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Politique

Sarkozy cherche à convaincre les Antillais

Le ministre de l'Intérieur et président de l'UMP Nicolas Sarkozy salue des personnes sur le marché de Basse-Terre, le 09 mars 2006.(Photo: AFP)
Le ministre de l'Intérieur et président de l'UMP Nicolas Sarkozy salue des personnes sur le marché de Basse-Terre, le 09 mars 2006.
(Photo: AFP)
Après avoir repoussé son voyage aux Antilles en décembre dernier, Nicolas Sarkozy a débarqué mercredi soir en Guadeloupe avec la double casquette de ministre de l’Intérieur et de président de l’UMP. Il sera en Martinique vendredi.

Sarkozy aux Antilles, acte II. Le ministre français de l’Intérieur a finalement posé le pied sur la terre guadeloupéenne, comme il l’avait annoncé en décembre dernier. Il a été accueilli mercredi soir à Pointe-à-Pitre au son des tam-tam et des cornes de brume par Lucette Michaux-Chevry, ex-présidente du conseil régional et par quelque 200 militants UMP (Union pour un mouvement populaire). Sa visite de trois jours le conduira ensuite en Martinique, dès vendredi. Initialement, ce voyage officiel devait se tenir en décembre 2005. On se souvient de son annulation in extremis après une forte mobilisation des élus et des populations martiniquais et guadeloupéens.

Les Antillais, choqués par ses expressions désormais célèbres, « racaille » ou « nettoyage au Kärcher » (nettoyeur à haute pression), lui reprochaient également son soutien implicite à la loi du 23 février 2005 mentionnant le « rôle positif » de la colonisation. En Martinique, où la contestation avait été la plus forte, un Collectif contre la loi de la honte avait même été créé par la gauche martiniquaise. Aimé Césaire, 92 ans, grande figure politique et morale, avait également refusé de le recevoir. Or, le poète et ancien maire de Fort-de-France est l’hôte incontournable de tous les hommes politiques en visite officielle ou tournée promotionnelle sur l’île. Il a d’ailleurs depuis reçu Laurent Fabius et François Bayrou en février dernier.

« Lettre aux Antillais »

Cette fois-ci, pas d’impair, Nicolas Sarkozy a soigneusement préparé son voyage. Il a reçu pendant 15 jours tous les élus des Antilles, de droite comme de gauche, indépendantistes compris, leur faisant comprendre combien son déplacement (le premier d’un ministre de l’Intérieur depuis 22 ans) est important pour eux. De fait, il bénéficie d’une situation générale largement apaisée aux Antilles, après la décision de Jacques Chirac d’abroger l’un des articles de loi incriminés. Pour appuyer son opération séduction, le ministre a fait paraître lundi une « Lettre aux Antillais » dans le quotidien France Antilles, dans laquelle il assure venir « en homme décidé mais à l’écoute, en homme déterminé mais ouvert au dialogue ».

« J’ai fait un long cheminement personnel sur cette question sensible. (…) J’ai éprouvé le besoin d’un dialogue direct avec des Martiniquais et des Guadeloupéens afin de mieux saisir la nature exacte des vifs sentiments qui se sont exprimés ces derniers mois. Aujourd’hui, je cerne mieux la profondeur de la blessure qui s’est révélée ; je perçois avec acuité le lien qui a pu être fait entre le colonialisme et l’esclavage », y explique-t-il. Enfin, l’annonce officielle, ce lundi, par TF1, de l’arrivée pour l’été de Harry Roselmack, présentateur d’origine martiniquaise au 20 heures, tombe à point nommé. Habile, Nicolas Sarkozy avait annoncé la bonne nouvelle à des représentants du Club Averroès, qui défend l’image des minorités dans les médias, dès… le 17 février.

Le roi du carnaval

Tout ceci n’a pas empêché les Antillais de se défouler sur le ministre pendant le carnaval. Le zoukeur martiniquais Eric Virgal avait donné le tempo dès janvier en lançant le tube « Sarko kayé » (qui signifie en créole « Sarko a pris peur »). Et qui dit : « Promenons-nous à Fort-de-France/Pendant que Sarko n’y est pas/ Si Sarko était là/il nous insulterait/ Si Sarko était là/ On le Karchériserait »… La chanson, qui passe en boucle sur les radios martiniquaises, a résonné pendant les défilés carnavalesques de la semaine dernière à Fort-de-France où la satire politique était en première ligne. Vaval, le personnage de carton-pâte porté dans les parades et brûlé pour mettre fin aux festivités, aura été cette année un nostalgique de la colonisation, mi-colon père fouettard, mi-député bombant le torse, avec, à ses pieds, la « loi de la honte ».

Nicolas Sarkozy, après avoir été la star du carnaval, a chaussé sa double casquette de ministre de l’Intérieur et de président de l’UMP. Au programme de son déplacement : la lutte contre l’immigration clandestine en Guadeloupe et contre le trafic de drogue en Martinique. Après avoir rencontré jeudi matin la famille du gendarme Raphaël Clin, décédé le 12 février à St-Martin, il a fait un passage éclair au marché de Basse-Terre et doit signer un contrat de prévention de la délinquance avec les communautés de Basse-Terre. Dans les deux îles, il doit rencontrer des élus locaux, des acteurs socio-économiques, des policiers, des sapeurs-pompiers et des gendarmes. Deux meetings UMP sont prévus, l’un à Baie-Mahault (Guadeloupe) et l’autre à Schoelcher (Martinique). Car Nicolas Sarkozy n’oublie pas la campagne présidentielle, d’autant plus que Dominique de Villepin est attendu aux Antilles vers le 10 mai prochain. En revanche, la rencontre avec Aimé Césaire n’aura pas lieu.


par Olivia  Marsaud

Article publié le 09/03/2006 Dernière mise à jour le 09/03/2006 à 17:43 TU