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Politique française

Chirac : 50 réponses pour convaincre

Le président français Jacques Chirac entouré par les lecteurs du <i>Parisien</i>, le 11 décembre 2005 à l'Elysée.(Photo: Corsan-Poulpiquet/«Le Parisien»)
Le président français Jacques Chirac entouré par les lecteurs du Parisien, le 11 décembre 2005 à l'Elysée.
(Photo: Corsan-Poulpiquet/«Le Parisien»)
Sollicité par le quotidien Le Parisien, Jacques Chirac a accepté de répondre à 50 questions posées par des lecteurs. Les réponses du chef de l’Etat ont été publiées, mardi 13 décembre, dans les colonnes du journal. Cet exercice médiatique a permis à Jacques Chirac de revenir sur les grands sujets qui ont été placés, ces dernières semaines, au cœur du débat politique et social français, notamment l’immigration, l’intégration et l’exclusion sociale. Le président de la République a, d’autre part, reçu les lecteurs en question à l’Elysée pour s’entretenir quelques instants avec eux et prendre une photo souvenir bon enfant sur le perron du palais présidentiel. Critiqué pour son mutisme lors des émeutes de banlieues, Jacques Chirac tente ainsi de reprendre l’initiative sur le terrain de la politique intérieure. Histoire de rappeler aux Français qu’il est toujours là.

On l’avait accusé d’être en retrait pendant la crise des banlieues, de ne pas avoir su prendre en compte les préoccupations des Français «d’en bas», d’avoir oublié son discours sur la «fracture sociale». La proposition du Parisien de répondre par écrit à 50 Français est donc tombée à pic pour offrir à Jacques Chirac une occasion de rebondir médiatiquement -alors qu’il est au plus bas dans les sondages- et de se positionner sur les questions qui préoccupent actuellement ses concitoyens. A commencer par celle des discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers défavorisés et particulièrement ceux qui sont d’origine maghrébine ou africaine.

Le président a donc rappelé, comme il l’avait fait lors de sa dernière intervention télévisée à la suite des émeutes en banlieue, que «les jeunes Français nés de parents étrangers sont toutes et tous les filles et les fils de la République». Et d’ajouter qu’on «ne peut pas accepter que certains soient victimes de discriminations en fonction de leur origine». C’est l’une des raisons pour lesquelles le président envisage de «légaliser le testing». Il s’agit par là de permettre de vérifier les critères de sélection de candidats à l’embauche ou au logement et de s’assurer qu’il n’y a pas de discrimination raciale, en présentant tout à tour des personnes d’origine européenne puis maghrébine ou africaine. Jacques Chirac a aussi affirmé qu’il était favorable à la mise en place du curriculum vitae anonyme. Cette mesure est, elle aussi, destinée à faire en sorte que la sélection ne se fasse pas à partir d’un nom, dont la consonance étrangère peut être un handicap, mais uniquement à partir des compétences du candidat. Le président va même encore plus loin en déclarant qu’il faudrait développer les recrutements basés sur «les tests d’aptitude» de manière à «détecter vraiment toutes les compétences».

Logements sociaux : faire respecter la loi

Le chef de l’Etat estime aussi qu’il est nécessaire que la justice punisse tous les comportements discriminatoires. Il rappelle d’ailleurs que l’Autorité de lutte contre les discriminations qu’il a créé aura «désormais un pouvoir de sanctions». Jacques Chirac a aussi pris parti sur la question de la construction de logements sociaux dans les villes. Il s’est engagé à faire respecter la loi qui impose aux maires d’en construire 20 %. Jusqu’à présent, un grand nombre d’élus municipaux préfèrent, en effet, payer des amendes plutôt que d’autoriser la construction sur leurs communes de tels logements susceptibles d’accueillir des populations défavorisées. Cette situation contribue à la pénurie actuelle d’habitations de ce type.

Si Jacques Chirac a insisté sur le caractère inacceptable des discriminations raciales ou sociales dont peuvent être victimes certaines personnes, il a aussi mis en avant les devoirs de chacun au sein de la République et notamment ceux des parents d’enfants délinquants. Le chef de l’Etat a néanmoins apporté une réponse moins catégorique que son ministre de l’Intérieur sur la question des sanctions dont ils pourraient être l’objet. Là où Nicolas Sarkozy appelle à la suppression des allocations familiales pour les familles d’enfants délinquants, Jacques Chirac préfère le principe d’une «suspension temporaire» pour les parents qui ne remplissent pas «le contrat de responsabilité parentale» dont il suggère la mise en place.

Le choix des mots

Le président a aussi marqué sa différence avec le ministre de l’Intérieur sur d’autres sujets comme celui du vote des étrangers aux élections locales en faveur duquel Nicolas Sarkozy s’était prononcé il y a peu. Jacques Chirac a, sur ce point, réaffirmé le principe selon lequel «en France, la nationalité et le suffrage sont liés». Et de préciser qu’un «étranger qui a fait le choix de vivre en France et de s’investir dans notre communauté nationale peut être naturalisé et voter». Le président de la République a surtout désapprouvé le vocabulaire choisi par Nicolas Sarkozy pour parler des jeunes responsables de violences. Il a affirmé : «En politique, le choix des mots est évidemment essentiel… Quand une personne commet un délit ou un crime, c’est un délinquant ou un criminel. C’est la loi qui le dit». Au-delà de la forme, il reste que sur certains problèmes de fond les différences sont moins criantes entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Concernant la question de l’immigration irrégulière, le président de la République prône lui aussi la fermeté et estime que les «reconduites à la frontière doivent être beaucoup plus systématiques». De même sur la polygamie, le chef de l’Etat rappelle qu’elle est «interdite par la loi française» et affirme qu’il entend lutter contre elle en renforçant notamment le «contrôle des demandes de regroupement familial».

Jacques Chirac a, d’autre part, pris position dans le débat, très sensible actuellement en  France, autour de la question de la mémoire et de l’histoire. Il s’est déclaré favorable à la mise en place d’un jour du souvenir pour les descendants d’esclaves. Le chef de l’Etat a aussi rappelé que la France «a été le premier pays du monde, et à ce jour le seul, à reconnaître l’esclavage comme crime contre l’humanité». Il a aussi annoncé qu’il allait recevoir à ce sujet la présidente du Comité pour la mémoire de l’esclavage, Maryse Condé. Quelques jours après avoir décidé de créer une mission pluraliste sur l’action du Parlement face à l’Histoire, pour calmer la polémique provoquée par l’adoption d’un amendement qui évoque «les aspects positifs» de la colonisation française dans la loi sur les rapatriés, Jacques Chirac prend donc une nouvelle position significative sur le thème de la mémoire.


par Valérie  Gas

Article publié le 13/12/2005 Dernière mise à jour le 13/12/2005 à 19:16 TU