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Immigration

La France au mérite

Le Premier ministre français, Dominique de Villepin.(Photo: AFP)
Le Premier ministre français, Dominique de Villepin.
(Photo: AFP)
Dominique de Villepin a annoncé un certain nombre de mesures destinées à favoriser une «immigration choisie», à l’issue d’un comité interministériel consacré à cette question le mardi 29 novembre. Le Premier ministre a insisté sur la nécessité de mieux contrôler les procédures qui permettent d’accéder au territoire grâce au mariage ou au regroupement familial, et de davantage sélectionner les étudiants désireux de venir en France poursuivre leur cursus. L’objectif affiché ouvertement par Dominique de Villepin est d’essayer de mettre en place les conditions nécessaires à une meilleure intégration des immigrés, notamment en généralisant le Contrat d’accueil et d’intégration (CAI).

Des immigrés intégrés, c’est ce que veut Dominique de Villepin. La crise des banlieues a participé à faire de ce souhait un objectif politique incontournable. Les violences perpétrées pendant plusieurs semaines par des jeunes, majoritairement fils ou petits-fils d’immigrés d’Afrique ou du Maghreb, ont en effet provoqué un électrochoc dans la société française et ont amené au cœur des débats le problème de l’immigration. Dans ce contexte, les annonces du Premier ministre sur ce sujet représentent une première illustration des solutions que le gouvernement envisage pour éviter d’alimenter encore le flot des exclus issus de l’immigration dans les années à venir. Il s’agit en quelque sorte d’un axe complémentaire à celui de la lutte contre l’exclusion dans les cités.

La tendance est clairement définie. Le gouvernement entend mieux gérer les arrivées, c’est-à-dire les contrôler davantage. C’est pour cette raison que le Premier ministre a annoncé qu’il désirait que le délai minimum pour que le conjoint étranger d’un citoyen français puisse demander la nationalité soit allongé de deux à quatre ans pour ceux qui résident en France, et de trois à cinq ans pour ceux qui vivent hors de l’Hexagone, de manière à ce que la nationalité soit «le moins possible un droit automatique».

Dominique de Villepin demande, d’autre part, le renforcement du contrôle des mariages binationaux conclus à l’étranger. Et pour y parvenir, le gouvernement veut pouvoir agir avant les unions en rendant obligatoire une audition des futurs époux devant le consul. A charge pour le représentant de l’Etat d’émettre des réserves. Il veut aussi faire en sorte que la transcription de ces mariages sur l’état civil français ne soit plus automatique en donnant au parquet de Nantes, qui se charge des régularisations, le pouvoir de s’y opposer en cas de doute sur la validité de l’union. Ces dispositions nécessitent une réforme du Code civil et devront donc faire l’objet d’un projet de loi que le Premier ministre espère faire adopter au premier trimestre 2006.

Vérifier la validité des mariages binationaux

Ces mesures ont été décidées parce que le gouvernement a constaté l’augmentation très importante des mariages binationaux célébrés à l’étranger ces dernières années. Avec 34 000 unions de ce type en 2004 (contre 13 000 en 1995), il s’agit à ce jour du premier mode d’immigration légale. Et pour Dominique de Villepin cette «explosion pose un certain nombre de questions», comme celle de la proportion de mariages blancs. Le Premier ministre estime donc qu’il faut «lutter contre la tendance qui ferait du mariage avec un Français quelque chose qui se monnaie».

A en croire le chef du gouvernement, ce renforcement des contrôles sur la validité des unions est aussi nécessaire pour «être en mesure de vérifier le respect de la loi qui interdit la polygamie dans notre pays». Ce thème très sensible fait en effet partie des sujets qui ont émergé à la suite des violences dans les banlieues. Le ministre délégué à l’Emploi, Gérard Larcher, avait même estimé que la polygamie était l’une des causes des émeutes. Sans valider cette thèse, Dominique de Villepin confirme bien la réalité du phénomène (difficile à quantifier) et la nécessité de lutter contre lui, notamment en durcissant les conditions du regroupement familial.

Un certain nombre de pistes ont été évoquées lors du conseil interministériel de mardi pour agir dans ce domaine. Dominique de Villepin a, par exemple, déclaré qu’il était favorable à une plus grande vigilance face au «degré d’intégration du demandeur de regroupement». La maîtrise de la langue française étant une condition indispensable, selon lui, pour permettre l’intégration de la famille. Le chef du gouvernement s’est aussi déclaré favorable à l’allongement du délai de séjour en France à partir duquel on peut demander à faire venir sa famille (de un à deux ans). Reste qu’il ne s’agit pour le moment concernant le regroupement familial que de considérations générales, car sur cette question aucune décision ne sera prise avant le mois de février 2006, date à laquelle Dominique de Villepin a demandé à son ministre de l’Intérieur de lui remettre des conclusions.

Dans la ligne de la politique de l’immigration «choisie» que veut mettre en place le Premier ministre, le volet qui concerne les étudiants est aussi très important. Son objectif est de «faire en sorte que les meilleurs d’entre eux viennent chez nous et pas ailleurs». Dominique de Villepin compte y parvenir en procédant «à davantage de sélection avant l’entrée en France», grâce à la mise en place de quatre critères supplémentaires dont les ambassades devront tenir compte avant d’accorder des visas d’études. Il s’agit du projet d’études, du parcours académique et personnel, des compétences linguistiques, de l’état des relations bilatérales avec le pays d’origine.

Des droits et des devoirs

Le dispositif des CEF (Centre pour les études en France) qui existe déjà en Chine, au Maghreb, au Sénégal et au Vietnam doit, d’autre part, être élargi à six nouveaux pays : le Mexique, la Corée du Sud, le Liban, le Cameroun, la Turquie et Madagascar. Le passage par les CEF permettra aux étudiants d’avoir droit à un titre de séjour automatique et donc d’éviter le contrôle à la préfecture. Les étudiants à «fort potentiel», c’est-à-dire ceux des mastères ou des grandes écoles, pourront obtenir une fois leur cursus achevé une carte de séjour de six mois destinée à leur permettre de travailler.

Au-delà du durcissement des contrôles et de la sélection, le gouvernement veut aussi faire comprendre aux immigrés que venir en France est un «choix» qui suppose «un accompagnement de l’Etat» mais aussi «des efforts de la part des individus». C’est pourquoi Dominique de Villepin désire généraliser, voire rendre obligatoire, la signature d’un Contrat d’accueil et d’intégration (CAI) par tous les étrangers désirant s’installer en France. Mis en place en 2003, ce contrat engage le signataire à respecter «les lois et valeurs» de la République et à acquérir un certain niveau d’expression en français. En échange de quoi, il peut bénéficier de l’aide de l’Etat. «C’est la garantie que celui qui vient en France connaît ses droits, ses devoirs, maîtrise les outils de son intégration».


par Valérie  Gas

Article publié le 29/11/2005 Dernière mise à jour le 29/11/2005 à 15:32 TU