Immigration
Droit de vote des étrangers: oui ou non?
(Photo: LDH)
«Votons pour qu’ils votent ! », résume Henri Pouillot, responsable local du mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap). Annoncée depuis le 1er décembre, la «votation citoyenne» s’ouvre aujourd’hui: quelque 1 200 bénévoles de 120 villes de France accueillent sur 450 lieux de vote différents tous ceux qui souhaiteraient donner leur avis: il s’agit de se prononcer pour ou contre le principe d’accorder un droit de vote et d’éligibilité aux élections locales aux «étrangers non ressortissants de la Communauté européenne» –les autres bénéficiant du droit de vote aux élections municipales et aux élections du Parlement européen depuis le référendum de Maastricht.
Une proposition de loi concernant le droit de vote accordé aux étrangers aux élections municipales avait été faite par Noël Mamère et votée à l’Assemblée nationale en mai 2000 avec une majorité de gauche. Le texte n’a pour autant jamais été présenté devant le Sénat. L’idée a été reprise par la Ligue des droits de l’homme, et elle a été soutenue par l’ensemble des partis de gauche (PS, PC, la Ligue communiste révolutionnaire, et les Verts).
L’UDF pour sa part n’a jamais réellement pris position. Le ministre Gilles de Robien ne s’est pas prononcé contre, précisant toutefois: «Il faut certains critères, c’est-à-dire une stabilité dans la commune, peut-être 5 ou 10 ans, il faut qu’il y ait des impôts ou des cotisations». Au sein de l’UMP, globalement contre, le ministre de l’Intérieur Sarkozy a fait cavalier seul en se déclarant, quant à lui, favorable à cet octroi, déclarant dans le Monde: «Il ne serait pas anormal que les étrangers non communautaires résidant en situation régulière depuis plus de dix ans, aient le droit de voter aux élections municipales». Des déclarations qui ont vivement fait réagir le Premier ministre Dominique de Villepin: «C’est la nationalité qui donne le droit de s’exprimer sur les grandes orientations politiques locales ou nationales.», ajoutant: «Tout étranger qui habite sur notre territoire depuis plus de cinq ans peut librement demander la nationalité française.».
«Une ville multiculturelle se construit et se nourrit de la diversité de ses habitants.».
En marge de ces débats, l’idée a fait son chemin auprès des militants de la Ligue des droits de l’homme (www.ldh-france.org), des associations et des responsables de mouvements politiques et syndicaux de gauche; plusieurs municipalités ont donc imaginé cette consultation citoyenne, qui n’a pas de valeur légale, mais qui a pour but de sensibiliser l’opinion à l’intégration des étrangers vivant sur le territoire. «Tous parisiens, tous citoyens: Paris lutte contre les discriminations», titre la campagne soutenue par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui met en avant le fait qu’«une ville multiculturelle se construit et se nourrit de la diversité de ses habitants.».
Aucune pièce d’identité ne sera demandée pour déposer son bulletin dans l’urne, ce qui signifie en d’autres termes qu’il n’y aura ni contrôle de l’âge des votants, ni contrôle du nombre de votes que pourra effectuer chacun. D’entrée de jeu, l’opération n’est pas toujours favorablement accueillie par les élus de droite. Le Parisien rapporte les commentaires de Claude Goasguen, président du groupe UMP au conseil de Paris, lequel dénonce «un gadget uniquement destiné à faire la communication de Bertrand Delanoë», et de François Legaret, maire UMP du 1er arrondissement de Paris qui déplore: «une opération ridicule sans aucune valeur (…). Ce n’est pas sérieux».
«Prévention et lutte contre les discriminations raciales»
Pour la Ligue des droits de l’homme, cette votation citoyenne s’inscrit dans la perspective «d’informer l’opinion et de faire un relais auprès des politiques», comme le souligne Saïd Bouziri, référent de la «votation citoyenne» à Paris, afin que «la loi soit définitivement votée». De son côté, le Conseil de citoyenneté des parisiens non communautaires (CCPNC) -qui a vu le jour en janvier 2002-, défend avant tout une volonté de sensibiliser tous les citoyens et d’appuyer le travail effectué par les associations.
Le CCPNC est une instance participative composée de 90 personnes issues d’une trentaine de nationalités différentes, qui donne la parole aux étrangers en les associant à la vie de la municipalité. «En créant cette délégation, la municipalité a voulu porter l’accent sur une part de la population qui restait dans l’ombre. Aujourd’hui, une administration existe: la mission intégration est reconnue par les autres directions de la ville, et impulse un certain nombre d’actions. La place de l’étranger dans la vie de la cité est davantage prise en compte depuis que le CCPNC remet un rapport annuel. De gros efforts sur les actions de prévention et de lutte contre les discriminations raciales en direction des Parisiens ou du personnel municipal ont également été faits.», déclare Khédidja Bourcart, adjointe au maire chargée de l’intégration et des étrangers non communautaires qui défend ardemment l’idée que vivre ensemble, c’est tout d’abord communiquer.
par Dominique Raizon
Article publié le 05/12/2005 Dernière mise à jour le 05/12/2005 à 18:05 TU