenant que les choses se jouent. » La visite de Jacques Chirac n’aura donc sans doute pas été un coup pour rien.
par Olivia Marsaud
Article publié le 06/03/2006 Dernière mise à jour le 06/03/2006 à 15:57 TU