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CPE : la rue fait pression

La manifestation contre le CPE a rassemblé beaucoup de monde dans les rues de Paris et dans différentes villes de provinces.(Photo : AFP)
La manifestation contre le CPE a rassemblé beaucoup de monde dans les rues de Paris et dans différentes villes de provinces.
(Photo : AFP)
Obliger le gouvernement à renoncer au contrat première embauche (CPE) : c’était l’objectif des centaines de milliers de manifestants qui sont descendus dans la rue le 7 mars à l’appel des syndicats, des organisations étudiantes et lycéennes, mais aussi des partis de gauche. Le CPE cristallise actuellement le mécontentement social. Cette mesure adoptée par le gouvernement se situe, en effet, au cœur du débat sur le chômage des jeunes, qui représente une source d’inquiétude majeure pour les Français.

Tenir ou fléchir. A l’issue de la journée de mobilisation contre le contrat première embauche (CPE), le gouvernement doit choisir entre ces deux options. La forte mobilisation dans les rues des villes françaises, mardi 7 mars, accentue la pression sur Dominique de Villepin qui est à l’origine de cette mesure présentée comme un «choix» qu’il entend «assumer». Les estimations réalisées dans l’après-midi semblaient, en effet, indiquer une plus grande participation que lors de la précédente journée de manifestations organisée le 7 février dernier (entre 200 000 et 400 000 personnes).

C’est la province qui a ouvert le bal. A Marseille,  plusieurs dizaines de milliers de personnes (12 000 pour la police, 100 000 pour les manifestants), lycéens en tête, ont défilé dans la matinée. A Toulon, entre 4 000 et 10 000 manifestants sont descendus dans la rue. A Rennes, de 11 000 à 20 000 personnes ont manifesté et des incidents ont eu lieu entre des étudiants et les forces de l’ordre. A Paris, le défilé s’est déroulé dans l’après-midi et a rassemblé des dizaines de milliers de participants (200 000 selon la CGT).

Une grève peu suivie

Les appels à la grève n’ont, en revanche, pas été très largement suivis. Dans les transports en commun de la région parisienne, le trafic n’a pas subi de véritables perturbations. Des villes comme Marseille, Montpellier, Ajaccio, Dijon ou Lille ont été plus touchées avec un trafic assuré à environ 70%. A Calais ou Clermont-Ferrand, la grève a eu un impact supérieur puisque les transports urbains n’ont fonctionné qu’à 40 ou 50%. Les liaisons ferroviaires et aériennes ont été presque normales. A Air France, seules quelques lignes intérieures (une vingtaine) ont enregistré des retards et des annulations. Dans l’Education nationale, la mobilisation a été plus forte dans les collèges et lycées (13,5% et 15,8%) que dans les écoles primaires et maternelles (11,5%). Dix-huit universités étaient, d’autre part, en grève mardi matin. La Sorbonne, à Paris, a même dû rester fermée pour éviter une tentative de blocage de la part des manifestants anti-CPE.

Pour les syndicats, le gouvernement doit donc prendre cette journée de manifestations comme une mise en garde, et surtout envisager qu’il peut y avoir des suites. Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, a promis à Dominique de Villepin «d’autres étapes» s’il ne renonce pas au CPE, qualifié «d’erreur». François Chérèque, son homologue de la CFDT, estime que s’il n’engage pas «un dialogue», le Premier ministre prend le risque d’avoir à faire face à «un dérapage social». C’est bien là tout l’enjeu de la mobilisation anti-CPE : peut-elle se transformer en mouvement social de grande ampleur ?

C’est ce que souhaiteraient les syndicats et les partis de gauche qui y voient une opportunité de miner le terrain de la droite dans la perspective des échéances électorales de 2007. C’est ce que le gouvernement, qui sait qu’il joue gros dans cette affaire, désire éviter. Malgré ce risque, Dominique de Villepin semble déterminé à défendre le CPE contre des attaques qu’il met essentiellement sur le compte de «l’idéologie». Le chef du gouvernement, qui s’est exprimé mardi à l’Assemblée nationale, a tenté de reprendre l’initiative politique en mettant en valeur la stérilité des critiques émises par ceux qui n’ont rien à proposer en échange : «Que reprochez-vous au gouvernement ? Le dialogue ? Mais où sont vos propositions que nous pourrions discuter ?».

Expliquer et écouter

Il est vrai que peu de propositions ont été faites pour tenter d’apporter une solution au problème du chômage des jeunes. C’est peut-être là que se situe la fenêtre de tir du gouvernement qui peut toujours argumenter -et c’est ce qu’il fait- qu’il vaut mieux tenter que critiquer et ne rien faire. Villepin prône le «pragmatisme» contre «l’immobilisme» de ses adversaires et met en avant qu’il faut tout essayer pour mettre fin à la «galère» des 25% de jeunes qui, à l’heure actuelle, ne trouvent pas de travail. Un taux qui atteint même 40% dans les zones les plus défavorisées.

Le Premier ministre sait bien néanmoins qu’il ne peut se permettre, après une journée de manifestation à laquelle des centaines de milliers de personnes ont participé, de rejeter en bloc les critiques et qu’il lui faut donc prendre en compte le message de la rue. C’est vraisemblablement ce qu’il a essayé de faire en affirmant, mardi, qu’il était disposé à enrichir le dispositif de lutte contre le chômage des jeunes de «toute proposition nouvelle» et en annonçant que les ministres concernés allaient ouvrir dès la semaine prochaine «une large concertation», mais aussi que le CPE ferait l’objet «le moment venu d’une évaluation approfondie». Une manière de montrer à l’opinion qu’il est déterminé mais pas sourd.


par Valérie  Gas

Article publié le 07/03/2006 Dernière mise à jour le 07/03/2006 à 18:00 TU