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Chirac revient sur «le rôle positif» de la colonisation

Jacques Chirac a demandé la suppression de l’article sur «les aspects positifs de la colonisation» dans la loi du 23 février 2005.(Photo : AFP)
Jacques Chirac a demandé la suppression de l’article sur «les aspects positifs de la colonisation» dans la loi du 23 février 2005.
(Photo : AFP)
Il n’y aura pas d’amendement de l’article 4 à la loi sur les rapatriés du 23 février 2005, évoquant «les aspects positifs de la colonisation». L’article ne sera pas réécrit, il sera purement et simplement «supprimé» : tel est, en tout cas, le souhait du président de la République qui entend, par cette décision, mettre un terme aux vifs débats sur la pertinence des lois dites «mémorielles» relancés par le projet d'’amendement de l’article au cours des derniers mois. Jacques Chirac a demandé au Premier ministre de saisir le Conseil constitutionnel pour que l’article soit abrogé, une manière de reconnaître, en somme, que «ce n’est pas à loi d’écrire l’Histoire».

L’article 4 de la loi du 23 février 2005 est renvoyé au Conseil constitutionnel. Finies les pétitions, évité le prochain nouveau débat au parlement, évitées aussi les manifestations prévues fin février : le chef d’Etat a pris la ferme initiative de couper court à toute polémique en demandant la «suppression» de l’article qui fâche. Dominique de Villepin a saisi le Conseil constitutionnel en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution -un article qui permet au gouvernement de modifier une loi promulguée si le Conseil constitutionnel déclare que les mesures incriminées ont «un caractère réglementaire» et non législatif. Si le Conseil constitutionnel accède à la requête du chef de l’Etat, l’article sera ainsi supprimé par simple décret d’ici trois semaines. Point de nouveau débat parlementaire ; coup d’arrêt aux tensions au sein de la majorité –divisée sur le dossier face à l’abrogation réclamée par tous les partis de gauche.

En se prononçant pour la suppression, et non la réécriture du texte, Jacques Chirac a suivi la recommandation du président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré, qu'il avait chargé le 9 décembre dernier d'une «mission pluraliste pour évaluer l'action du Parlement dans les domaines de l'histoire et de la mémoire». Jean-Louis Debré a remis ses conclusions mercredi soir au chef de l’Etat. Le président de la République a aussitôt annoncé sa décision de renvoyer l’article devant la plus haute juridiction administrative, et le président du groupe UMP de l’Assemblée, Bernard Accoyer, a alors salué «une décision d’apaisement et de rassemblement». Pour autant, cela ne signifie pas qu’il y ait «repentance, [ou] reniement, [ou] renoncement à notre passé», a souligné Jean-Louis Debré qui, reconnaissant que la solution était «brutale», l’a justifiée au nom «de la sagesse et de l'intérêt de la France».

Il faut «retrouver les voies de la concorde. La Nation doit se rassembler sur son Histoire», a déclaré Jacques Chirac. La polémique n'avait, de fait, cessé d'enfler ces derniers mois : une pétition contre l’amendement de l’article 4 avait recueilli plus de 46 000 signatures en décembre. La majorité s’était divisée sur le sujet, des empoignades avaient eu lieu entre majorité et opposition, ainsi qu’entre politiciens et historiens -les seconds, faisant remarquer que «ce n’est pas à la loi d’écrire l’histoire», revendiquaient le droit de travailler dans le respect de l’indépendance de la recherche. Il avait, en outre, déclenché les foudres dans les territoires d’outre-mer, à telle enseigne que le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy avait même dû annuler son voyage aux Antilles début décembre. Jean-Louis Debré a rappelé que «ce n'est pas à la loi d'écrire, de commenter ou de porter un jugement sur des faits qui relèvent de l'Histoire».

Soulagement à droite comme à gauche

L’ensemble de la gauche se montre soulagée par cette décision. «Il était temps. C'est une décision de lucidité, de sagesse, de courage sans doute aussi qui va enfin apporter un peu d'apaisement, permettre de décrisper les débats», a déclaré Christiane Taubira, députée (PS) de Guyane ; «J'aurais préféré la voie parlementaire (...) mais il n'y a manifestement pas de majorité à droite pour accepter cette abrogation», s’est exprimé pour sa part Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale. «C'est une décision qui s'impose devant la réouverture des plaies dans la société française», a dit quant à lui Arnaud Montebourg, député PS de Saône-et-Loire. «Ce qui prouve d'ailleurs que lorsqu'il y a une force de contestation sur une cause juste, elle peut se faire entendre et contraindre le pouvoir à reculer», a déclaré pour sa part François Hollande (premier secrétaire du Parti socialiste). Toutefois, «que de temps perdu, d'énergie inutilement dépensée, de susceptibilités froissées et d'émotions inutilement provoquées !».

Philippe de Villiers, le président du Mouvement pour la France, qui considère que le retrait de cet article est «une honte pour tous les rapatriés et les harkis qui voient leur honneur jeté à la mer pour la deuxième fois.» Selon lui, «cette nouvelle reculade s'inscrit dans une longue chaîne de reniements : on fête Trafalgar plutôt qu'Austerlitz, on préfère le FLN à l'armée française». Sinon, la droite se dit dans l'ensemble soulagée par le choix de cette porte de sortie qui apaise les esprits. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux Anciens combattants déclare que la décision de Jacques Chirac est «une solution qui rassemble nos compatriotes». François Baroin, ministre de l'Outre-mer, souligne : «les Français doivent se rassembler autour de l'histoire de notre pays. C'est ainsi que nous pourrons continuer à avancer tous ensemble dans la cohésion et l'unité nationale». Apaisement, rassemblement : mission accomplie.


par Dominique  Raizon

Article publié le 26/01/2006 Dernière mise à jour le 26/01/2006 à 19:42 TU

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