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Liberia

Monrovia réclame l’extradition de Charles Taylor

La présidente libérienne, Ellen Johnson Sirleaf (au centre), a confirmé vendredi avoir adressé la demande d’extradition de Charles Taylor au président du Nigeria Olusegun Obasanjo.(Photo : AFP)
La présidente libérienne, Ellen Johnson Sirleaf (au centre), a confirmé vendredi avoir adressé la demande d’extradition de Charles Taylor au président du Nigeria Olusegun Obasanjo.
(Photo : AFP)
La présidente libérienne a envoyé au Nigeria une demande officielle d’extradition de Charles Taylor. En exil au Nigeria depuis 2003, l’ex-président libérien est sous le coup d’une inculpation du tribunal spécial pour la Sierra Leone.

De notre correspondante au Nigeria

C'est en duo qu'Olusegun Obasanjo et Ellen Johnson-Sirleaf ont annoncé la nouvelle vendredi. Par la voix de sa porte-parole, le chef de l'Etat nigérian a d'abord fait savoir que son homologue libérienne lui avait envoyé une lettre pour demander l'extradition de Charles Taylor. Quelques heures plus tard, la présidente en déplacement aux Etats-Unis confirmait cette demande alors qu'elle participait à un débat au Conseil de sécurité de l'ONU. Selon elle, il est « temps de conclure ».

Harcèlement

Cette lettre offre à Olusegun Obsasanjo la possibilité de livrer Charles Taylor sans renier sa parole. Le président nigérian s’était engagé à ne le livrer qu’à un gouvernement libérien élu qui lui en ferait la demande. En août 2003, le président nigérian a accueilli, à la demande de la communauté internationale, le dictateur libérien chassé du pouvoir par l'avancée des rebelles sur Monrovia. Charles Taylor a été installé au sud du pays, à Calabar. Face à l'océan, il aurait eu tout le loisir de méditer sur les erreurs du passé loin de l'opiniâtreté de la justice internationale, des organisations des droits de l'Homme et des Etats-Unis, qui n'ont eu de cesse de réclamer son extradition. A tel point qu’Olusegun Obasanjo s’est plaint en juillet dernier d’être victime d’un harcèlement sur le cas Taylor.

Les charges sont lourdes. En juin 2003, Charles Taylor a été inculpé par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone de crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Il est accusé d'être le parrain du Front révolutionnaire uni, un mouvement qui s'est illustré en amputant des milliers de personnes, durant la guerre civile sierra-léonaise entre 1999 et 2001. Victimes du RUF, des hommes d'affaires nigérians ont lancé une procédure contre Taylor au Nigeria. L'ex président libérien a également été accusé à plusieurs reprises de fomenter à partir de son exil des troubles dans son pays.

Joie et inquiétude des défenseurs des droits de l’Homme

Les associations de défense des droits de l’Homme, qui militent depuis des mois pour l’extradition, se sont réjouies de la nouvelle. « Sa comparution n’est plus désormais qu’une question de temps », a estimé Voke Ighorodje, de la Coalition nigériane pour la Cour pénale internationale. D’autres ont peur de crier victoire trop tôt. « Nous savons que ces derniers temps Charles Taylor négociait avec des présidents africains pour être hébergé ailleurs et éviter de retourner au Liberia », explique  Shina Loremikan, du Comité pour la défense des droits de l’Homme. « Il faut que Taylor soit extradé au Libéria et que, de là, il aille directement en Sierra Leone ». L’organisation Human Rights Watch salue « un pas immense pour l’avancée de la justice en Afrique de l’Ouest », mais la consultation par Olusegun Obasanjo de ses pairs africains l’inquiète. Selon HRW, elle n’est « pas nécessaire, compte tenu de l’inculpation et de la requête du Liberia ».

Consultations au sein des instances africaines

Le président nigérian consulte le Congolais Denis Sassou Nguesso, actuel président de l’Union africaine, et Mamadou Tanja, président de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest. C’est en accord avec le point de vue de ces organisations qu’il répondra à la demande d’extradition. La décision sera donc officiellement politique et collégiale. Ellen Johnson-Sirleaf et Olusegun Obasanjo, qui se sont rencontrés plusieurs fois ces derniers mois, semblent agir en bonne entente.

Après son élection en novembre dernier, la présidente libérienne avait déclaré ne pas vouloir « réveiller les fantômes du passé », en faisant revenir Taylor au Liberia. Mais, selon un analyste politique, « une menace du Congrès américain de conditionner l’aide au Liberia à la demande d’extradition »  explique en partie son revirement. « Inquiète pour sa sécurité, Ellen Johnson-Sirleaf est sincère dans sa volonté de voir Taylor traduit en justice », estime cet analyste. Reste à savoir si, de son côté, « Olusegun Obasanjo change son fusil d’épaule ou s’il cherche juste une couverture politique ».


par Virginie  Gomez

Article publié le 17/03/2006 Dernière mise à jour le 17/03/2006 à 18:56 TU