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CPE : la situation s’envenime pour Villepin

Des étudiants bloquent l'entrée de l'université de Jussieu (Paris VI), le 08 mars 2006 à Paris, au lendemain de la manifestation nationale pour exiger le retrait du CPE.(Photo: AFP)
Des étudiants bloquent l'entrée de l'université de Jussieu (Paris VI), le 08 mars 2006 à Paris, au lendemain de la manifestation nationale pour exiger le retrait du CPE.
(Photo: AFP)
La mobilisation anti-contrat première embauche (CPE) se poursuit. Depuis la journée de manifestations du 7 mars, les étudiants entretiennent le mouvement de protestation en organisant des grèves et des blocages dans de nombreuses universités. Cette situation commence d’ailleurs à provoquer des tensions avec ceux qui désirent continuer à aller normalement en cours et en sont empêchés par des barrages. Les syndicats de salariés sont, eux aussi, déterminés à continuer la bataille contre la mise en œuvre du CPE et réfléchissent aux suites qu’ils entendent donner au mouvement. Dans ce contexte, Dominique de Villepin ne cesse de réaffirmer sa volonté de maintenir une mesure qui, pourtant, commence à être critiquée dans les rangs même de son parti.

De mal en pis. Dominique de Villepin ne parvient pas à enrayer la spirale de la protestation contre le contrat première embauche (CPE). A tel point qu’un certain nombre de voix s’élèvent dans les rangs même de la majorité pour critiquer sa gestion de la crise. Comme si les attaques de la gauche, des syndicats, des étudiants et des lycéens n’étaient pas suffisantes, voilà que des membres de l’UMP (Union pour un mouvement populaire) se mettent à avouer leurs doutes.

C’est ainsi qu’Hervé de Charrette, député et ancien ministre des Affaires étrangères, a estimé que «devant les tensions et les incompréhensions qui s’expriment dans toute la société… il faut suspendre le CPE». Et d’attaquer directement son promoteur, Dominique de Villepin : «Je ne crois pas qu’on puisse avoir pour stratégie ça passe ou ça casse. Je demande que le Premier ministre ait la sagesse, l’humilité et l’intelligence de retirer son texte». Avec une mise en garde à la clef : «Le CPE, c’est un échec qui peut, si le gouvernement s’obstinait, nous coûter l’élection présidentielle».

Des doutes dans la majorité

Même si Hervé de Charrette est le seul à interpeller si directement le chef du gouvernement et à manifester son opposition à la mise en œuvre du CPE -envers lequel il a montré son opposition en s’abstenant lors de la consultation sur le texte à l’Assemblée nationale le 8 mars-, d’autres membres de la majorité craignent que cette mesure ne finisse par coûter très cher lors des prochaines élections, présidentielle et législative, en 2007. Patrick Devedjian qui diagnostique que le mouvement «va continuer», demande donc au gouvernement «d’ajuster sa copie», en expliquant qu’il peut «à la fois maintenir son projet et l’améliorer». Une position partagée par Yves Jégo qui a déclaré : «Il est impensable qu’on n’écoute pas ce qui s’exprime dans la rue».

Ces voix dissonantes ne sont néanmoins pas majoritaires à l’UMP. Et certains membres du parti les ont désapprouvées. Josselin de Rohan, le président du groupe UMP au Sénat, a même écrit à Nicolas Sarkozy, président du parti, pour exprimer son «indignation» face aux déclarations d’Hervé de Charrette et lui demander de les désavouer. François Fillon, ancien ministre de l’Education nationale et actuel conseiller politique de Nicolas Sarkzoy, a lui aussi estimé que le choix du Premier ministre de ne pas «céder à la rue» était «légitime au regard de la situation de l’emploi». Malgré ces marques de soutien, l’émergence de doutes à droite n’arrange certainement pas les affaires de Dominique de Villepin qui ne peut qu’y trouver une source supplémentaire de fragilité, alors qu’il fait déjà l’objet des attaques de l’opposition, des syndicats, des organisations étudiantes et lycéennes.

Depuis la journée de manifestations du 7 mars, le front de la protestation n’a en effet pas faibli. Il s’est même renforcé, notamment du côté des universités. L’Unef, le principal syndicat étudiant, indiquait jeudi qu’une quarantaine d’établissements (sur un total de 84) étaient en grève. Dans certaines universités, l’accès a même été bloqué par les étudiants grévistes. A la Sorbonne à Paris, à la faculté du Mans, dans les universités Montpellier II et III, par exemple. L’occupation des locaux des universités ne fait pas que des heureux. Certains étudiants ont protesté contre le blocage des établissements qui empêche ceux qui le désirent de suivre leurs cours. Une vingtaine d’étudiants de l’université de Tours ont même déposé plainte pour «atteinte aux libertés publiques», estimant que leurs droits n’étaient pas respectés par les grévistes.

Le retrait, sinon rien

Même si la grève ne fait pas l’unanimité parmi les étudiants, Bruno Julliard, le président de l’Unef, affirme que le mouvement «est dans une phase ascendante». Et il entend bien en profiter. Une réunion est d’ailleurs prévue jeudi 9 mars avec les organisations lycéennes et l’intersyndicale salariée pour décider des prochaines actions à mener. La FIDL, une organisation lycéenne, a quant à elle déjà lancé un appel à la manifestation pour le jeudi 16 mars. La participation à cette journée ou l’organisation d’une autre manifestation (le week-end pour que les salariés puissent y participer plus massivement) doivent être étudiées.

La tentative du gouvernement de désamorcer le mécontentement en proposant quelques aménagements du CPE sans renoncer à le faire appliquer a, dans ce contexte, bien peu de chances de fonctionner. Dominique de Villepin a annoncé l’ouverture d’une concertation menée par Jean-Louis Borloo (ministre de la Cohésion sociale) et Gérard Larcher (ministre délégué à l’Emploi) pour renouer le dialogue avec les partenaires sociaux. Ces entretiens devraient permettre de proposer des mesures d’accompagnement pour les jeunes qui seraient licenciés durant la période d’essai de deux ans. Par exemple, des conventions de reclassement qui permettent de percevoir, pendant huit mois, une rémunération supérieure à celle de l’allocation chômage, de bénéficier d’aide à la recherche d’emploi et de formation. Reste qu’il est peut-être un peu tard pour négocier des améliorations. Car l’objectif affiché par l’ensemble des participants au mouvement de protestation est le retrait pur et simple du CPE. Bruno Julliard a d’ailleurs été clair sur ce point : «On ne discutera pas avec le gouvernement avant le retrait et l’abrogation du contrat».


par Valérie  Gas

Article publié le 09/03/2006 Dernière mise à jour le 09/03/2006 à 16:50 TU

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Clarisse Vernhes

Journaliste à RFI

«Mauvais point pour le Premier ministre : même son ministre de la Cohésion sociale confesse avoir eu des doutes sur le CPE»

[09/03/2006]

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