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Semaine décisive pour Dominique de Villepin

Dimanche soir, à la télévision, Dominique de Villepin, chef du gouvernement français, n’a pas reculé sur son projet.(Photo : premier-ministre.gouv.fr)
Dimanche soir, à la télévision, Dominique de Villepin, chef du gouvernement français, n’a pas reculé sur son projet.
(Photo : premier-ministre.gouv.fr)
Le Premier ministre Dominique de Villepin est intervenu dimanche soir à la télévision pour tenter de calmer l’inquiétude des jeunes face au nouveau contrat de travail préparé par le gouvernement, le CPE. Certains espéraient un retrait du projet de loi, il n’en est rien. Dominique de Villepin a cependant proposé des aménagements pour mieux encadrer la CPE à l’occasion de cette interview regardée par 11,5 millions de téléspectateurs.

Destiné aux jeunes de moins de 26 ans, le contrat première embauche (CPE), prévoit une « période d’essai » de deux ans. Actuellement, elle varie entre un et trois mois. Pour le chef du gouvernement, cette possibilité de licencier sans motif un jeune salarié devrait favoriser les embauches. L’argument du gouvernement, c’est que les patrons hésitent à recruter car les obstacles réglementaires sont nombreux au moment du licenciement. Le CPE est destiné aux jeunes car leur taux de chômage en France dépasse les 20% de la population active. 

Ce nouveau contrat de travail a été mal accepté par les étudiants et les lycéens. Ils savent que les CDD (contrat à durée déterminée), les périodes de carence, sont de plus en plus fréquents et que le CDI (contrat à durée indéterminée) est en train de devenir une denrée rare. Les jeunes ont déjà protesté à plusieurs reprises, soit en manifestant dans la rue, soit en occupant des universités. Les syndicats non étudiants les soutiennent.

Dimanche soir, à la télévision, le chef du gouvernement français n’a pas reculé sur son projet : « La loi qui a été votée s’appliquera, elle sera mise en œuvre », a déclaré Dominique de Villepin. Il a cependant indiqué : « Je souhaite compléter les garanties par de nouvelles garanties négociées avec les partenaires sociaux ». Le jeune qui sera embauché avec comme contrat de travail un CPE sera, tout au long des deux ans de sa période d’essai, accompagné par « un référent », une personne du monde du travail qui sera à sa disposition pour répondre à toute interrogation. Si un salarié est congédié avant ce laps de temps de deux ans, il bénéficiera, en plus des allocations chômage habituelles, d’une rémunération supplémentaire, à condition de suivre une formation. Enfin tous les six mois, le CPE fera l’objet d’une évaluation pour voir s’il remplit les objectifs prévus : faire baisser le chômage des jeunes.

« Beaucoup de jeunes en Europe seraient contents d’avoir » un CPE a encore expliqué à la télévision le chef du gouvernement français. Ce lundi, les jeunes ne semblent pourtant pas satisfaits des améliorations proposées par le Premier ministre pour mieux encadrer le contrat première embauche. Bien au contraire, les étudiants et les lycéens ont jugé « autiste » l’intervention du Premier ministre. Leurs organisations ont estimé que la fermeté de Dominique de Villepin allait encore renforcer la colère des jeunes. Les trois journées de manifestation prévues cette semaine sont maintenues. Il a dit « la loi s’appliquera », je lui réponds « la rue s’exprimera », a déclaré Bruno Julliard, président de l’Unef, le syndicat étudiant le plus important. « Villepin fonce droit dans le mur de la mobilisation », a pour sa part déclaré l’Union nationale lycéenne.

La grande manifestation, samedi

Trois manifestations sont prévues cette semaine afin d’obtenir le retrait du CPE et de la loi dans laquelle il est intégré, la loi sur l’égalité des chances. La coordination nationale étudiante appelle à une première mobilisation mardi. Ensuite, le collectif d’organisations de jeunes, stop-CPE, demande aux jeunes de descendre dans la rue jeudi. La manifestation la plus importante devrait avoir lieu samedi. L’appel à manifester est lancé par les jeunes et par les confédérations syndicales « classiques ». La CGT s’est, dès lundi, félicitée de la mobilisation anti-CPE, appelant à de « puissantes » manifestations pour obtenir le retrait du contrat première embauche. « Pour la CGT, le retrait du CPE n’est pas négociable. Le gouvernement doit annoncer celui-ci sans délai faute de créer de nouvelles et importantes mobilisations dans tout le pays », indique le syndicat dans son communiqué.

Alors qu’un petit parfum de révolte souffle dans le monde étudiant, les 84 universités françaises organisent désormais des assemblées générales quotidiennes pour parler du CPE et de la précarité dans l’emploi salarié. Certaines facultés étant bloquées depuis la mi-février, des référendums sont également organisés pour que les étudiants votent la prolongation, ou non, de la grève.

Tandis que certains rêvent de refaire mai 68 et de mettre la société en ébullition, les hommes politiques s’emparent, eux aussi, du CPE. La gauche bien sûr souhaite le retrait du texte controversé. Le premier secrétaire du Parti socialiste a accusé le Premier ministre de « confondre autorité et entêtement ». François Hollande a par ailleurs jugé insuffisantes les garanties supplémentaires proposées par le Premier ministre. Laurent Fabius, leader du « non » de gauche au référendum sur la Constitution européenne de 2005, a souhaité que le texte, qui permettra de licencier un jeune sans motif pendant deux ans, ne soit pas promulgué. L’ancien Premier ministre socialiste a par ailleurs estimé que l’intervention, dimanche soir à la télévision, de Dominique de Villepin, n’avait pas « changé la donne » mais allait au contraire « mettre de l’huile sur le feu ». Laurent Fabius a par ailleurs expliqué que le président Chirac a « dans ses mains la possibilité de le faire (retirer le texte) », le texte ayant été voté, et pas encore promulgué. « Si l’on veut être sage et éviter les affrontements, repartir sur de bonnes bases, il faut que ce texte ne soit pas promulgué et que soit ouverte une concertation avec les organisations étudiantes, les syndicats et qu’on aboutisse à un dispositif qui soit vraiment utile pour les jeunes sans qualification », a encore expliqué Laurent Fabius.

Patrick Devedjian, député UMP proche de Nicolas Sarkozy, en appelle lui aussi au président de la République. «Il faudra qu’il intervienne à un moment ou à un autre pour dire son sentiment et sans doute aussi apporter sa part de débat », a-t-il indiqué, au lendemain de l’intervention télévisée de Dominique de Villepin. Interrogé sur les manifestations prévues cette semaine, l’ancien ministre du budget de droite a estimé : « C’est là que ça se joue ».

Les soutiens

Pour le politologue Dominique Reynié, le Premier ministre a « sous-estimé» l’usure du pouvoir, la réforme du CPE étant « la réforme de trop » et « c’est toute la droite qui est affaiblie ». Malgré la concurrence entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy dans la course à l’Elysée, ce dernier a indirectement fait part de sa solidarité avec le Premier ministre. Comme Patrick Devedjian, Brice Hortefeux, ministre des Collectivités territoriales, a salué la volonté de dialogue du Premier ministre. Selon le ministre, qui est également secrétaire général de l’UMP, le parti gouvernemental, Nicolas Sarkozy « soutient pleinement le gouvernement » et « accompagne loyalement » le Premier ministre.

Le Medef tient sa conférence de presse mensuelle mardi matin et lundi, c’est sa fédération la plus importante, l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), qui a réagi aux propos du Premier ministre à la télévision. Les nouvelles « garanties » proposées « renforcent l’utilité » du contrat première embauche. Il est un « instrument supplémentaire de lutte contre le chômage des jeunes en difficulté », estime l’UIMM.

Si mardi est le premier jour de mobilisation anti-CPE de la semaine, c’est également ce jour-là que les groupes socialistes de l’Assemblée nationale et du Sénat ont l’intention de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Il peut censurer tout le texte du projet de loi sur l’égalité des chances, soit disqualifier uniquement la partie concernant le CPE ou encore demander quelques modifications. Le Conseil constitutionnel dispose d’un délai d’un mois avant de se prononcer.      


par Colette  Thomas

Article publié le 13/03/2006 Dernière mise à jour le 13/03/2006 à 17:04 TU

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Isabelle Chenu

Journaliste à RFI

«Le Premier ministre s'est montré plutôt calme, presque indiffèrent au risque politique qu'il est en train de prendre.»

[13/03/2006]

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