Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Etats-Unis/Iran

Discussions malgré tout

Les présidents Ahmadinejad et Bush ne se sont pas encore personnellement exprimés sur ces futurs contacts Iran/Etats-Unis.(Photo : AFP/RFI)
Les présidents Ahmadinejad et Bush ne se sont pas encore personnellement exprimés sur ces futurs contacts Iran/Etats-Unis.
(Photo : AFP/RFI)
Un rapprochement s’annonce entre les Etats-Unis et l’Iran. Les deux pays, qui ont rompu toute relation depuis plusieurs décennies, vont avoir des contacts directs. Les discussions porteront sur la situation en Irak. C’est le responsable du programme nucléaire iranien qui a annoncé ces discussions.

Les Etats-Unis et l’Iran ont créé la surprise en annonçant qu’ils allaient discuter ensemble de la situation en Irak. Officiellement, Washington et Téhéran n’ont plus de contacts depuis la révolution islamique de 1979. C’est le risque de guerre civile en Irak qui motive cette rencontre. « Nous acceptons de négocier avec les Américains », a indiqué Ali Larijani, le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien. L’Iran « accepte la demande de notre frère (le chef du principal parti chiite irakien, Abdel Aziz Hakim) de régler les problèmes et questions irakiennes dans le but de créer un gouvernement indépendant », a encore précisé Ali Larijani. Cet homme est un haut représentant du régime iranien. Les membres du Conseil dont il est le secrétaire sont choisis par le Guide suprême de la République islamique, Ali Khameini. Et c’est le président Mahmoud Ahmadinejad qui dirige en personne cette instance. Depuis de longs mois, Ali Larijani essaie de faire accepter le programme nucléaire de son pays par la communauté internationale qui redoute que le programme iranien ait des applications militaires. C’est le même homme qui négocie avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), organe de contrôle du nucléaire.

Pas de discussions sur le nucléaire iranien

Le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale a indiqué que son pays dirait « plus tard qui sera chargé de ces négociations », tout en soulignant qu’elles porteraient « uniquement sur l’Irak ». La Maison Blanche a de son côté souligné qu’il n’est pas question d’un « dialogue » avec l’Iran, mais plutôt d’obtenir que Téhéran cesse ses ingérences en Irak. Officiellement, les discussions ne porteront donc pas sur les litiges entre l’Iran et les Etats-Unis, notamment sur le programme nucléaire iranien controversé, a encore précisé Washington.

Depuis l’Australie où elle effectue une visite, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice a commenté la nouvelle. « Nous comprenons que, comme en Afghanistan, ces discussions pourraient être utiles », a commenté, à Sydney, la responsable de la diplomatie américaine. « Mais ces discussions sont limitées aux questions liées à l’Irak », a-t-elle précisé alors qu’un journaliste lui demandait, au cours de sa conférence de presse avec le Premier ministre australien John Howard, si ces pourparlers pourraient s’étendre au dossier nucléaire iranien. Pas plus que la présidence américaine, Condoleezza Rice n’a donné de date pour cette reprise de contacts. Ils devraient commencer par une rencontre entre l’ambassadeur américain, basé à Bagdad, Zalmay Khalilzad et son homologue iranien. Jusqu’en 2005, Zalmay Khalilzad était ambassadeur à Kaboul. A cette époque, il avait des contacts avec l’Iran alors que les relations diplomatiques étaient rompues depuis des années entre son pays et l’Iran.

L’Iran a indiqué que ce n’est pas la première fois que le principal parti chiite irakien lui demandait une aide de ce genre. Jusqu’à présent, ce type de contacts « n’avait pas été rendu public », a indiqué Ali Larijani.

L’Irak coûte cher aux Américains

L’Irak est confronté à une vague de violence et n’est pas encore parvenu à mettre en place son gouvernement alors que les premières élections depuis l’invasion américaine se sont déroulées en janvier. Ce vendredi, des pèlerins chiites ont été tués dans plusieurs attaques à Bagdad. Des milliers d’entre eux se rendent actuellement à Kerbala, ville sainte où va se dérouler une fête religieuse le 20 mars prochain.  Un kamikaze s’est fait exploser dans un bus vide, des rebelles ont tiré des obus de mortier sur un poste de police. Il y a près d’un mois, l’ambassadeur américain à Bagdad avait annoncé, à l’occasion d’une conférence de presse, que les Etats-Unis n’allaient pas fournir indéfiniment une assistance militaire à l’Irak et que le sectarisme empêchait la mise sur pied du gouvernement. C’était la veille de l’attaque contre la Mosquée d’or, lieu saint chiite à Samarra. Dans cette région sunnite, les militaires américains ont lancé une offensive ce vendredi contre des localités soupçonnées d’abriter des sympathisants de la guérilla. Le Pentagone a présenté cette opération aéroportée comme « la plus importante » depuis l’invasion de l’Irak, en mars 2003.

Cette opération militaire de grande envergure coïncide avec le tout prochain vote, aux Etats-Unis, par la Chambre des représentants, d’une enveloppe budgétaire « d’urgence » de 92 milliards de dollars dont les deux tiers iront aux opérations militaires en Afghanistan et en Irak. Le plafond de la dette fédérale américaine devrait également être relevé. Les experts estiment que la guerre en Irak pourrait coûter 2 000 milliards de dollars aux Etats-Unis.

Quelques heures après l’annonce de ces futurs contacts Etats-Unis/Iran, l’ambassadeur américain à Bagdad donnait une interview au quotidien Le Monde daté du samedi 18 mars. « Pas plus qu’en Afghanistan, vous ne pouvez construire une nation et édifier un ordre démocratique solide si l’une ou l’autre des communautés majeures de ce pays ne participe pas. L’alternative est une guerre sans fin qui joue en faveur du terrorisme et des extrémistes. Les parties en cause doivent faire des compromis et je pense qu’elle y sont prêtes », a déclaré Zalmay Khalilzad au quotidien français.

L’Iran n’est pas cité dans cette interview mais on sait que les deux principales formations chiites irakiennes, en dehors de celle de l’imam radical Moqtada al-Sadr, sont proches de l’Iran, pays peuplé majoritairement de musulman chiites. « Je pense que l’Irak constitue un bon terrain d’entraînement pour permettre à l’Amérique de réfléchir en profondeur sur la façon dont elle se comporte », a de son côté déclaré Ali Larijani dans une interview, vendredi, au quotidien américain le New York Times.

Les observateurs estiment par ailleurs que l’Iran s’inquiète de son isolement toujours plus grand sur la scène internationale en raison du bras de fer autour de son programme nucléaire. Même le soutien de Moscou et de Pékin a montré ses limites. Alors si Iraniens et Américains dialoguent directement pour résoudre la crise irakienne, on peut imaginer, malgré tous les démentis de cette journée, que d’autres discussions pourraient ensuite avoir lieu sur le nucléaire.


par Colette  Thomas

Article publié le 17/03/2006 Dernière mise à jour le 17/03/2006 à 17:32 TU

Audio

Franck Weil-Rabaud

Journaliste à RFI

«D'après le traité de non-prolifération, tous les pays, y compris l'Iran, ont le droit de se doter d'un programme nucléaire civil.»

[31/01/2006]

Articles